Pratiques Linguistique, littérature, didactique 173-174 | 2017 Le déjà-là dans

Pratiques Linguistique, littérature, didactique 173-174 | 2017 Le déjà-là dans l'écriture La novélisation : une rencontre avec du déjà-là qui révèle les positionnements auctoriaux des jeunes scripteurs Novelization as a way of revealing pupils’ auctorial positions Sonia Castagnet-Caignec Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/pratiques/3395 DOI : 10.4000/pratiques.3395 ISSN : 2425-2042 Éditeur Centre de recherche sur les médiations (CREM) Référence électronique Sonia Castagnet-Caignec, « La novélisation : une rencontre avec du déjà-là qui révèle les positionnements auctoriaux des jeunes scripteurs », Pratiques [En ligne], 173-174 | 2017, mis en ligne le 10 mars 2017, consulté le 04 mai 2019. URL : http://journals.openedition.org/pratiques/3395 ; DOI : 10.4000/pratiques.3395 Ce document a été généré automatiquement le 4 mai 2019. © Tous droits réservés La novélisation : une rencontre avec du déjà-là qui révèle les positionnements auctoriaux des jeunes scripteurs Novelization as a way of revealing pupils’ auctorial positions Sonia Castagnet-Caignec 1 L’école a depuis longtemps cherché à développer les capacités d’écriture de ses élèves au travers d’exercices d’écriture littéraire qui se réfèrent, pour simplifier, soit à des pratiques d’imitation soit à des pratiques dites d’imagination ou d’invention dont les modèles ne sont évidemment pas absents. Ainsi, la scolarisation des genres littéraires est un phénomène attesté dans les classes et dans les pratiques enseignantes et le genre scolaire se distingue quelque peu de son homologue littéraire de par son traitement didactique en classe et sa reconstruction auprès des élèves via le prisme de l’enseignement-apprentissage. Il s’avère alors utile de soumettre les élèves à une pratique d’écriture autour d’un genre encore neutre dans l’univers scolaire pour observer les compétences qu’ils démontrent, les obstacles qu’ils rencontrent et les différentes habiletés qu’ils développent au cours de cet exercice relativement original pour eux. Écrire à partir d’un film avec en perspective la réalisation d’un écrit à visée littéraire, tel que le veut la novélisation, nous renseigne sur les différentes procédures mises en œuvre par les élèves. En effet, la novélisation reste un objet relativement méconnu des élèves et de l’école, non exploité malgré ses potentialités en termes de mobilisation du déjà-là filmique et de la libération qu’elle offre au scripteur au niveau d’une partie de la planification. L’enjeu sera donc d’observer comment les élèves d’âges contrastés manipulent ce genre dans leur production et comment ce genre permet de repérer des profils d’élèves. La novélisation : une rencontre avec du déjà-là qui révèle les positionnement... Pratiques, 173-174 | 2017 1 1. Retour sur le genre 1.1. Bref panorama 2 La novélisation constitue un genre littéraire ou paralittéraire qui émerge de façon quasi simultanée avec les débuts du cinéma. Cette pratique consiste en l’adaptation d’un récit filmique en récit écrit et a pour vocation première de prolonger le plaisir de la fiction filmique dans celui de la lecture grâce à une communauté d’univers diégétiques jusqu’à viser même la duplication parfaite du film au travers du livre. Cette pratique s’épanouit évidemment dans une époque où les films ne bénéficient pas de la même facilité d’accès qu’actuellement : diffusion exclusive en salle, roulement des copies qui contraint les circuits de diffusion, etc. Ainsi dès le début du XXe siècle, des périodiques proposent des récits écrits de films illustrés de photographies : Le film complet à partir de novembre 1922, Mon film, Ciné-Miroir, etc. sans compter la vogue des publications de feuilletons vers 1915 dans les quotidiens nationaux (Le matin par exemple), feuilletons souvent issus de films à épisodes. On dénombre aussi dans ces pratiques, dès 1910, les programmes payants de films qui accompagnaient la projection et qui racontaient le film1. Ces romans-cinéma permettent ainsi aux spectateurs de revivre l’expérience esthétique et/ou récréative du visionnage « unique » du film en salle et ce, à un prix modique. Cette pratique non encore baptisée novélisation va revêtir des formes très diverses au cours du temps et de l’histoire du cinéma pour apparaître sous un format plus ou moins stabilisé dans les années 1980 sous le nom de novélisation (roman adapté d’un film ou d’un scénario selon Le Petit Robert, édition 1995), avec un nombre assez conséquent de titres publiés chez J’ai lu et Pocket. Cependant, les manifestations du genre demeurent hybrides et tributaires des intentions des différents auteurs ainsi que de leur inscription dans les champs de la création artistique et littéraire : on assiste ainsi à la production quasi massive et industrielle de novélisations dans les célèbres collections Bibliothèque Rose et Verte chez Hachette – ces dernières s’emparent des séries animées plébiscitées à la télévision – et, simultanément, à des expériences esthétiques inédites telles que celles de Tanguy Viel dans son ouvrage Cinéma (1999). Ce livre sous-titré roman s’apparente à une adaptation libre et très personnelle à l’écrit de Sleuth (Le limier) de J. L. Mankiewicz – considéré par certains spécialistes comme une sorte de remake écrit du film – plutôt qu’à une novélisation « classique ». Il est pourtant notable que la circularité des œuvres observée dans les débuts du cinéma et la perméabilité des supports (cinéma, théâtre, feuilletons, livres, revues…) se rapproche très considérablement des pratiques actuelles d’emprunt et d’échanges d’œuvres entre médias et rejoint les habitudes contemporaines de transposition. Quelques exemples actuels sont frappants : Ils ne sont pour rien dans mes larmes d’Olivia Rosenthal (2012) est d’abord le récit écrit d’expériences cinématographiques diverses, l’épilogue Les Larmes est ensuite adapté en court métrage éponyme tandis que le prologue Le Vertige l’est en spectacle théâtral, tous deux faisant respectivement référence au film de Jacques Demy Les Parapluies de Cherbourg et à Vertigo d’Alfred Hitchcock ; la fameuse Guerre des boutons de Louis Pergaud (1981) fut adaptée par Yves Robert et François Boyer en un film non moins célèbre d’Yves Robert en 1962, un demi-siècle plus tard, deux remakes du film sortent simultanément en 2011 dont l’un fait l’objet d’une novélisation de Nicolas Jaillet sous-titrée « le roman du film ». La novélisation : une rencontre avec du déjà-là qui révèle les positionnement... Pratiques, 173-174 | 2017 2 3 Si l’on considère le versant plus commercial de la novélisation, l’investissement de celle- ci par des ouvrages en série de la littérature jeunesse depuis le début des années 2000 a de fait permis un regain de visibilité et d’intérêt pour cette forme générique assez peu reconnue tant par le public que par les instances littéraires (critiques ou études). On voit ainsi émerger quelques contributions sur le genre (Baetens, 2006 et 2008 ; Ferrier, 2006 ; Bourhis, Le Corff, 2013) qui interrogent le statut de celui-ci. Les auteurs cités envisagent le phénomène du point de vue de la réception de ces œuvres atypiques, du rapport entre cinéma/littérature, éventuellement dans la perspective d’une approche nouvelle des pratiques de lecture des enfants. 1.2. Quelques éléments de cadrage théorique pour définir le genre 4 Pour dépasser la simple dichotomie entre littérature commerciale/paralittérature et novélisation dite « littéraire », nous allons tenter de clarifier le statut du genre du point de vue de son organisation discursive et de sa proximité avec le fonctionnement des textes littéraires. 1.2.1. Intertextualité (ou interfilmicité ?) 5 La relation de dépendance au film dans la novélisation n’est pas sans rappeler les phénomènes d’intertextualité telle que définie originellement par Julia Kristeva (1969) et surtout d’hypertextualité (Genette, 1982) si courants en littérature, à la différence près qu’ici la référence intertextuelle est constituée d’un film non d’un texte. Nous pouvons également y discerner une approche intertextuelle plus récente relevant à la fois du principe de la citation pure (le film-source) et de celui de la référentialité en dehors du champ strictement littéraire (Compagnon, 1979 et 1998). 6 De fait, il est entendu que le cinéma est une langue à part entière (Metz, 1968) comportant sa propre grammaire et son propre système sémiotique – dans lequel les signes deviennent des kinèmes ou cinènes (Pasolini, 1966). Ainsi langage cinématographique et langage écrit se rencontrent au carrefour de la novélisation dans une relation d’interdépendance qui nous amène à définir le film comme l’hypotexte (Genette, 1982) du récit novélisé lui-même hypertexte du film. Dans les cas typiques de novélisation, les phénomènes de réécriture et d’adaptation de l’hypotexte-film se contentent de traduire au « premier degré » sans véritable recherche d’équivalences entre les deux codes sémiotiques différents : le récit novélisé transcrit uniquement la matière narrative filmique en matière narrative écrite en respectant la bible du film. On ne peut parler d’une recherche particulière inhérente au passage d’une langue à une autre telle qu’on peut la trouver dans les novélisations au second degré (Baetens, 2006) qui se démarquent de la production globale2. Le texte novélisé assume la fonction de fixer le film, voire de le figer à l’écrit pour dépasser l’évanescence de l’image. 1.2.2. Novélisation et mimesis 7 Cette fonction de traduction mais surtout de fixation inscrit le genre dans la tradition aristotélicienne de la mimesis : la novélisation a pour charge de reproduire le film, de rendre compte du film par écrit, de substituer les mots aux images et en quelque sorte de les dupliquer. La novélisation imite l’image qui imite elle-même le réel. Ici le double miroir fonctionne comme un filtre uploads/Litterature/ novelisation.pdf

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