DOMAINE DU POSSIBLE La crise profonde que connaissent nos sociétés est patente.

DOMAINE DU POSSIBLE La crise profonde que connaissent nos sociétés est patente. Dérèglement écologique, exclusion sociale, exploitation sans limites des ressources naturelles, recherche acharnée et déshumanisante du profit, creusement des inégalités sont au cœur des problématiques contemporaines. Or, partout dans le monde, des hommes et des femmes s’organisent autour d’initiatives originales et innovantes, en vue d’apporter des perspectives nouvelles pour l’avenir. Des solutions existent, des propositions inédites voient le jour aux quatre coins de la planète, souvent à une petite échelle, mais toujours dans le but d’initier un véritable mouvement de transformation des sociétés. PRÉSENTATION Isabelle Peloux développe une pédagogie qui repose sur la coopération plutôt que sur la compétition et vise à apprendre aux enfants à travailler autrement tout en respectant le programme scolaire habituel. À cette fin, elle s’inspire de trois grands courants pédagogiques : le mouvement Freinet fondé sur l’expression libre des enfants et le tâtonnement expérimental, la gestion mentale d’Antoine de La Garanderie qui explore, décrit et étudie les gestes mentaux de la connaissance, ainsi que le conflit sociocognitif qui permet à l’enfant de prendre conscience du point de vue d’autrui et de reformuler le sien. Elle l’enrichit de dispositifs facilitant une découverte de la relation et une éducation à la paix. Cette approche pédagogique donne des résultats extrêmement positifs. Naturellement, l’enfant aime apprendre s’il en comprend le sens et si la pédagogie proposée lui permet d’être actif dans ses apprentissages. Arrivés au collège, les élèves de l’école du Colibri gardent intacte leur soif de connaissance et manifestent du respect envers les autres. Cette expérience de terrain n’est pas une méthode mais plutôt le résultat de trente ans de recherche, que chaque lecteur s’appropriera comme il le souhaite et que chaque enseignant enrichira de sa personnalité. Cet ouvrage est émaillé d’exemples concrets, pris sur le vif en classe, et d’éléments plus théoriques sur lesquels repose la pédagogie de la coopération. Isabelle Peloux est professeur des écoles, formatrice en relation entre l’enseignant et l’enseigné, accompagnatrice de groupes de parole de parents. Elle a fondé en 2006 l’école élémentaire du Colibri, dans la Drôme, au coeur de la ferme agroécologique des Amanins. Anne Lamy est journaliste. Spécialiste en psychologie, éducation, société, elle est auteur et coauteur d’une quinzaine de livres, dont L’État adolescent, avec Daniel Marcelli (Armand Colin, 2013), et Grandir en temps de crise, avec Philippe Jeammet (Bayard, 2014). Elle est également l’auteur de documentaires pour la jeunesse. Photographie de couverture : © Carole Magnouac Dessin de couverture : © David Dellas, 2011 Coordination éditoriale réalisée par Cyril Dion pour Colibris © Actes Sud, 2014 ISBN 978-2-330-03830-4 www.actes-sud.fr ISABELLE PELOUX ET ANNE LAMY L’ÉCOLE DU COLIBRI LA PÉDAGOGIE DE LA COOPÉRATION DOMAINE DU POSSIBLE ACTES SUD INTRODUCTION D epuis que je suis petite, je “joue” à l’école. J’en ai même fait mon métier : depuis les années 1980, je suis professeure des écoles. D’abord, dans l’enseignement catholique. Depuis 2006, je suis directrice de l’école du Colibri, une école élémentaire de 35 élèves fondée et installée au cœur du centre agroécologique des Amanins, dans la Drôme. Je désirais en effet créer un lieu qui prenne en compte le constat suivant : notre planète comptant 7 milliards d’individus mais disposant de ressources limitées, il va nous falloir apprendre à coopérer… Or, nourris par une culture individualiste, nous, adultes, ne savons pas bien le faire. En plus du programme scolaire habituel, c’est cela que nous apprenons aux enfants de l’école, aussi bien à travers le travail en classe où ils sont en pédagogie de la coopération que par l’enseignement spécifique d’éducation à la paix. Cette pédagogie est apparue comme une évidence dans notre projet car un enfant intègre d’autant mieux ses apprentissages qu’il est invité à chercher puis à échanger le fruit de son travail avec d’autres enfants. Une telle approche bouscule les habitudes : ce processus d’échange avec les autres engendre du débat, de la rivalité mais il donne du sens aux acquisitions et développe la créativité. De plus, grâce à cette pédagogie, nous pourrions transformer la phrase de Descartes et affirmer : “Je parle donc je suis.” En échangeant avec l’autre, je “suis” doublement : je deviens conscient de ce que je sais car je l’intègre. Et j’existe en face de cet autre qui m’écoute. Ce processus est exigeant pour l’élève comme pour l’enseignant. Mais c’est cela qui nous enrichit, grands et petits… et qui nourrit ce métier qui me passionne. Dans notre société où notre rapport très hiérarchisé à l’éducation fait croire un peu vite que celui qui n’apprend pas comme les autres est nul, c’est notre devoir d’enseignant d’amener chaque élève aussi haut qu’il peut aller. Mais notre mission ne se limite pas simplement à instruire les enfants. Il nous faut également développer leurs compétences sociales et élever les consciences, pour leur apprendre l’art de la rencontre… La rencontre avec un autre qu’ils ne connaissent pas encore, avec un savoir qu’ils n’ont pas encore. Un tel enjeu, face à des enfants par nature dépendants de l’adulte, nous engage en tant qu’enseignants : nous avons la responsabilité de nous connaître nous-mêmes pour accompagner aux mieux les enfants et être à leur écoute. C’est cette posture que je décris dans ce livre, ainsi que les outils dont je me sers dans ma pratique quotidienne. Je ne présente ici ni une méthode ni des recettes mais plutôt le résultat de trente ans de recherches, que chacun s’appropriera comme il l’entend et enrichira de sa personnalité. Et comme cette expérience n’existerait pas sans les élèves, de multiples tranches de vie de l’école sont relatées tout au long du livre, pour laisser une place aux enfants et témoigner combien ils ont le don de fabriquer du vivant, du frais, du lien à l’autre… et d’enchanter leurs enseignantes ! I LA NAISSANCE DE L’ÉCOLE 1. Quelle planète laisserons-nous à nos enfants ? Le centre agroécologique des Amanins est né de la rencontre entre deux hommes que, a priori, rien ne rapprochait : Michel Valentin et Pierre Rabhi. Ce dernier, il n’est plus nécessaire de le présenter. Michel, mon compagnon (mort brutalement en 2012), était un homme d’affaires arrivé à un tournant de sa vie : il désirait investir l’argent qu’il avait gagné dans un projet qui aurait du sens pour lui et qui serait en rapport avec la terre. Michel était né d’une mère paysanne et d’un père commerçant ; toute son enfance, il a souffert de voir ses deux cultures s’opposer, ses parents cherchant sans cesse à savoir qui avait fait “le bon choix”. Les deux valeurs transmises étaient l’argent et le travail. Michel a choisi le commerce ; pour gagner de l’argent, ce choix semblait plus sûr ! Un jour, une collègue lui parle de Pierre Rabhi. Michel le rencontre et il retrouve avec lui une cohérence de vie. Pierre remet l’argent à sa juste place – celle d’être au service d’un projet – et Michel réconcilie sa partie commerçante et sa partie paysanne. L’idée fait donc son chemin de créer un lieu accueillant des familles en vacances à la ferme, des classes de découvertes, des séminaires, des stages. Au centre de ce projet agroécologique figurait la ferme (maraîchage, élevage, fabrication de fromages, etc.), pour assurer l’autosuffisance et montrer la générosité de la nature. Les deux questions à la base de ce projet : quelle planète laisserons-nous à nos enfants ? Quels enfants laisserons-nous à la planète ? La ferme des Amanins a été acquise en 2004. L’accueil du public débuta en 2008. Le projet, respectueux de l’environnement, essaie d’être le plus autonome possible : bâti construit en bois, paille et terre crue, recyclage des déchets, toilettes sèches et lombricompostage, récupération et recyclage des eaux usées, énergies renouvelables, restaurant biologique avec les produits de la ferme. 2.… Et quels enfants laisserons-nous à la planète ? De mon côté, j’étais institutrice à Lyon, en école privée. J’exerçais ce métier depuis une vingtaine d’années. Parallèlement, je me suis formée en psychologie et j’ai appris divers outils de la dynamique relationnelle (association Adyre, dans la Drôme). À partir de 1992, je suis devenue formatrice au CFP (l’IUFM du privé) de Lyon en gestion des conflits, tout en gardant un mi-temps sur le terrain. J’accompagnais les futurs professeurs des écoles, je faisais de la formation continue pour les équipes enseignantes, les directeurs et j’animais des groupes de parole de parents. En classe, je rencontrais chaque jour les obstacles que connaît n’importe quel enseignant : difficultés à s’occuper correctement des élèves qui peinent, classes surchargées empêchant de personnaliser les apprentissages, journées à rallonge qui saturent l’enfant de savoirs, enfants en difficultés comportementales qui attendent d’être orientés en Clis (classe pour l’inclusion scolaire) faute de place, etc. En 2002, après ma rencontre avec Michel, je décide de vivre avec lui dans la Drôme. Son travail avec Pierre me passionne. Suite aux deux questions posées par le projet, mon âme d’éducatrice se réveille. Michel me demande de mettre sur pied des classes de découvertes à destination des collèges et lycées, qui permettront de sensibiliser un public scolaire uploads/Litterature/ peloux-isabelle-lamy-anne-l-x27-ecole-du-colibri-pdf.pdf

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