Le Prix de la revue Études françaises a été créé en 1967, à l'initiative du di-

Le Prix de la revue Études françaises a été créé en 1967, à l'initiative du di- recteur de la revue, M. Georges-André Vachon, et grâce à la générosité de l'imprimeur montréalais, M. Alex-J. Therrien. Il a été décerné de façon irrégulière entre 1968 et 1980, à des auteurs du Québec ou de la franco- phonie. Des œuvres romanesques, des recueils de poésie et des essais ont été couronnés durant cette période. Après une interruption d'une quinzaine d'années, le Prix a été relancé et redéfini en 1995, et est désor- mais décerné tous les deux ans à un auteur québécois ou à un auteur étranger francophone, pour un essai inédit. Ces dernières années, les Presses de l'Université de Montréal, qui ont dû assumer seules la publication et la diffusion de l'ouvrage primée, peuvent désormais comp- ter sur le précieux partenariat établi avec Imprimeries Transcontinental. Le Prix, d'une valeur de 5000 $, est accordé à un auteur reconnu, par la revue Études françaises et les Presses de l'Université de Montréal, comme ayant contribué de manière remarquable à la littérature franco- phone. À ce titre, il est invité par le jury à soumettre un manuscrit inédit qui constitue l'œuvre primée. Cette année, ce jury était constitué des personnes suivantes : Pierre Nepveu, actuel directeur de la revue, Lise Gauvin, Gilles Marcotte, Sherry Simon, et Antoine Del Busso, direc- teur général des Presses de l'Université de Montréal. LE PAS DE L'AVENTURIER A propos de Rimbaud DU MEME AUTEUR La ligne du risque, Hurtubise HMH, 1963,1977 ; BQ, 1993 L'autorité du peuple, L'Arc, 1965 ; Hurtubise HMH, 1977 Lettres et colères, Parti Pris, 1969 La dernière heure et la première, l'Hexagone/Parti Pris, 1970 Indépendances, Y Hexagone/Parti Pris, 1972 Un génocide en douce, VHexagone/Parti Pris, 1976 Chaque jour, l'indépendance, Leméac, 1978 Les deux royaumes, l'Hexagone, 1978 ; Typo, 1993 To be or not to be, That is thé Question, l'Hexagone, 1980 Un amour libre, HMH, 1970 Trois essais sur l'insignifiance suivi de Lettre à la France, Albin Michel, 1983 ; l'Hexagone, 1983,1989 L'absence. Essaie la deuxième personne, Boréal Express, 1985 Essais inactuels, Boréal, 1987 Essai sur une pensée heureuse, Boréal, 1989 Dix-sept tableaux d'enfant. Etude d'une métamorphose, Le Jour, 1991 ; Bellarmin, 1994 Le bonheur excessif, Bellarmin, 1992 Gouverner ou disparaître, Typo, 1993 Vivement un autre siècle ! Bellarmin, 1996 Qui est le chevalier ? Leméac, 1998 L'humanité improvisée, Bellarmin, 2000 La justice en tant que projectile, Lux, 2002 Pierre Vadeboncoeur LE PAS DE L ' A V E N T U R I E R A propos de Rimbaud LES PRESSES DE L'UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL Catalogage avant publication de la Bibliothèque nationale du Canada Vadeboncoeur, Pierre Le pas de l'aventurier. A propos de Rimbaud ISBN 2-7606-1943-5 i. Rimbaud, Arthur, 1854-1891 - Critique et interprétation. 2. Poétique.}. Création littéraire. 4. Réalisme dans la littérature. I. Titre. PQ2387.R5Z982003 841'.8 C2OO3-94iO3y-4 Dépôt légal : 3e trimestre 2003 Bibliothèque nationale du Québec © Les Presses de l'Université de Montréal, 2003 Les Presses de l'Université de Montréal remercient de leur soutien financier le ministère du Patrimoine canadien, le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC). IMPRIMÉ AU CANADA P R E M I E R E P A R T I E Page laissée blanche LE PAS DE L ' A V E N T U R I E R Je ne m'occupe plus de ça. ARTHUR RIMBAUD Dans la vie de Rimbaud, on s'étonne moins de voir qu'à vingt ans il rompe brusquement avec la poésie et l'activité d'écrire, que de le voir par la suite chercher sans fin par opposition la réalité, pour ne plus s'occuper que de celle-ci. Il s'agit d'une ex- clusion. N'est réel que cela où la littérature n'est pas. Ni l'art, ni rien de ces choses-là. Le parti pris de Rimbaud à cet égard est entier. Il vise en bloc tout « ça », dans toute la suite de la vie du personnage. Je tente ici une interprétation libre de ce singulier abou- tissement et de ses suites. Ou plutôt je cherche à pousser aussi loin que possible, par la spéculation, par une sorte d'imagination créatrice, comme on développe une partition et non par une étude rigoureuse, l'examen du sens de cette rupture. Je voudrais voir d'abord jusqu'où l'on peut aller dans la conjecture à ce propos, qu'est-ce qui explique la persistance du choix qu'a fait Rimbaud, quel est le sens de la contradic- tion où il s'était trouvé, qu'est-ce qui tout au fond est rejeté et I L E P A S D E L ' A V E N T U R I E R ce qui y est substitué. Car il ne suffit pas de dire que Rimbaud a tourné le dos à la littérature. C'est un peu court. Il ne faut pas se montrer moins résolu ni moins absolu que lui. Il est impossible pour nous de pondérer son acte. Celui-ci semble l'interdire. Il est trop radical, trop définitif. Le pondérer, non certes. Mais pour l'interpréter, toute la- titude semble permise. Il n'est pas sûr, par exemple, que l'on doive à tout prix soutenir à son sujet des explications re- cherchées, comme les écrivains le font depuis un siècle. Mais je ferai pour l'instant comme si, sur quoi j'assoirai ce cha- pitre. Cependant, plus loin, à la fin de celui-ci... À remarquer l'accent du Rimbaud en rupture, qui est celui du mépris. Il ne s'agit pas d'un simple éloignement. Le mé- pris suppose un jugement catégorique. Il porte nécessaire- ment sur le fond des choses. Je me place dans l'hypothèse où la rupture de Rimbaud ait un grand sens. Alors, il faut qu'il ait décelé une faille, plus qu'une faille, une fausseté dans l'œuvre d'art, dans la nature de celle-ci et dans l'activité qui consiste à écrire des poèmes. On ne doit pas douter de la précision ni de la portée d'un tel jugement. Il faut que celui- ci exprime effectivement pour ce qu'il dénonce une authen- tique indifférence, voire un dégoût. Rimbaud a jugé le poème, l'œuvre d'art, et ils ont réellement été tenus pour rien. Cet arrêt a décidé de la vie du poète. Il ne suffit pas de prendre acte du fait en l'allégeant. La profondeur et l'objectivité d'une telle décision — si toutefois elle n'est pas libre par un autre type de liberté, plus gratuite et plus inconséquente — sont 10 attestées par une désertion qui ne sera jamais remise en ques- tion. Celle-ci n'aura pas été seulement négative, elle n'aura pas consisté simplement dans un rejet, elle sera confirmée de surcroît par un mouvement jamais démenti vers autre chose, par un appel vers un ailleurs, par une volonté positive non moins significative que l'indifférence radicale dont la poésie aura été l'objet. La recherche d'après la rupture — s'il y a recherche et non pas plutôt dérive aléatoire — exprime d'emblée le fait que cette rupture est sans retour. Le mouve- ment est tout entier vers une autre réalité. Il s'agira en fait de la réalité, considérée comme l'antithèse de la littérature, de l'art, de la poésie, du poème et de ce qu'on est tenté d'appeler, d'après le regard critique de Rimbaud, toutes ces façons, toutes ces manières. Dans la littérature, existe-t-il nécessai- rement un artifice qui soit à une profondeur telle qu'il pas- serait aux yeux de tous pour authenticité et ne cesserait par conséquent d'être flatté ? Remarquez que si l'on prête au dé- part de Rimbaud un sens philosophique, ou, au contraire, par une hypothèse non envisagée généralement, si l'on ne retient aucune signification de cet ordre, le doute concernant la littérature ou l'art peut être le même. Plaçons-nous avec constance mais provisoirement dans la première de ces possibilités. La suite de ce chapitre doit se lire ainsi, sauf à la fin. Le destin de ce poète, sa fuite définitive, son détachement, sa quête ensuite plus ou moins aveugle, son silence, son dé- part, un départ plus indépendant qu'un adieu, sa violence A propos de Rimbaud 11 L E P A S D E L ' A V E N T U R I E R envers ce qui, vu la force d'un tel rejet, ne peut guère être compris que comme vanité, futilité, mensonge, surtout men- songe, tout cela porte accusation contre des sommets dont la civilisation, au contraire, non sans raison, se fait gloire. Rimbaud repousse ce qui est admis de la sorte par consen- tement universel et il le fait comme par une aspiration dont l'objet propre — qui est la réalité — restera néanmoins pour lui hors d'atteinte et pour ainsi dire virtuel. Jamais, dans l'art, dans le milieu de l'art, un jugement aussi catégorique n'est tombé sur l'art. Il fut incomparablement plus radical et plus définitif que n'allait être celui de Duchamp. La preuve, c'est qu'il ne fut jamais imité, tandis que la rupture de Duchamp, cérébrale, suffisante, hilarante, on la répéta et répéta pendant quatre-vingts ans, et ce n'est pas encore fini. C'est que le parti de Rimbaud uploads/Litterature/ pas-de-l-x27-aventurier-le-vadeboncoeur-pierre.pdf

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