FILS D’APOLLON PAR FRANÇOIS MILLEPIERRES I LES ESSAIS LXÜ V f GALLIMARD nm ■ ■
FILS D’APOLLON PAR FRANÇOIS MILLEPIERRES I LES ESSAIS LXÜ V f GALLIMARD nm ■ ■ PYTHAGORE FILS D’APOLLON DU MÊME AUTEUR Les Hommes en Cage, avec illustrations d’Alfred Lefebvre (éditions « Notre Camp »). La Pyramide d’Hontsen. Poème dramatique, repré senté à Paris le 15 avril 1932 au Théâtre d’Art et Action, sous la direction de Mme Louise Lara et M. Edouard Autant (éditions Albert Messein). Au Relais du Cheval bleu. Poèmes (éditions Albert Messein). D’une Arche a l’autre. Poèmes avec frontispice de G. Hendery (Cahiers de la Lucarne). A paraître. A la Claire Fontaine, récit breton. La Vie expérimentale de Louis Horel. Essais romancés. Polycrate crucifié, poème dramatique. PYTHAGORE FILS D’APOLLON PAR. FRANÇOIS MILLEPIERRES LES ESSAIS LXII t u f GALLIMARD Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous les pays, y compris la Russie, Copyright by Librairie Gallimard, 1953. AVANT-PROPOS Je n'ai pas eu la prétention en composant cet ouvrage de rivaliser avec les érudits qui, grâce à leurs patientes et sagaces recherches, ont réussi à dégager, du moins en partie, la figure de Pytha- gore des végétations parasitaires qui l'enveloppent. Je me suis contenté, en m’aidant de leurs travaux, de présenter au public un personnage dont le nom sonore frappe assez souvent les oreilles, mais dont, la plupart du temps, on ne connaît que d'indécis linéaments qui transparaissent à peine à travers un brouillard de légende. La critique du XIXe siècle, critique destruc tive (le mot est de Renan), héritée de Wolf, était vraiment trop encline à suspecter les textes, et, à la suite de Zeller, lequel constatait que les docu ments sur Pythagore sont d'autant plus abondants qu'on s’éloigne de son époque — ce qui porterait a les faire recevoir comme faux — certains en sont venus à douter de l'existence même du sage de Samos 1. Or, qui ne sait que l’Histoire travaille lentement et met un temps considérable à recueillir ses matériaux enfouis sous les détritus, les gravats et les cendres? Que connaissions-nous de Troie avant Schliemann, de l’Egypte avant Champol- lion, de Cnossos avant Evans? Qui ne sait qu’à 1. M. Isidore Lévy, par exemple, dans ses Sources de la Légende de Pythagore. 8 P Y T H A G O R E F I L S D ’ A P O L L O N l’exception de quelques familiers, le public con temporain est souvent fort mal renseigné sur les faits et gestes des personnages les plus en vue? Quant aux familiers s’ils recueillent parfois quel ques notes, il arrive que ces notes s’égarent en passant à des héritiers que sollicitent d’autres goûts ou d’autres occupations, et qu’elles attendent souvent plusieurs générations avant d’être exhu mées du fond d’un tiroir et d’être mises au four? Pourquoi donc irions-nous rejeter tout ce que les Diogène Laërce, les Porphyre et les Jamblique nous ont transmis dans leurs biographies de Py- thagore? « C’est ici l’un des cas, écrivait F. Lenor- mant, où le véritable sens de l’Histoire doit se garder des excès d’une critique négative et dis solvante. » Ils n’ont rien inventé, soyons-en sûrs, ils en étaient du reste bien incapables. Ils ont composé leurs ouvrages à l’aide d’extraits d’au teurs, dont ils citent honnêtement les noms, auteurs dont certains, comme Aristoxène,Dicéarque et Ti- mée, avaient pu se renseigner auprès des disciples directs du Maître. Aussi, dans cette présentation de Pythagore, n’avons-nous fait fi d’aucun des renseignements, si tardifs et si dépourvus de garantie qu’ils fussent, que nous fournissent les textes. Nous admettons le séjour en Egypte, nous admettons même le séjour en Babylonie. Pourquoi irions-nous les nier quand les textes les affirment, et quand cela, étant donné les habitudes du temps, est on ne peut plus vraisemblable? Pourvu que tel fait ne pré sente pas un anachronisme trop criant, nous l’ac ceptons avec les réserves d’usage, et nous essayons d’imaginer ce qui a pu en résulter. Pythagore est la personnification d’une grande époque de la pensée humaine. Il reflète dans son existence, réelle ou légendaire, les tendances et les espérances nouvelles d'une humanité qui ne trouve plus de suffisantes satisfactions dans les anciennes constructions mythiques. Ses biographes, en le faisant voyager à travers tous les pays, n’ont pas eu tort, même si cela n’est pas conforme à la réalité matérielle. Un Pythagore sédentaire ne se comprendrait pas. Il est nécessaire qu’il péré- grine à travers les civilisations et les croyances de son temps. Aussi, pour bien le comprendre, réel ou légendaire, on ne saurait se dispenser de peindre le fond historique et géographique sur lequel doit se détacher successivement sa figure. Voilà pour quoi je me suis permis de m’étendre sur les pro grès de l’Empire perse comme sur les derniers jours de l’Egypte pharaonique; voilà pourquoi je me suis permis de présenter un tableau de Sparte et même une esquisse d’Athènes au VIe siècle — et cela bien que les textes ne parlent pas d’une visite de Pythagore en cette ville. Pythagore ne saurait se comprendre qu’en fonction de tout ce qui l’environne, même en dehors de tout contact immédiat. Pythagore en effet est, six siècles avant Jésus- Christ, l’annonciateur d’une nouvelle conception du monde et de l’existence. Cette conception nou velle, dont le besoin se fait alors sentir à l’huma nité, il ne l’a pas inventée de toutes pièces; il en a plutôt recueilli et interprété les éléments épars chez les poètes, les prêtres, les prophètes, les thaumaturges de tous les pays, pour les ras sembler en un corps de doctrine harmonieux et sans fissure, propre à satisfaire tous les besoins de l’esprit et du cœur. Ce n’est pas une création artificielle, un simple jeu de l’intelligence. Peut-être me reprochera-t-on de « romancer » en quelques endroits la vie du sage de Samos. Quand il s’agit d’un personnage dont la biographie com- 10 P Y T H A G O R E F I L S D ’ A P O L L O N porte certaines lacunes, il est excusable, je pense, de faire appel aux ressources de l'imagination pour essayer de les remplir. Mais toutes les fois que cela m'arrive, je le signale, afin que le lec teur ne s’y trompe pas. A vrai dire, Pythagore, de son vivant déjà, était passé dans la légende. Nous ne pouvons procéder à son égard selon les méthodes rigoureuses de la recherche historique. Si haut que nous remontions aux sources de l’in formation, Pythagore, sans s’intégrer, comme Or phée, dans le mythe pur, se présente comme un être surnaturel. Pour le figurer selon sa vérité, 11 ne convient pas de le dépouiller de ses attributs divins, en ne conservant de lui, par exemple, que le mathématicien ou le législateur. Il ne convient pas non plus d’en faire seulement un inspiré. C’est entre ces deux aspects de sa physionomie que je me suis efforcé de me tenir, afin de con tenter à la fois, si possible, les esprits positifs et les mystiques. i L’ENFANT PRODIGE D’après les données les plus vraisemblables, Pythagore naquit à Samos vers l’année 570 avant Jésus-Christ. Son père s’appelait Mnésar- chos, sa mère Pythaïs ou Parthénis. Mais cer tains prétendent qu’il vint au monde à Lemnos, et que sa famille, d’origine tyrrhénienne, ne s’était fixée à Samos qtie plus tard, à la suite d’un exode de la population. On lui attribue également comme lieu de naissance la ville de Phlionte, d’où sa famille aurait été chassée par les Doriens du Péloponèse. Enfin on le fait naître à Sidon, et l’on dit que son père était de race syrienne. Mais de toute façon, on le ramène dès ses premiers jours à Samos l’ionienne, l’île heureuse entre toutes, protégée d’Héra, la déesse au paon. C’est à Samos que ses regards se sont ouverts la première fois à la lumière d’Apollon. Samos, qui fait partie du groupe des Spo- rades, dessine dans ses contours la forme d’un dauphin qui, du rivage de l’Asie vient de sauter dans la mer pour nager vers la Grèce continen tale. Elle n’est séparée de la côte asiatique où s’élève le mont Mycale, et où le Méandre, après tous ses détours, trouve enfin son embouchure, 12 P Y T H A G O R E F I L S D ’ A P O L L O N que par un étroit bras de mer. L’île est mon tagneuse, dominée par le Cercète à l’ouest et l’Ampélos au centre. Tandis que la côte sep tentrionale est rocheuse et boisée, revêtue de cyprès, de thuyas et de chênes, le long de la côte méridionale s’étalent de petites plaines dont l’une, arrosée par l’Imbrasos, sert de site à la ville même de Samos (actuellement Tigani). Le climat y est particulièrement doux, et rap pelle celui de l’Attique. La terre y est prodigue en fruits de toutes sortes, si bien que l’on pour rait également comparer Samos à une corne d’abondance, débordante de raisins, d’olives, de figues et de grenades, abandonnée sur les flots x. Selon d’antiques légendes, Ancée, fils de Poséidon et d’Astypalaea, après avoir uploads/Litterature/ pythagore-fils-d-x27-apollon-par-francois-millepierres.pdf
Documents similaires










-
28
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 08, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 8.7913MB