LE GROUPEMENT ADDITIF DES RELATIONS TRANSITIVES ASYMÉTRIQUES Dans une note qu'a

LE GROUPEMENT ADDITIF DES RELATIONS TRANSITIVES ASYMÉTRIQUES Dans une note qu'a publiée en 1937 L'Enseignement mathématique nous avons cherché à montrer qu'une suite de classes logiques dont chacune est incluse dans la suivante, peut donner lieu à un groupe additif, à cette réserve près, laquelle est essentielle, que chaque égalité du type A -J- A' B (par exemple les Vertébrés plus les Animaux non-Vertébrés sont tous les Animaux) joue le rôle d'« opération identique » par rapport à elle-même et à toutes celles d'ordre supérieur. On peut appeler « groupement » un tel système remplissant les conditions de composition, d'associativité et de réversibilité propres aux groupes, mais connaissant autant d'« identiques » que d'éléments. En d'autres termes, un groupement est un groupe n'obéissant pas à la règle d'itération (A -f- A 2 A) mais à celle de tautologie (A -f- A A). L'intérêt qu'il peut y avoir à construire de tels groupements au moyen des opérations de la logistique est double. En premier lieu, ils contribuent à mettre en évidence le caractère opératoire des transformations logiques, et cela n'est pas un service négligeable car il permet de dissiper de nombreuses équivoques dans les soi-disantes réductions du nombre à la classe logique. Dès lors, le « groupement » des opérations écarte la difficulté essentielle des systèmes classiques de logistique, qui est ce réalisme, dont A. Reymond a bien montré les dangers dans ses Problèmes de la logique et de la critique contemporaines. En second lieu, le « groupement » constitue un « modèle » de (t) Les égalités résultant le l'aiiilion et ie la soustraction logiques constituent-elles un groupe Enseign. math., 1937. RELATIONS TRANSITIVES ASYMÉTRIQUES 147 pensée susceptible à la fois de vérité logique et de vérité psychologique et l'on peut même faire l'hypothèse qu'il correspond à l'état d'équilibre auquel parvient tout système de jugements réels au terme de son développement génétique. En effet, c'est dans la mesure où un agrégat de notions ou de relations est soumis à une loi de composition réversible qu'il devient rationnel, comme la psychologie génétique de l'intelligence conduit à le vérifier sans cesse. Un tel processus se présente en particulier dans le cas de la sériation. Soient quelques cailloux A, B, C, D..., etc., à sérier selon leurs poids respectifs (les volumes ne permettant pas de les juger à vue). Lorsque le sujet d'expérience (enfants de quatre à huit ans) n'a le droit de ne toucher les cailloux que par couples, on observe une série d'étapes de développement, de la juxtaposition chaotique initiale jusqu'à la sériation correcte. C'est ainsi que les sujets d'un certain âge, après avoir constaté les rapports A <^B et A < C, posent A •< C <^B. aussi bien que A < B •< C. D'autres tirent de A •< D et B •< C la conclusion A <^D < B <; C. Certains déduisent de ces mêmes constatations A < D et B < C que A < i? <; D < C « parce que A et B sont les deux plus légers et que D et C sont les deux plus lourds », etc. Enfin la sériation correcte est acquise : 1° lorsque toutes les relations sont comparées entre elles et 20 lorsque chaque terme est conçu à la fois comme plus lourd que les précédents et comme plus léger que les suivants. La sériation suppose donc, du point de vue psychologique, non seulement une « composition » associative, mais encore l'intervention de la « relation inverse », donc la réversibilité des opérations. Si nous cherchons à énoncer formellement les conditions de l'équilibre psychologique auquel aboutit la genèse réelle du système, nous retrouvons la notion de « groupement » et pouvons même construire axiomatiquement un groupement exactement parallèle à celui de l'emboîtement des classes, à cette différence près qu'il n'est pas com- mutatif. Nous désignerons par le symbole (A -> B) une relation asymétrique et transitive quelconque, étant entendu seulement que (A -*¦ B) marque une inégalité en faveur de B et signifie donc que « B est plus (lourd ou vertueux, etc.) que A ». La relation inverse sera A ¦*- B, soit « A est moins (lourd, vertueux, etc.) que B ». Si, d'autre part, nous écrivons (A -> B) pour exprimer ainsi une différence donnée entre A et B, nous pouvons concevoir des relations analogues entre B et C, etc., soit B -*¦ C ; C -*¦ D ; D-> E ;... etc. Autrement dit, 148 JEAN PIAGET nous pouvons sérier les termes A, B, C, etc., selon leurs différences ordonnées, étant admis qu'ils sont tous différents les uns des autres. En quoi consistent les relations qui constituent cette série Comparons d'abord entre eux les trois premiers termes. Si l'on peut poser (A -> B) -f- (B -> C) (A -*¦ C), soit « si A est plus léger que B, et si B est plus léger que C, alors A est plus léger que C », il est légitime d'en conclure immédiatement, même sans connaître ni les valeurs respectives des poids absolus, ni celles de leurs différences, que la différence entre A et C est plus grande qu'entre A et B, puisque B est lui-même plus léger que C. Nous appellerons donc a la relation entre A et B, soit (A 4 B), et b la relation entre A et C, soit (A 4 C), étant entendu que, par définition, la relation a est comprise ou incluse dans la relation b. Or, si la relation a est incluse dans la relation b sans lui être égale, on peut dès lors concevoir la relation entre B et C comme constituée par la différence entre a et b, soit b — a — a. Nous désignerons donc la relation (B-*¦ C) par le symbole (B fl Ci. D'où l'élément du groupement : (1) (A±B) + (B^C) (AXC)- On voit en quoi le groupement s'identifie à la sériation elle-même. En effet, si l'on pose sans autre convention (A -+ B) et (X -*¦ B), il est impossible de savoir si (A -*¦ X) ou (A ¦*- X) ou encore (A X). C'est comme si, dans le champ des additions disjonctives de classes, nous incluons une classe quelconque A dans une classe plus extensive B, et qu'ensuite nous dissocions de B une troisième classe X : on ne saura pas alors si (B —X A) ou si (B —¦ X^- A). Par contre, de même que l'on peut ordonner hiérarchiquement les classes en un groupement (A + A' B) ; (B + B' C) ; (C + C D) ; etc., lorsque chaque classe primaire (A, B, C.) est incluse dans la suivante, de même on peut concevoir une série de relations primaires incluses chacune dans la suivante (A 4. B) ; (A 4- C) ; (A 4 D) ; (A 4 E) ; etc., et définir les relations secondaires par la différence entre chacune de ces relations primaires et celle dans laquelle elle est incluse. D'où la série (1 bis) (A±B) + (B^C) (A 4 C) (A 4. C) + (C X, D) (A 4. D) (A 4. D) + (D X E) (J 4 E) ...etc. laquelle, contrairement à une suite quelconque de relations non RELATIONS TRANSITIVES ASYMÉTRIQUES 149 sériées permet de définir un système d'opérations inverses à résultat déterminé : (2) (A 4 C) — (54 Q (A 4 B) ou (A 4 C) — (^4 5) (BX Q ...etc. Avant de poursuivre, notons qu'une telle sériation est « linéaire », c'est-à-dire que les relations dont elle se compose sont asymétriques, transitives et connexes. Si l'on introduit des termes de même valeur, par exemple A1 A2 ; etc., ou i?i B2; etc, tels que l'on ait (Ax ; A^) 4. (B1 ; B^) etc., alors les relations A -*¦ B-*- C, etc., sont à concevoir comme établies entre classes, chaque terme A, B, C, etc., constituant une classe non singulière formée des individus Ax ; A2... ou Bx ; B2... En ce cas, la sériation subsiste, les relations entre ces classes demeurant asymétriques, transitives et connexes. Les relations ainsi ordonnées constituent donc un « groupement » dont l'élément est l'égalité (1). L'élément ne saurait être la relation (A 4 B) elle-même, car on ne saurait écrire (a -f- a) — a a -\- (a —a), à cause de la règle de tautologie (a -f- a a) qui s'applique aux relations a comme aux classes. On a donc : (3) Composition : (A_^B) + (BjiC) (AXC) + (CXD) + (D-JE) (C~ti E) (A+B) + (B^C) + (CXD) + (DXE) (AJhE) Dans le cas où les segments de série à additionner entre eux ne se touchent pas, on procède par substitution : (A 4 B) + (C 4 D) (C X. D) (B ±±X D)—(B 4 Q (A 4 B) + (C 4 D) (A 4 B) + (B îL+4' D) — (BX.C) d'où {Ax B) + (CJ^D) (A±D)-(BÏC) (4) Exemple de composition inverse : (AIQ-(B^C) (A^B) (A \Ç) — (A ^B) (B^Q (AXC) + (AXC) (A±B) uploads/Litterature/ piaget-j-le-groupement-additif-des-relations-transitives-asymetriques.pdf

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