ANTONIO VIEIRA MENASSEH BEN ISRAEL ET LE CINQUIEME EMPIRE Author(s): A. J. SARA

ANTONIO VIEIRA MENASSEH BEN ISRAEL ET LE CINQUIEME EMPIRE Author(s): A. J. SARAIVA Source: Studia Rosenthaliana, Vol. 6, No. 1 (JANUARY 1972), pp. 25-57 Published by: Peeters Publishers Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41481067 Accessed: 23-06-2016 12:36 UTC Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Peeters Publishers is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Studia Rosenthaliana This content downloaded from 128.143.23.241 on Thu, 23 Jun 2016 12:36:05 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms ANTONIO VIEIRA MENASSEH BEN ISRAEL ET LE CINQUIEME EMPIRE Le 20 avril 1646 le Père Antonio Vieira arrivait à la Hague. Il venait de Paris, via Calais, et s'était arrêté à Rouen pour s'entretenir avec les Juifs portugais1. Le roi du Portugal voulait racheter le territoire brésilien occupé par la Com- pagnie Occidentale; il comptait sur les capitaux et les crédits des Juifs portugais exilés pour mener à bout cette opération. Vieira était son homme de confiance et devait conduire l'affaire. Il resta trois mois, rentra à Lisbonne et revint à La Hague le 17 décembre 1647. Cette fois-ci il fit un séjour de presque dix mois en Hollande et en partit à grand regret, sur l'ordre formel du roi. La matière de la négociation avait changé entre les deux voyages, mais les Juifs portugais y étaient toujours associés en tant que fournisseurs de crédits et de capitaux. L'intérêt porté par Vieira aux Juifs et à ceux qu'on appelait au Portugal Cristâos-novos ou Gente da Nação est bien connu. En 1643 notre jésuite avait adressé au roi un rapport dans lequel il proposait comme solution aux difficultés du royaume, alors en guerre avec l'Espagne, le recours aux capitaux des «nouveaux-chrétiens» et des Juifs portugais émigrés, qui, disait-il, détenaient la plus grande partie des richesses du monde; pour obtenir leur aide il fallait les protéger contre les excès de l'Inquisition2. Quelques mois après, dans un sermon, Vieira proposait la création de deux compagnies marchandes l'une pour l'Orient, l'autre pour le Brésil, toutes les deux financées par les Juifs ou leurs descendants et à ce propos il reprenait le thème de la réforme de l'Inquisition8. Les voyages en Hollande et les entretiens de Rouen sont inspirés par cette politique. Nous connaissons les lettres, très amicales, échangées entre Vieira et «Messieurs les Juifs» de Rouen. Par celle de Vieira, nous savons que les deux parties se sont entretenues des méfaits de l'Inquisition et du retour des émigrés; Vieyra s'engagea à plaider la cause des Juifs auprès du roi du Portugal et se montra con- vaincu que le retour serait possible dans un bref délai4. Ces négociations se sont poursuivies en Hollande, et à son retour à Lisbonne, Vieira se faisant le porte-parole des «hommes de la nation» présenta, dans un second 1 Pour la biographie de Vieira nous suivons l'ouvrage classique de Lucio d'Azevedo, Historia de Antonio Vieira , 2 vols. Lisboa, 1931. 2 Le Rapport de 1643 a été publié dans le 3e volume de Obras Inéditas , ed. beabra e Antunes. Porto, 1855-1857, et reproduit in Obras Escolhidas , ed. H. Cidade, 4e volume, Lisboa, sans date. 8 Sermão de S. Roque, in Sermões , ed. revue par le Père Concaio Alves, 8e volume. Porto 1959. 4 Les deux lettres in Cartas de Vieira , ed. Lucio d'Azevedo, I, p. 92-93. 25 This content downloaded from 128.143.23.241 on Thu, 23 Jun 2016 12:36:05 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms rapport, les conditions des expatriés pour rentrer au Portugal: changement de la procédure inquisitoriale (les noms des témoins à charge ne devaient plus être secrets) ; exemption des biens des marchands de la confiscation inquisitoriale; abolition de toute discrimination entre «anciens» et «nouveaux» chrétiens. Vieira va jusqu'à demander que tous les marchands (que l'on confondait, à cette époque, avec les nouveaux-chrétiens) soient annoblis. L'exposé de ces conditions est suivi de plusieurs considérations tendant à neutraliser les scrupules religieux du roi, et d'une critique en règle de la procédure inquisitoriale6. Pendant son second séjour en France Vieira fit campagne pour la création de la Compagnie générale du Commerce du Brésil financée par des «nouveaux-chrétiens» dont les biens seraient exemptés de la confiscation inquisitoriale. Il a obtenu l'appui de l'ambassadeur du Portugal, le marquis de Nisa - un gentilhomme de la plus haute noblesse - et de ses collaborateurs, parmi lesquels Manuel Fernandes de Villa Real, un «nouveau-chrétien» qui faisait des séjours fréquents à Rouen. La Compagnie fut créée par décret royal au début de 1649, peu après le retour de Vieira à Lisbonne. Ces événements sont des péripéties de la longue et ardente campagne de Vieira pour les «nouveaux-chrétiens» et contre l'Inquisition, qui va se poursuivre pendant trente ans. La plupart des historiens croient que les motivations de Vieira dans cette affaire sont, avant tout, d'ordre patriotique et économique. La situation au Portugal, qui venait de récupérer son indépendance en 1640, était, en effet, très grave. Vieira la décrit dans son rapport de 1643: la caisse royale vide; le commerce du sucre brésilien en baisse inquiétante; le trafic des esclaves vers le Brésil aux mains des Hollandais, maîtres de l'Angola; l'Orient presqu'en ruines, l'armée inexistante, etc. - et bientôt l'offensive générale des Espagnols. Dans ces circonstances rien d'étonnant que le Père jésuite ait pensé à l'argent des «hommes d'affaires», expression qui, au Portugal, était synonyme de «homens da nação (judaica)» ou «nouveaux-chrétiens». «Б y a avec le Ciel des accomodements. . .» De toute façon les convictions religieuses de Vieira, aussi orthodoxes que celles de n'importe quel inquisiteur, n'étaient pas, croit-on, en cause. Je crois qu'après l'exposé que je vais faire il ne sera plus possible soutenir ce point de vue traditionnel. Le Bandarrisme. Pour comprendre la position de Vieira envers le Judaisme il nous faut revenir un peu en arrière. Pendant l'eclipse de l'indépendance nationale (1580- 1640) un sentiment méssianique se developpa chez le peuple portugais; il en résultat une vaste littérature tant érudite que populaire, dont les principaux thèmes sont: a) une déclaration du Christ au premier roi du Portugal créant le royaume et mettant sous la protection divine l'empire que les descendants d'Afonso allaient établir*. 5 Le Rapport de 1647 se trouve publié aussi aux volumes indiqués à la note 2. 8 II va sans dire que cette déclaration du Christ était une invention d'origine ecclésiastique. Sur le méssianisme portugais voir Lucio d'Azevedo, A Evolução do Sebastianismo, 2e ed. Lisboa 1947, e R. Cantei, Prophétisme et Méssianisme dans l'oeuvre du Père Vieira, Paris, 1960. 26 This content downloaded from 128.143.23.241 on Thu, 23 Jun 2016 12:36:05 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms b) Les couplets ďun poète populaire de la première moitié du XVIe siècle. Gonçalo Anes Bandarra, annonçant l'unification politique et religieuse du monde entier sous le sceptre d'un mystérieux roi «Encoberto». Il est difficile d'exagérer l'importance du texte du Bandarra. Aujourd'hui encore son nom est invoqué par des paysans de plusieurs régions du Portugal et du Brésil7. Antonio Conselheiro, le chef du mouvement révolutionnaire et méssianique de Canudos, dans le nordest brésilien, vers la fin du XIX, siècle, le citait8. Selon le témoignage de Vieira, les enfants apprenaient à lire sur des copies de ses «trovas» dans la région intérieure du Portugal, la Beira. Après la restauration de l'indépen- dance nationale en 1640, il devint presqu'un auteur sacré; son image fut mise sur un autel de la cathédrale de Lisbonne lors de la commémoration du premier anniversaire de la révolution. Dans les apologies des droits du nouveau roi adressées à l'opinion mondiale et au Pape, le texte du Bandarra était cité comme s'il donnait une sanction divine aux arguments de droit9. Interdit par l'Inquisition portugaise10, le livre du poète populaire, connu jusqu'alors par tradition orale et par manuscrit, fut enfin imprimé en 1644, mais à l'étranger, à Nantes, par les soins de l'ambassadeur Marquis de Nisa11. Ce livre nous intéresse tout particulièrement parce qu'il est, avec l'Ancien Testament, le principal fondement des spéculations de Vieira sur l'avenir du monde et en particulier sur les rapports entre Juifs et Chrétiens. Pour Vieira le Bandarra était un prophète au même titre que ceux de l'Ancien Testament: il consacre à la démonstration de cette affirmation plusieurs pages de raisonnement syllogistique12. Le Bandarra était un cordonnier établi à Trancoso, une petite ville sur les hauts plateaux de Beira, près de la frontière espagnole. Trancoso avait alors une impor- tance commerciale considérable et ses foires étaient célèbres. Parmi ses habitants il y avait de nombreux «nouveaux-chrétiens», comme d'ailleurs un peu partout dans la province de Beira13. Ä cause de ses couplets, le Bandarra fut arrêté et poursuivi par l'Inquisition en 1541. Son procès nous permet de savoir qu'il entretenait des rapports nombreux avec les «nouveaux-chrétiens» de sa ville uploads/Litterature/ peeters-publishers-studia-rosenthaliana-this-content-downloaded-from-128-143-23-241-on-thu-23-jun-2016-12-36-05-utc.pdf

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