Continents manuscrits Génétique des textes littéraires – Afrique, Caraïbe, dias
Continents manuscrits Génétique des textes littéraires – Afrique, Caraïbe, diaspora 17 | 2021 René Maran Genèses René Maran : genèses de la première édition (1921) de Batouala, véritable roman nègre, et de sa préface CHARLES W. SCHEEL https://doi.org/10.4000/coma.7748 Résumés Français English Il s’agit dans cette contribution de faire le point sur la genèse du roman Batouala de René Maran et la genèse de sa préface, rédigée par l’auteur lui-même, sur la base des documents disponibles dans diverses archives pour la période entre fin 1909 (départ de Maran pour l’Oubangui-Chari) et juillet 1921 (publication du roman par Albin Michel à Paris). Seront rappelés les passages les plus significatifs des études remarquables publiées sur ce thème par Léon Bocquet en 1924 et Manoel Gahisto en 1965, puis citées des correspondances encore inédites, notamment en ce qui concerne : 1) les initiatives prises par Maran et/ou Gahisto pour trouver un éditeur parisien ; 2) la rédaction de la célèbre préface ; et 3) la présentation du roman pour l’attribution de prix littéraires – sur instructions de l’auteur, avant son retour précipité en Afrique en février 1921. The point in this contribution is to update what is known about the genesis of René Maran’s novel Batouala and the genesis of its preface, penned by the author himself. On the basis of documents available in various archives, between late 1909 (when young Maran left Bordeaux for the Oubangui-Chari) and July 1921 (when the novel was published by Albin Michel in Paris). The most significant passages of the remarquable studies published on this issue by Léon Bocquet in 1924 and Manoel Gahisto in 1965 will be brought back to memory and followed by a section quoting from hitherto unpublished correspondances with relevance to : 1) initiatives taken by either Maran or Gahisto to find a publisher for the novel in Paris ; 2) the writing of the famous preface ; and 3) the entering of the novel in the competition for literary awards – upon instructions by the author, prior to his precipitated return to Africa in February 1921. Entrées d’index Mots-clés : Batouala ; genèse ; Manoel Gahisto ; Léon Bocquet ; Albin Michel ; préface Keywords: Batouala ; genesis ; Manoel Gahisto ; Léon Bocquet ; Albin Michel ; preface Texte intégral Introduction Fig. 1 : Feuillet tapuscrit, incipit de Batouala le Mokoundji RM_BM_Batouala_Tps1 Il s’agit dans cette contribution de faire le point sur la genèse du roman Batouala de René Maran et sur celle de sa préface rédigée par l’auteur lui-même, sur la base des documents disponibles dans diverses archives pour la période entre fin 1909 (départ de Maran pour l’Oubangui-Chari) et juillet 1921 (publication du roman par Albin Michel à Paris). Cette période a été cruciale pour la formation de l’écrivain qui ne s’était signalé précédemment qu’à l’attention d’un public littéraire français restreint, par la parution d’un premier recueil de poèmes en 19091, mais qui allait acquérir un statut international de véritable mentor « ès lettres noires », entre son installation à Paris en 1924 et sa mort dans la même ville en 1960. 1 Seront cités les passages les plus significatifs des nombreuses correspondances privées de l’écrivain pendant la douzaine d’années concernées, ainsi que des études faisant référence à des documents réunis dans le dossier de carrière de René Maran dans l’administration des colonies en AEF, conservé aux ANOM2. Ces derniers éclairent plus particulièrement les conséquences de la célèbre préface de Batouala3, qui a suscité bien plus de réactions que le roman lui-même, surtout après l’attribution du prix Goncourt en décembre 1921, que certains perçurent comme « scandaleuse ». Mais la présente étude s’arrête en amont de la question complexe – désormais étalée sur un siècle – de la réception de l’œuvre après sa publication en juillet. 2 Beaucoup de références proviennent du fonds « Hommage de Madame Camille René Maran à la République du Sénégal », conservé à la Bibliothèque centrale de l’UCAD de Dakar, dont une grande partie est numérisée et accessible en ligne. Et bien des citations de lettres diverses seront familières à qui connaît deux textes fondamentaux dans la réception de l’œuvre de René Maran : la longue préface de Léon Bocquet pour le conte Le Petit Roi de Chimérie (1924) et « La genèse de Batouala », l’étude de Manoel Gahisto, dédicataire du roman, parue dans l’ouvrage Hommage à René Maran (1965, Présence Africaine). Mais ces deux ouvrages ne sont conservés que dans de très rares bibliothèques4. 3 Par contre, de nouvelles sources archivales – notamment celles des Bibliothèques de la ville de Bordeaux et celles des ayants droit de René Maran5 – sont en cours de numérisation pour un site René Maran mis en ligne sur la page MANIOC des bibliothèques de l’Université des Antilles et de l’Université de Guyane. L’étude génétique détaillée du roman est, elle, en cours pour une autre publication6. Elle pourra s’appuyer sur deux avant-textes connus à cette heure : un manuscrit conservé dans les archives des Bibliothèques municipales de Bordeaux (BBX19104), et un tapuscrit conservé dans le fonds d’archives familiales René Maran. La présente étude se concentre sur les conditions de la rédaction du roman Batouala dans la période 1913-1919, et sur les conditions de son édition et de l’insertion de la préface, entre 1919 et la parution du livre en juillet 1921 avec le sous-titre « Véritable roman nègre » chez Albin Michel. 4 Archives familiales René Maran Partir en 1909, à l’âge de 22 ans pour rejoindre son père dans le service colonial en Afrique a manifestement constitué une grande aventure pour René Maran7 qui laissait sa mère, deux jeunes frères et beaucoup d’amis à Bordeaux où il vivait depuis 15 ans, sans escapade connue en dehors de compétitions sportives. Cette séparation brutale a rapidement suscité une activité intense d’épistolier et les innombrables lettres du jeune homme offrent une mine d’information sur ses activités et ses états d’âme pendant les voyages et séjours qui allaient rythmer sa vie pendant plus de douze ans jusqu’à son retour définitif en France en 1923. Parmi les correspondants figurent André Lambinet, le professeur de lettres de René Maran au Lycée de Bordeaux, qui demeurera l’interlocuteur privilégié pour tout ce qui concerne l’expression poétique, ainsi que Manoel Gahisto et Léon Bocquet (ce dernier, éditeur du premier recueil de poèmes de Maran en 1909), deux hommes que Maran n’avait jamais rencontrés avant son départ, mais qui deviendront de grands amis. 5 Mais il y a aussi ses amis de la « Confrérie de Sainte Poésie », comme se désignait le groupe de jeunes poètes bordelais autour d’André Lafon et d’Auguste Pujolle, dont certains étaient aussi, comme Maran, des amateurs de rugby, de football ou d’escrime. Le ton des lettres est amical, complice et libre – parfois même « déboutonné », comme dans celles adressées au jeune Charles Barailley, connu un soir chez Lambinet pendant le bref séjour de Maran à Bordeaux en 1911. Mais au-delà du style, ce qui ressort de manière frappante des extraits de ces correspondances, cités par Léon Bocquet dès sa préface de 1924 et bien plus tard par Manoel Gahisto, c’est que « l’Afrique a été le creuset de plusieurs 6 La genèse selon Léon Bocquet œuvres »8 de genres divers (poèmes, romans, contes, essais, études littéraires), esquissées en parallèle pratiquement dès l’arrivée de Maran à l’escale de Brazzaville à la fin de 1909. En d’autres termes, loin d’être isolée dans un lieu et un temps spécifiques restreints, la genèse de Batouala s’est opérée sur six longues années au sein de genèses multiples. Si le poète en herbe s’était manifesté dès avant le départ pour l’Afrique, le talent littéraire multiforme qui s’affiche clairement dans la liste de la trentaine d’œuvres publiées par l’écrivain en cinquante ans de carrière, s’est épanoui pendant son séjour en A.E.F., avant même la publication du premier roman qui allait le consacrer – avec bruit et fureur. 7 Dans la préface du Petit Roi de Chimérie, Léon Bocquet fait une synthèse des thèmes qui reviennent dans les correspondances de Maran. Il donne aussi des éléments de biographie pour réhabiliter Maran dont on sait que les qualités d’écrivain avaient été remises en cause par certains qui prétendirent qu’il était « scandaleux » que le Goncourt fût remis à un auteur inconnu, noir de surcroît, qui écrivait mal et osait critiquer la colonisation française alors qu’il faisait partie de son administration. Bocquet rappelle non seulement les prix de grammaire de l’élève Maran mais aussi ce que la grande majorité des amateurs de romans ou lecteurs de journaux en France ignoraient : avant même de partir pour l’Afrique fin 1909, un recueil de poèmes de Maran avait eu l’honneur de paraître dans la « Bibliothèque du Beffroi », chez un éditeur exigeant (lui, Bocquet…) qui venait de quitter Lille pour s’installer à Paris (p. 7-9). 8 Sont alors citées les premières lettres que Maran lui adresse, alors qu’il remonte le fleuve Congo depuis Brazzaville vers son poste à Bangui : « Je vais bien loin. Je suis un peu uploads/Litterature/ rene-maran-geneses-de-la-premiere-edition-1921-de-batouala-veritable-roman-negre-et-de-sa-preface.pdf
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- Publié le Mai 07, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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