Nouvelle Revue Pédagogique - Collège / janvier 2012 1 FICHE ÉLÈVE 3 e ENTRAÎNEM

Nouvelle Revue Pédagogique - Collège / janvier 2012 1 FICHE ÉLÈVE 3 e ENTRAÎNEMENT AU BREVET Un extrait de L’Enfant au réverbère, d’Andrée Chedid 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 Tony, un adolescent d’origine égyptienne issu d’un milieu aisé, visite le Caire avec sa mère. La mère essaie tant bien que mal d’intéresser son fi ls blasé à l’histoire de son pays. Après avoir visité un temple avec un groupe de touristes, Tony lui demande la permission de rentrer seul au Palace Hôtel. Tony n’avait aucune idée de ce qui allait suivre. Il ôta son cha- peau de paille, le glissa sous son bras, écrasant la calotte, vida le sable de ses chaussures. Puis, quittant le sol mou pour un sentier d’asphalte, il se remit en marche. Enfi n lui-même ; dégagé, libre, heureux ! De loin, il aperçut la grande route qui mène au Caire, mais avança dans la direction opposée, vers le point qui enjambe le canal et conduit au village de Louxor. […] Parvenu à son but, et soudain désireux de s’approcher d’une autre manière de quelques fi gures colossales, de quelques sphinx à tête humaine, que les touristes avaient comme supprimés, gom- més sous leurs gesticulations et leurs paroles, Tony s’éloigna de la petite agglomération. Il bifurqua vers le temple dressé non loin du Nil, en chantonnant. Sur le parcours désert, éclairé par de rares lanternes, il longea, seul, le haut mur d’enceinte voilé de nuit. Au bout de l’étroit che- min, le cinquième et dernier réverbère abritait, derrière sa cage de verre maculée de poussière, un feu fl ottant moins anémique que les précédents. Un cercle jaunâtre et lumineux, comme tracé au compas, teintait la parcelle de terrain autour du pied noirâtre. Adossé à cette tige en fonte, un enfant se tenait accroupi. En approchant, Tony reconnut la calotte bleu-pervenche du garçonnet ; celui qui avait ramassé le chasse-mouches pour le rendre à Noda. Aucun bruit, aucun pas ne le faisait broncher. Tony s’arrêta, attendit ; cherchant à comprendre la raison de cette immobilité. Entre les jambes du jeune garçon, posé sur les plis de l’ample tunique rayée, il fi nit par apercevoir un livre ouvert. Sur la page nimbée de clarté diffuse, l’enfant poussait son index d’une ligne à l’autre, déchiffrant les mots avec une lenteur appli- quée. Il paraissait déguster un aliment inestimable, le savourer, le mâcher ; l’ingurgiter enfi n, pour que cette nourriture pénètre dans son sang, fonde dans sa chair, afi n de la vivifi er. Par moments, le dos arrondi se redressait ; comme si le lecteur cherchait à ménager, à reposer ses yeux. L’enfant élevait alors son regard vers le temple et le contemplait longuement, tout en continuant de moduler des syllabes ou des phrases fraîchement apprises, pour mieux les retenir. Quelque chose de recueilli et de fort émanait de toute sa per- sonne. […] Chaque soir, Saïd fuyait les braillements, les bêlements, les vagissements, les cris qui emplissaient sa grouillante masure. Autour de la lampe à pétrole, tassés dans l’unique pièce : son père, sa mère, ses grands-parents, ses neufs frères et sœurs, l’âne et la chèvre cohabitaient. Chaque soir, retrouvant la posture du scribe antique, Saïd pre- nait place, au centre du halo diaphane, pour s’absorber dans sa lecture : dégagé, libre, heureux. Lui-même, enfi n ! Poussé par une soif singulière, que les ébats du jour, l’aumône incertaine ne parvenait pas à satisfaire, l’enfant cherchait à connaître, à découvrir : sans savoir où tout cela le mènerait. Au bout d’un moment, Tony se remit en marche dans la direc- tion du réverbère. Sur la pointe des pieds, il parvint sur l’étroit tapis de lumière et s’immobilisa de nouveau. L’autre le reconnut instantanément et lui fi t signe de s’asseoir à ses côtés. Tony se débarrassa, le jetant au loin, du large chapeau de paille, qui lui donnait un air godiche et sage d’un enfant bien né ! […] Sans y prêter attention, Saïd lui passa le bras autour des épaules : – Il y a des mots que je ne comprends pas. Tu peux m’aider ? Tony acquiesça avec reconnaissance. Reprenant la lecture, ils s’arrêtaient ensemble sur un mot ou sur un autre. Puis, se remettant à lire, ils s’amusaient à rythmer, à moduler les phrases, offrant à chaque syllabe infl exion et musicalité. Andrée Chedid, L’Enfant au réverbère, Flammarion, coll. « Étonnants classiques », p. 27 à 31. CLEMENT CORALINE coraline.clement@cneap.fr uploads/Litterature/ nrpc-1201-626-p61-corpus864-pdf.pdf

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