LES RÉACTIONS DES SAGES AUX DOCTRINES DE PAUL DE TARSE DANS LITTÉRATURE TALMUDI
LES RÉACTIONS DES SAGES AUX DOCTRINES DE PAUL DE TARSE DANS LITTÉRATURE TALMUDIQUE Dan Jaffé In Press | « Pardès » 2003/2 N° 35 | pages 31 à 50 ISSN 0295-5652 ISBN 2848350326 DOI 10.3917/parde.035.0031 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-pardes-2003-2-page-31.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour In Press. © In Press. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Cette quête d’identité a permis de faire renaître le contexte dans lequel Jésus a évolué et de recréer les éléments constitutifs de sa société, avec ses problé- matiques et ses caractéristiques; autrement dit, on a rendu à Jésus son identité juive. Contrairement à cette démarche, le regard entretenu par la critique juive à l’égard de Paul de Tarse est resté défiant, voire hostile. En effet, Paul de Tarse a longtemps été considéré comme le véritable fondateur du christianisme, déviant face aux réalités juives de son temps et dissident à l’égard de son peuple. Certains de ces textes ont pu même être définis comme ennemis des Juifs et du judaïsme. Or, depuis quelques décennies, la communauté scientifique s’est orientée vers d’autres approches. Avec notamment la découverte des manuscrits de la mer morte, l’image d’une société juive du Ier siècle homogène, évoluant sous la férule d’une seule autorité et répondant aux exigences d’un unique code reli- gieux, s’est modifiée. Elle a été relayée par le schéma d’une autre société, plus fragmentée, aux mouvances politico-religieuses diverses et aux tendances pluralistes. L’étude des différents groupes qui composent la société juive du Ier siècle fut donc établie en mettant l’accent sur les facteurs identitaires divergents, sur les caractéristiques socio-religieuses distinctes, et sur la définition de l’autorité à une époque où le judaïsme rabbinique est en pleine gestation. On est parvenu à la conclusion que la halakha (Loi juive) répondait à des lectures interprétatives du texte biblique qui PARDÈS N° 35/2003 © In Press | Téléchargé le 29/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.225.223.181) © In Press | Téléchargé le 29/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.225.223.181) divergeaient selon les tendances. Certes, autant les esséniens, les saddu- céens que les diverses confréries au sein du monde pharisien répondaient à la dénomination de juif, cependant les préoccupations exégétiques autant que l’observance des prescriptions rituelles différaient d’un groupe à l’autre. Autrement dit, l’idéologie religieuse se manifestait dans la disso- nance parmi les membres de la société juive de la fin de l’époque du Second Temple (Ier siècle av. J.-C. – Ier siècle apr. J.-C.) 1. C’est dans cette perspective que les spécialistes du judaïsme ancien et du christianisme primitif ont progressivement repensé le personnage de Paul. Certes, souvent la définition de l’identité de ce dernier n’a pas été exempte de motifs confessionnels et de fondements idéologiques; cependant, force est de reconnaître que de façon générale, la critique se montre plus nuancée à l’endroit de l’apôtre Paul, ce, notamment face à ses origines juives. Ici, également, la démarche consiste à essayer de recontextualiser le personnage dans la société juive de son temps au travers de la mouvance pharisienne, son groupe d’appartenance, et à travers les autres mouvements juifs de l’époque, entre autres, le mouve- ment des disciples de Jésus. De la sorte, on obtient une image d’un Paul plus authentique : un Juif de son temps, certes, en désaccord avec d’autres pharisiens sur des questions fondamentales telle l’abrogation de la Loi par l’avènement du Messie ou sur certains autres points de doctrine. La démarche méthodologique ne consiste pas à minimiser la portée des dissensions entre Paul et d’autres Juifs de sa génération. Elle consiste cependant à replacer Paul dans le judaïsme de son époque et à situer ses controverses dans un contexte intra muros, c’est-à-dire dans le judaïsme de son temps, à une époque où le mouvement des disciples de Jésus évolue encore pleinement au sein du judaïsme, et se compose de plusieurs tendances sans présenter, lui non plus, une image monolithique. Il convient donc de replacer Paul dans les problématiques de la société juive antérieurement à la destruction du Second Temple de Jérusalem en 70 et, par voie de conséquence, de le distinguer des représentations que le christianisme en fera dès la fin du Ier siècle et au début du IIe, ceci parti- culièrement dans les domaines doctrinaux et rituels 2. Cette sommaire présentation s’avère nécessaire dans l’étude de ce personnage si controversé et sur lequel la recherche n’a pas encore épuisé ses objectifs3. On peut dire que l’expansion plus tardive du christianisme s’est effectuée grâce aux disciples de l’enseignement paulinien, c’est en partie avec eux que l’Église s’est progressivement constituée après l’expulsion des judéo-chrétiens de la synagogue par la Birkath ha-minim 32 DAN JAFFÉ © In Press | Téléchargé le 29/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.225.223.181) © In Press | Téléchargé le 29/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.225.223.181) dans le dernier quart du Ier siècle 4. Ce sont ces disciples, plus tardifs, qui vont diffuser les doctrines de leur maître et vont, par là même, permettre sa réhabilitation au sein du monde chrétien. En effet, lors de son exécu- tion par les autorités romaines, Paul meurt dans la solitude la plus complète, délaissé même par les communautés qu’il avait lui-même évangélisées. Dans la présente contribution, il sera tout particulièrement question des disciples de Paul et des répercussions qu’eurent leurs enseignements dans le monde juif. Si les Sages de son époque n’ont pas vu en Paul un élément subversif, il en sera tout autrement à propos de la pérennité de son enseignement. Il est difficile de statuer sur l’étendue du danger que représentait cet enseignement et les activités qui l’accompagnaient pour les Sages des Ier et IIe siècles. On peut se demander à partir de quand les Sages ont connu les enseignements de l’apôtre Paul et dans quelle mesure ils ont lutté contre ses conséquences pour le monde juif? Dans cette optique, on peut également s’interroger sur le fait de savoir si Paul ou certaines de ses doctrines sont mentionnés dans la littérature talmudique? Afin de suggérer des éléments de réflexions et de recherches, on tentera de discer- ner certaines doctrines pauliniennes mentionnées allusivement dans le corpus talmudique, on en proposera une analyse et on les situera dans les circonstances historiques des premiers siècles de l’ère chrétienne, enfin, on s’interrogera sur les conclusions à en retirer. Toutefois, avant d’aborder ces problématiques, il semble opportun de s’interroger sur les motifs pauliniens qui ont pu poser problème aux Sages. Ainsi, on déga- gera particulièrement le concept de Loi. LA CONCEPTION DE LA LOI CHEZ PAUL DE TARSE La position de Paul à l’égard de la Loi est, à n’en pas douter, le dossier le plus complexe de sa pensée. Dans le cadre de cette étude, il ne sera question que d’une brève présentation des grands axes qui fondent ses conceptions 5. D’un point de vue méthodologique, on peut dire que l’approche de Paul envers la Loi est conditionnée par l’avènement de Jésus Messie, celui-ci se substituant à la Loi et devenant l’unique moyen de rédemp- tion. On doit toutefois distinguer dans ses propos son approche envers les judéo-chrétiens qui souvent diffère de celle envers les pagano-chré- tiens. D’autre part, sa conception de la Loi varie en fonction des textes de son corpus. Il semble révérer la Loi, comme en Rm 7, 12 et en LES RÉACTIONS DES SAGES 33 © In Press | Téléchargé le 29/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.225.223.181) © In Press | Téléchargé le 29/01/2022 sur www.cairn.info (IP: 196.225.223.181) Rm 7, 16, où Paul affirme que «La Loi est bonne» ou que «La Loi est sainte». De même, il est rapporté dans les Actes des Apôtres (24, 14), qu’il assure fermement dans la plaidoirie de Césarée, devant le gouver- neur romain Félix : «C’est suivant la voie qualifiée par eux de parti, que je sers le Dieu de mes pères, gardant ma foi à tout ce qu’il y a dans la Loi et à ce qui est écrit dans les Prophètes». Il semble pourtant consi- dérer la Loi comme objet de malédiction en clamant en Rm 7, 7-9 : uploads/Litterature/ parde-035-0031.pdf
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- Publié le Sep 22, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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