1 PRATIQUER LA LECTURE ANALYTIQUE AU COLLEGE ET AU LYCEE POUR DEVELOPPER DES CO

1 PRATIQUER LA LECTURE ANALYTIQUE AU COLLEGE ET AU LYCEE POUR DEVELOPPER DES COMPETENCES DE LECTEUR ET PREPARER LES ELEVES A L’EPREUVE ORALE DE L’EAF Compte rendu d’animations de mai-juin 2009 et de mai-juin 2011 dans le cadre de la présentation des nouveaux programmes de français au collège et au lycée Un des objectifs du professeur de français est de développer chez tous les élèves des compétences leur permettant de comprendre un texte, de le goûter et d’en proposer une lecture. L’épreuve orale à laquelle les élèves sont soumis à la fin de la classe de Première teste la capacité des candidats à être autonomes : il ne s’agit pas pour eux de « réciter » le cours de leur professeur, une explication parfaitement organisée et complète qui leur aurait été proposée en classe, mais de répondre à une question, inconnue d’eux, sur un texte qu’ils ont travaillé au cours de l’année de façon ciblée – car en lien avec une problématique de séquence. « L'examen oral a pour but d'évaluer la capacité du candidat à mobiliser ses connaissances. Il doit lui permettre de manifester ses compétences de lecture, d'exprimer une sensibilité et une culture personnelles et de manifester sa maîtrise de l'expression orale ainsi que son aptitude à dialoguer avec l'examinateur. […] Dans la première partie de l'épreuve, le candidat rend compte de la lecture qu'il fait d'un texte choisi par l'examinateur dans le descriptif des lectures et activités. Cette lecture est orientée par une question initiale à laquelle il doit répondre en partant de l'observation précise du texte, en menant une analyse simple et en opérant des choix afin de construire une démonstration. On n'attend donc de lui ni une étude exhaustive du texte ni la simple récitation d'une étude faite en classe. » (BO n°3 du 16 janvier 2003) L’exercice permettant aux enseignants de préparer les élèves à cette épreuve, et ce dès leur entrée au collège, est la lecture analytique. De fait, elle « se définit comme une lecture attentive et réfléchie, cherchant à éclairer le sens des textes et à construire chez l’élève des compétences d’analyse et d’interprétation. Elle permet de s’appuyer sur une approche intuitive, sur les réactions spontanées de la classe, pour aller vers une interprétation raisonnée » (Programmes de l’enseignement de français au collège, BO. n°6 du 28 août 2008, p. 2), « la lecture analytique vise la construction progressive et précise de la signification du texte, quelle qu’en soit l’ampleur ; elle consiste donc en un travail d’interprétation que le professeur conduit à partir de leurs réactions et de leurs propositions » (Programmes de français en classes de 2nde et de 1ère, B.O. du 30 Septembre 2010). La lecture analytique est donc une activité de classe, un travail collectif interprétatif que le professeur orchestre. Elle n’est pas tant un produit qu’une recherche en commun, une exploration, un cheminement, une patiente construction, un processus collectif de dévoilement du/des sens à partir d’un questionnement qui aura été adroitement établi par la classe au départ. Elle est avant tout le cheminement des élèves permis par le guidage souple du professeur. Partant de là, il n’existe pas de pratique standard de la lecture analytique (enseigner une prétendue « méthode de lecture analytique » est un non-sens). On privilégiera toutefois les principes qui suivent. Pour lancer l’étude d’un texte, les élèves peuvent être invités à émettre leurs premières réactions et/ou hypothèses de sens face au texte spontanément à l’oral. Le professeur les recueille et les consigne au fur et à mesure au tableau. Ces remarques de départ peuvent aussi 2 être préparées « stylo en main », un temps de réflexion pouvant être accordé à chacun de manière individuelle avant l’expression orale. On peut imaginer aussi des situations où l’enseignant jugera intéressant de demander aux élèves de noter, après une lecture-découverte, quelques mots, voire phrases, du texte spontanément retenus. Il est des cas où l’enseignant préférera recourir à une première question, ouverte, donnant la possibilité aux élèves de se sentir impliqués, une question qui vise à les faire réfléchir sur ce que dit le texte et pour quoi il le dit. En effet, une question ouverte ne doit pas être une question vaste, qui laisse les élèves dans l’embarras, comme « Qu’est-ce que vous pensez de ce texte ? » ou « Que vous inspire-t-il ? ». C’est plutôt une question qui ouvre la voie de l’appropriation du texte par les élèves. Cette question sera élaborée à partir des réactions que la classe peut avoir manifestées au cours de la lecture que le professeur a réalisée (« Pourquoi avez-vous ri ? », ou, au contraire, « Je pensais que vous alliez rire, il n’en a rien été : pourquoi ? »). Elle peut interroger le rattachement du texte à la séquence en cours (« Pourquoi vous proposer ce texte dans une séquence consacrée à l’autobiographie ? »)1. Plus simplement, on peut également laisser le temps aux élèves de répondre à ces deux questions : « qu’est-ce que j’ai compris, retenu de ce texte ? », « Qu’est-ce que j’ai ressenti ? ». L’enseignant peut parfois aussi se donner le droit de proposer de lui-même des questions « existentielles » qui favoriseront le débat et l’interprétation (« Pourquoi la chèvre de Monsieur Seguin préfère-t-elle la liberté au risque de sa vie ? »2) ou encore des questions qui posent une énigme, du côté de la production du texte ou du côté de sa réception (« Pourquoi ce titre « Les fées » dans le conte de Perrault ? » ou « Comment lire le titre de ce fabliau, Estula ?»3). Avec certains textes, l’enseignant – et parce qu’il voit là une stratégie judicieuse - peut également privilégier une entrée stylistique réduite : attirer l’attention de la classe sur la longueur des répliques des différents personnages, faire remarquer la prégnance de telle métaphore, etc. Là encore, cette entrée dans l’analyse devra permettre de fonder un projet de lecture global problématisé. Dans tous les cas de figure (parole spontanée des élèves, guidage du professeur, mots inducteurs, etc.), ce premier matériau de réflexion sur le texte, ce premier niveau de compréhension, de réception et d’appropriation, mis en commun, discuté, étoffé éventuellement grâce à quelques demandes complémentaires du professeur, débouchera sur une problématique de lecture négociée. Par exemple : « certains semblent penser que tel animal est valorisé dans notre fable et d’autres non. Demandons-nous alors qui le fabuliste valorise, de quelles façons précises et dans quel but » ; « vous avez finalement retenu pour l’essentiel des mots qui tournent autour de deux thèmes. Comment ces deux thèmes sont-ils liés ? Ne peut-on pas en trouver un autre ? Quelles sont les ambitions du poète ?» ; « vous comprenez mal ce qu’il se passe ici entre les personnages mais êtes sensibles à la beauté du texte. Je vous propose de retenir le double projet de lecture suivant : quelles relations sont précisément évoquées ici ? Et d’où vient pour l’essentiel la beauté du texte ? ». Aussi nous invitons les professeurs à n’avoir pas recours à des questionnaires, que ceux-ci soient écrits au tableau, suivis sur le manuel, photocopiés ou vidéoprojetés : ils conduisent les élèves à un parcours morcelé du texte (qui, en outre, leur est imposé et a peu de 1 Vous trouverez des exemples de questions dans le compte rendu que des professeurs de français du collège Maurice Thorez de Stains ont rédigé sur leur expérience de la lecture analytique. Intitulé : « La lecture analytique au collège Maurice Thorez », il est publié sur le site de l’académie de Créteil. 2 Serge BOIMARE, Ces enfants empêchés de penser, Dunod, 2008 3 Cf supra, « La lecture analytique au collège Maurice Thorez ». 3 chance de coïncider avec leur propre parcours de lecture), à un "picorage" peu pertinent4 , à un éparpillement de la lecture quand, au contraire, les collégiens comme les lycéens ont besoin d’apprendre à articuler pour construire une cohérence d’ensemble. Par ailleurs, en habituant les élèves à travailler systématiquement à partir de questionnaires, on fait d’eux des "répondeurs aux questions", des exécuteurs d’exercices et non des êtres pensants, des sujets lecteurs impliqués dans ce qu’ils lisent. Pour mettre en place le type de démarche que nous préconisons, cela implique que le professeur considère l’élève comme un vrai lecteur, qui a des choses à dire sur le texte, et qu’il interroge sa classe de manière que les élèves échangent entre eux. Il est essentiel que le professeur mette tout en oeuvre pour qu’il y ait co-écoute et débat, pour que la parole constitutive de l’interprétation jaillisse et circule. Cela lui demande donc de favoriser les « questions élucidantes5» et d’une façon générale d’être conscient de ses « actes de langage » et de l’effet de ses différentes interventions (demander une information pour faire progresser le raisonnement, par exemple6). On rappelle ici qu’un texte ne peut pas avoir de sens totalement singulier : on y perdrait le sens commun qui existe bien, mais qui est uploads/Litterature/ pratiquer-la-lecture-analytique-au-college-et-au-lycee.pdf

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