Cours L2-L3 (Paris-Diderot 2017/18) Littérature, arts et mythologie info : Ricc

Cours L2-L3 (Paris-Diderot 2017/18) Littérature, arts et mythologie info : Riccardo RAIMONDO / raimondo.riccardo@yahoo.it VERS UNE NOUVELLE MYTHOCRITIQUE La définition du mot mythe La notion de mythe est problématique et polysémique, elle change selon les époques, les contextes culturels et les systèmes de pensée. Pour résumer cette complexité, on pourrait illustrer deux grandes interprétations de la notion de mythe, la première étant proche de la pensée de Platon, la deuxième étant plutôt représentative d’un certain « pragmatisme » propre à l’esprit aristotélicien. Deux interprétations du mythe (μῦθος , mûthos) : 1. « récit sacré » → vision idéaliste (Platon, Banquet) élément primitif et structural de la pensée et de l’imaginaire [Maurice LEENHARDT, Do kamo : la personne et le mythe dans le monde mélanésien, Paris, Gallimard, 1947, p. 2-17 ; Georges GUSDORF, Mythe et métaphysique. Introduction à la philosophie, Paris, Flammarion, 1953, p. 21 ; Mircea ELIADE, Aspects du mythe, Paris, Gallimard, 1963, passim.] 2. « parole, langage » → vision pragmatique (Aristote, Poétique) fiction allégorique, fable, produit littéraire : « Après Socrate, l’intellectualisme grec a réduit la mentalité primitive à une pensée rationaliste » (G. Gusdorf). [Pierre BRUNEL, Mythocritique, Paris, PUF, 1992 ; Sylvie PARIZET (dir.), Mythe et littérature, Paris, éditée aux éditions Lucie par la Société Française de Littérature Générale et Comparée, 2008, passim.] Les théories contemporaines nous permettent de dépasser cette dichotomie et de proposer d’autres définitions de mythe. On propose ici une synthèse sémiotique entre les deux interprétations traitées ci-dessus : « Le mythe – source originaire de connaissance, et pour cette raison, élément primordiale de la mentalité humaine – est constitué par une constellation de mythèmes (métaphores, thèmes, motifs, types, schèmes, symboles, etc.). Au fil de l’histoire, le mythe se « dégrade » et est décliné en plusieurs variantes dont il représente l’archétype, la forme originaire ». L’étude des mythes dans les littératures et les arts Pour synthétiser, on peut affirmer qu’il y a deux grandes manières d’étudier les mythes dans les sciences humaines et dans les lettres. On peut étudier le mythe come en étant : - Un « codage » d’éléments divers (constellation de mythèmes) qui se transforment dans une perspective diachronique [Astrid GUILLAUME, « L’interthéoricité : sémiotique de la transférogenèse. Plasticité, élasticité, hybridité des théories », Revue, n°37 (2014), p.1-36] - Une structure figurative, dynamique, métalinguistique et complexe (figures mythiques) [Gilbert DURAND, Figures mythiques et visages de l’œuvre, Paris, Berg, 1979] Cours L2-L3 (Paris-Diderot 2017/18) Littérature, arts et mythologie info : Riccardo RAIMONDO / raimondo.riccardo@yahoo.it Le mythe influence et « irradie » les œuvres littéraires et artistiques depuis toujours. En ce qui concerne l’étude du mythe dans les littératures et les arts, on peut illustrer une méthodologie en quatre étapes : 1. Identifier et reconnaître un mythe dans une œuvre littéraire ou artistique ; 2. Identifier, décrire, illustrer la constellation des mythèmes qui structurent ce mythe ; 3. Rechercher ce mythe et la même constellation de mythèmes à l’intérieur d’autres représentations littéraires ou artistiques ; 4. Créer des « familles mythologiques » composées de mythes apparentés à l’intérieur d’objets culturels différents. Définitions du terme mythe Le mythe est un récit populaire ou littéraire mettant en scène des êtres surhumains et des actions remarquables. [Le Petit Larousse illustré] Initialement récit fabuleux, souvent d'origine populaire et porté par une tradition orale, confrontant des héros humains aux divinités ou aux forces de la nature. Le mythe utilise assez fréquemment le registre épique. La fonction à la fois symbolique et explicative des mythes anciens (mythes d'Orphée, d'Œdipe, de Prométhée) a fait que le mot désigne aussi les grandes figures (Don Juan, Don Quichotte, Napoléon) dans lesquelles une nation ou une société reconnaît ses valeurs fondamentales, ses questionnements, ou identifie les grands moments de son histoire. Dans un sens péjoratif, un « mythe » est une construction de l'esprit qui ne repose sur rien de réel ou encore une vision déformée de la réalité. [Jeg, 1997 ; en ligne : lettres.org/lexique/] 1. Récit relatant des faits imaginaires non consignés par l'histoire, transmis par la tradition et mettant en scène des êtres représentant symboliquement des forces physiques, des généralités d'ordre philosophique, métaphysique ou social. Exemple : Mythe de la caverne de Platon. 2. Évocation légendaire relatant des faits ou mentionnant des personnages ayant une réalité historique, mais transformés par la légende. Exemples : Mythe napoléonien; mythe de Don Juan; le mythe de Pétain. 3. Représentation traditionnelle, idéalisée et parfois fausse, concernant un fait, un homme, une idée, et à laquelle des individus isolés ou des groupes conforment leur manière de penser, leur comportement. Exemples : Mythe du chef, du héros; mythe de l'argent, du confort, de la minceur, de la vitesse; mythe de la galanterie française; mythe de la grève générale. [CNRTL.FR] Cours L2-L3 (Paris-Diderot 2017/18) Littérature, arts et mythologie info : Riccardo RAIMONDO / raimondo.riccardo@yahoo.it Dans sa simplicité apparente, le mythe noue et solidarise des forces psychiques multiples. Tout mythe est un drame humain condensé. Et c’est pourquoi tout mythe peut si facilement servir de symbole pour une situation dramatique actuelle. [Gaston Bachelard, Préface à l’œuvre de Paul Diel, Le symbolisme dans la mythologie grecque, 1952] Tout peut donc être mythe ? Oui, je le crois car l’univers est infiniment suggestif. Chaque objet du monde peut passer d’une existence fermée, muette, à un état oral, ouvert à l’appropriation de la société, car aucune loi, naturelle ou non, n’interdit de parler des choses. Un arbre est un arbre. Oui, sans doute. Mais un arbre selon Minou Drouet, ce n’est déjà plus tout à fait un arbre, c’est un arbre décoré, adapté à une certaine consommation, investi de complaisances littéraires, de révoltes, d’images, bref d’un usage social qui s’ajoute à la pure matière. [Roland Barthes, Mythologies, 1957] La mythologie ne peut avoir qu’un fondement historique, car le mythe est une parole choisie par l’histoire. [Roland Barthes, Mythologies, 1957] Le mythe est le rien qui est tout. Le soleil même, ouvrant les cieux, Est un mythe brillant et muet Dépouille mortelle de Dieu, Vivante, mise à nu. [Fernando Pessoa, Mensangem, 1934] Une analyse adéquate de la mythologie diffuse de l’homme moderne demanderait des volumes. Car laïcisés, dégradés, camouflés, les mythes et les images mythiques se rencontrent partout ; il n’est que de les reconnaître… [Mircea Eliade, Mythes, rêves et mystères] Le mythe est lié à la première connaissance que l'homme acquiert de lui-même et de son environnement ; davantage encore, il est la structure de cette connaissance. Il n'y a pas pour le primitif deux ima-ges du monde, l'une « objective », « réelle » et l'autre « mythique », mais une lecture unique du paysage. L'homme s'affirme en affirmant une dimension nouvelle du réel, un nouvel ordre manifesté par l'émer-gence de la conscience. [Georges Gusdorf, Mythe et métaphysique] Le mythe constitue un élément primitif et structural de la mentalité […] Le mythe est senti et vécu avant d'être intelligé et formulé. Il est la parole, la figure, le geste, qui circonscrit l'événement au cœur de l'homme, émotif comme un enfant, avant que d'être récit fixé. [Maurice Leenhardt, Do Kamo] Cours L2-L3 (Paris-Diderot 2017/18) Littérature, arts et mythologie info : Riccardo RAIMONDO / raimondo.riccardo@yahoo.it Le mythe aussi contient des questions qui se dérobent à une réponse théorique, mais dont on ne peut pas pour autant faire l'économie. Ici, la différence entre mythe et « métaphore absolue » ne serait que purement génétique : le mythe porte la marque de son origine ancestrale insondable, de sa garantie divine ou inspiratrice, alors que la métaphore peut tour à fait se présenter comme une fiction, ne devant s'attester qu'en rendant lisible une possibilité de compréhension. [Hans Blumenberg, La Raison du mythe, Trad. de l'allemand par Stéphane Dirschauer, Paris, Gallimard] Des confusions sont souvent commises entre figure mythique et personnage-source de cette figure (ou personnage inspirateur qui fait office d’hypothétique première occurrence repérable). Lorsque l’on parle de telle ou telle figue mythique (la figure d’Œdipe, la figure de Caïn, la figure de l’ogre…), l’emploi du singulier et de l’article défini borne la figure, met l’accent sur ses contours et sur ses contraintes fonctionnelles (c’est-à-dire sur ses éléments structurels). Or une figure mythique ne saurait se réduire à un seul personnage, quoique, lié à un scénario ou tout au moins à une image, le héros qui contribue à lui donner naissance se caractérise souvent déjà par un nom précis, un certain nombre de traits particuliers et d’oppositions structurales. L’unicité que suggère le nom propre ne doit pas non plus nous induire en erreur. Certes, la figure mythique peut être identifiée par un nom qui fixe la référence (Médée, Ève, Lorelei…) et qui fonctionne alors à la manière de que Saul Kripke appelle un « désignateur rigide », c’est-à-dire une expression qui, « dans tous les mondes possibles » (les différentes versions ou actualisations), renvoie au même référent (l’image ou le scénario considérés comme fondateurs, fondamentaux ou dominants). Mais les avatars du personnage initial (pour autant qu’on puisse y avoir accès), tout en référant à lui, s’en distinguent (certains traits ou motifs peuvent être occultés, transformés, uploads/Litterature/ vers-une-nouvelle-mythocritique-fiche-pedagogique-pdf.pdf

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