Extrême-Orient, Extrême- Occident Traités Tang sur le parallélisme François Mar
Extrême-Orient, Extrême- Occident Traités Tang sur le parallélisme François Martin Citer ce document / Cite this document : Martin François. Traités Tang sur le parallélisme. In: Extrême-Orient, Extrême-Occident, 1989, n°11. Parallélisme et appariement des choses. pp. 109-124. doi : 10.3406/oroc.1989.951 http://www.persee.fr/doc/oroc_0754-5010_1989_num_11_11_951 Document généré le 28/09/2015 Extrême-Orient - Extrême-Occident 1 1 1989 Traités Tang sur le parallélisme François Martin Au contraire des grands traités théoriques des Six Dynasties qui les ont précédés, les traités d'art littéraire du début des Tang mettent l'accent sur les aspects techniques de la composition. Le parallélisme, cette «reine des figures » chinoises, y occupe, avec le contrepoint tonal, la place centrale. Les textes les plus importants et les plus complets qui lui sont consacrés sont Les vingt-neuf parallélismes (Ershijiuzhong did) - en fait un regroupement de textes divers - et V Essai sur le parallélisme (Lun duishu), tous deux inclus dans le Bunkyô hifu ron (chin. Wenjing mifu lun ou Magasin des secrets du monde des lettres), compilation rédigée au 9e s. par le moine japonais Kûkai (Kôbô Daishi), qui y rassembla l'essentiel des traités de rhétorique circulant alors en Chine. Loup blanc de la poétique, la série des vingt-neuf parallélismes exerce sa fascination jusqu'en Occident. On y fait allusion, sans bien savoir ce que c'est. Aussi a-t-on préféré la donner telle quelle, plutôt que de tenter une reconstitution, scientifiquement plus justifiée, mais aussi plus alléatoire et moins commode, des textes utilisés par Kûkai, et qui n'ont survécu en Chine que partiellement Selon sa table, les onze premiers types sont communs à différents auteurs l. Les types 12 à 17 viennent du Suinao de Shangguan Yi (608-664), les types 1 8 à 25 du Shiyi de Jiaoran (c. 700), les types 26 à 28 du Tangchao xinding shige de Cui Rong (652-705). Yuan Jing (dates inconnues), auteur d'un Shi suinao, est souvent cité2. Enfin, le type 29 semble, du moins dans son interprétation, être dû à Kûkai lui-même (cf. infra). ¦ Avant propos - Du parallélisme On a dit : « La beauté de la poésie dépend en vérité de la capacité au parallélisme ; l'exhaustivité de la prose vient en réalité de l'habileté à la 109 Traités Tang sur le parallélisme disposition (des mots). Si l'expression n'est pas parallèle, les mots sont proférés en vain. Si la rime n'est pas juste, tout ne sera que verbiage inutile ». Yuan Jing a dit : « Il est dit dans le Yijing : "l'eau coule vers l'humide, le feu va au sec" et "les nuages suivent les dragons, le vent suit le tigre" ». Il est dit dans le Shangshu : « l'abondance appelle la perte, la simplicité accueille le profit » 3. Ce sont là des exemples de parallélisme parfait, écrits de sainte main. A plus forte raison, quand un homme de talent médiocre pratique l'expression parallèle pour rechercher l'harmonie, comment ne chercherait-il pas l'exactitude ? [Kûkai explique ensuite, trop brièvement, comment il a constitué sa liste.] Les vingt-neuf parallélismes 4 1. Parallélisme terme à terme ou régulier (diming dui, zheng dui)5. Il constitue la norme. Dans toute composition, on doit pratiquer un parallélisme rigoureux. Si on met ciel au premier vers, on mettra terre au second. De même pour montagne /vallée, est /ouest, sud /nord, droit /oblique, lointain /proche, incliné / droit Qui commence à étudier la composition doit d'abord travailler ce parallélisme, et n'étudier les autres qu'ensuite. Shangguan Yi donne comme tels : ciel / terre, soleil / lune, bon / mauvais, aller / venir, léger / lourd, flotter / sombrer, long / court, avancer / reculer, rond / carré, grand / petit, brillant / sombre, vieux / jeune, baisser (la tête) / lever (la tête), fort / faible, s'en aller / revenir, sud / nord, est / ouest Au parc de l'est, les pruniers verts éclosent, Au jardin de l'ouest les feuilles vertes s'ouvrent. En bas des degrés, les fleurs lentement s'en vont, Devant les marches, les chatons (de saule) doucement s'en viennent Est/ ouest, parc/ jardin, vert/ vert (qingl lii), pruniers/ herbes, éclore/ s'ouvrir, degrés / marches, en bas / devant, fleurs / chatons, lentement / doucement, aller / venir, sont de ce type (...). La lumière des nuées dans ses cheveux est légère, La lueur de la lune sur son éventail est neuve ; Fleurs de l'année et visage poudré Ont fait ensemble un printemps parfumé. (Li Baiyao) On a en haut « lumière des nuées » et en bas « lueur de la lune ». Le second distique est exempt de parallélisme ; mais il se lie par le sens au premier. Les poèmes qui se conforment à cette technique sont les meilleurs 6. [D'autres 110 Traités Tang sur le parallélisme exemples sont commentés, dans lesquels on relèvera seulement, à titre d'illustration, les parallèles main / oeil, jaune / blanc, jade / or, nord-ouest / sud-est, lumineux / éclatant] Yuan Jing dit : « le parallélisme exact, c'est comme dans "les années de Yao /les jours de Shun" ». Yao et Shun étant tous deux des saints de l'antiquité, leurs noms se correspondent. Si au premier vers on prend un saint souverain, au second on prendra un sage ministre. Si au premier vers on a un phénix/<?/i£, on second on aura un phénix luan. Si au premier vers on al'éngéron etl'armoise et qu'au second on a le pin et le cannelier, ces derniers étant de beaux arbres et les premiers de mauvaises herbes, ce n'est pas un parallélisme régulier. 2. Parallélisme alterné (geju dui). Dans ce parallélisme, le premier vers est parallèle au troisième, le deuxième au quatrième. Mutuels pensers et puis mutuels souvenirs, Nuit après nuit, mes larmes mouillent mes habits ; Vaine tristesse et puis vains soupirs, Matin après matin, vous ne revenez pas. 3. Parallélisme embrassant (shuangni dui). C'est quand, dans un vers, le premier etle troisième caractère sont« automne »,embrassantainsi le deuxième caractère, et que le vers suivant est construit de même. L'été est chaud, l'été ne décline pas, L'automne est gris, à l'automne il ne revient pas. 4. Parallélisme liant (lianmian dui). Dans ce parallélisme il n'y a pas de coupure. Les deuxième et troisième caractères du vers sont le même, redoublé. Mais s'il en est ainsi au premier vers, il doit en être de même au second. Les tendres lotus, les lotus sont comme ses joues, Le clair courant, le courant est comme sa ceinture. La jeune lune, la lune est comme ses cils. Les deux lotus se lisent à la suite, ils sont disposés dans le premier vers ; les deux lunes sont liées l'une à l'autre, elles sontplacées au sein du deuxième vers. Un caractère est lu deux fois, deux caractères viennent ensemble. Le sens traverse les mots reliés, c'est de là que vient le nom. L'émotion est suscitée de diverses manières et les principes (à l'uvre) sont obscurs et difficiles à saisir, (mais d'une manière générale), c'est parce qu'elle est scindée qu'elle peut se prolonger 7. En fait, ce procédé n'a rien à voir avec le style du fu, dont il ne fait qu'emprunter la forme. 111 Traités Tang sur le parallélisme Dense (feifei) se recueille la brume du soir, Éclatante (hehe) jaillit la clarté de l'aube 8. Un autre auteur dit : (les dissyllabes) comme zhaozhao (matin après matin), yeye (nuit après nuit), zhuozhuo (éclatant), tangtang (majestueux) [etc. etc.] sont nommés parallélismes liants. 5. Parallélisme double (réciproque ; hucheng dui). Terre / ciel, soleil / lune, licorne /phénix, or / argent, terrasse / palais, tour / belvédère, si l'un des deux termes est au premier vers et l'autre au second, sont des parallélismes réguliers. Si les deux caractères sont couplés dans le même vers, on appelle cela parallélisme double 9. Ciel et terre sont calmes dans le cur, Soleil et lune sont brillants dans les yeux. Licorne et phénix sont nobles pour dix-mille ans. Or et argent sont abondants pour une génération. 6. Parallélisme des dissemblables (Yilei dui). C'est quand on met « terre » (la Terre) au premier vers et « montagne » au second, ou oiseau / fleur, vent / arbre. A la différence du parallélisme régulier, il y a association de choses appartenant à des catégories différentes. Or, bien pénétrer ce procédé est la marque des grands talents, ceux qui savent encager l'univers, ceux dont les uvres sont les plus belles et dont rien n'entrave le génie. Chez ceux-là, qu'ils produisent peu ou beaucoup, dès qu'ils écrivent se forme (naturellement) un poème. Leurs uvres n'en ont que plus de valeur (...). Les poissons sautent, jouent en écartant les lotus. Les hirondelles volent dansent en effleurant la boue. Sur la cithare, une fleur rouge caresse [les cordes], Auprès du vin, un loriot jaune passe. Un oiseau en vol, des poissons qui sautent, la musique de la cithare, le chant du vin : ce sont déjà là choses dissemblables. Cela peut aller jusqu'à mettre en parallèle l'oiseau qui s'envole en animant la branche, le poisson qui bondit en remuant l'onde, les feuilles luisantes qui reposent sur l'eau, les branches uploads/Litterature/ oroc-0754-5010-1989-num-11-11-951.pdf
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- Publié le Aoû 07, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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