revue de cinéma N°34 - 2002 #1 - 10 € ECLIPSES REVUE DE CINEMA • n°34 revue.ecl

revue de cinéma N°34 - 2002 #1 - 10 € ECLIPSES REVUE DE CINEMA • n°34 revue.eclipses@voila.fr Rédacteur en chef : Youri Deschamps Comité de rédaction : Yann Calvet (yann.calvet@worldonline.fr) Thierry Cormier (tcormier@herouville.net) Youri Deschamps (youri.deschamps@wanadoo.fr) Jacky Dupont Jean-Michel Hellio (jean-michel.hellio@wanadoo.fr) Jérôme Lauté (lautejerome@wanadoo.fr) Olivier Marie (omarie@libertysurf.fr) Sandrine Marques (drinemarques@hotmail.com) David Vasse, Maurice Virivau (movirivau@noos.fr) Daniel Weyl (dweyl@wanadoo.fr) Ont participé à ce numéro : Nicole Brenez, Pascal Couté, Damien Detcheberry, Jérôme François, Thierry Jousse, Jean-Luc Lacuve, Philippe Ortoli, Myriam Villain. Secrétaire de rédaction : Youri Deschamps Maquette : sTupalacci & Régis Cotentin PAO : sTupalacci Crédits photographiques : Les clichés et photogrammes sont des photos d’exploitation et/ou issus de collections personnelles. Impression : Groupe CORLET Distribution en librairie : Dif’ Pop’, 21 ter, rue Voltaire, 75 011 Paris Sommaire I. Ouverture (et passages) 02......David Lynch, l’écran omnivore YOURI DESCHAMPS 04......Meraviglia et complexe de Corvick YOURI DESCHAMPS 10 ......Lynch en cinq notes THIERRY JOUSSE 14 ......“David Lynch, c’est un ami qui m’emmène dans son monde” entretien avec CATHERINE BREILLAT DAVID VASSE 20......Lynchien JÉRÔME FRANÇOIS II. (Get) Lost Stories : free replay 26......Mulholland Drive, un film-rêve : jouissance douloureuse du mystère MYRIAM VILLAIN 36......A peine eut-elle franchi la route : éléments pour une (re)lecture de Mulholland Drive PASCAL COUTÉ 48......Éclairer Lost Highway avec Mulholland Drive JEAN-LUC LACUVE 54......Songe autophage : David Lynch via Maya Deren (Mulholland Drive, Meshes of the Afternoon) NICOLE BRENEZ III. Décor acteur, des corps acteurs 58......La chambre noire (Elephant Man) JEAN-MICHEL HELLIO 72 ......Doubles et doublures : de la variation du même et de l’autre YANN CALVET 80......Trouble in Paradise : chromo-zone et organi-cité (Blue Velvet et Straight Story) YOURI DESCHAMPS 84......L’origine du monde selon David Lynch : une cosmogonie du chaos SANDRINE MARQUES 92......Les choses derrière les choses : une série, un générique (Twin Peaks) DAMIEN DETCHEBERRY 96......Twin Peaks, un prototype en série STEFAN PELTIER 108.....Tragédie des origines, origines de la tragédie (Twin Peaks, Fire Walk With Me) JÉRÔME LAUTÉ 122.....Circularité infernale (Fire Walk With Me) YOURI DESCHAMPS 124.....Un jeu brutal (Sailor et Lula) DAVID VASSE 126.....L’expérience du feu MAURICE VIRIVAU 132.....À la recherche de l’image perdue PHILIPPE ORTOLI Rédaction : Eclipses La Houdière, 14350 Le Bény-Bocage Tél. 06 81 46 18 22 Abonnements : Eclipses La Houdière, 14350 Le Bény-Bocage Tél. 06 81 46 18 22 La rédaction reçoit les textes. Les manuscrits ne sont pas rendus. Les articles n’engagent que leurs auteurs. La copie (reproduction partielle ou intégrale) faite par quelque procédé que ce soit sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon. Imprimé en France Dépôt légal au numéro ISSN N° 1279-6395 Remerciements : Photothèque du Cinéma Lux, Café des Images Catherine Breillat, Nicole Brenez, Thierry Jousse, Jean Mottet, Stefan Peltier et sTup-Man (+Master). Revue publiée avec le concours du Centre National du Livre David Lynch, liécran omnivore Dossier coordonné par Youri DESCHAMPS Aborder le cinéma de David Lynch, c’est pénétrer un monde dans lequel l’étrange le dispute au fascinant ; c’est aussi franchir le seuil d’un univers doté de ses propres dimensions, où l’auteur y a déposé son temps et son espace particu- liers, sa population hétéroclite, sa collection d’objets et ses mythes issus d’origines diverses. Car l’image selon Lynch se nourrit de tout pour atteindre l’autonomie créative et la singularité presque scandaleuse d’un regard en liberté, dégagé in fine de toute surveillance externe. Un regard moderne en somme, en révolution per- manente, qui s’anime au cœur du monde qui l’entoure et le concerne. Idéalement omnivore, nourri du trivial et de l’expérimental, du chromo comme de l’avant-garde, l’écran lynchien regarde le spectateur dans les yeux, lequel s’y engouffre et s’abandonne à une sorte d’Éros de l’interprétation, sans aucune limi- te apparente ou qu’il ne faille dépasser. En effet, bien que le “ Lynch-land ” possède parfois les apparences familières de la cité bon teint, ceux qui aiment y séjourner ont appris à ne pas s’en rassurer. Car l’architecte des lieux, en ciné-plasticien démystificateur, aime à peindre l’en- fer du décor d’une Amérique hallucinée. David Lynch est un authentique icono- claste, doublé d’un iconolâtre retors, pour qui l’image est le sujet qu’il faut mal- traiter - l’image et les aventures de la représentation, images du dedans et du dehors, projections intérieures et captations de l’objectif -, quitte à distordre et à déstabiliser tous les repères (esthétiques, psychologiques et narratifs), à fragiliser les frontières qui séparent normalement le principe d’observation objective de la perception subjective d’une réalité monstrueuse et dissimulée à dessein. Sinueuse et tout en relief, riche d’un itinéraire visuel et sonore tout juste balisé, la géographie lynchienne est l’une des plus passionnantes à explorer, pourvu que l’on accepte de s’y perdre sans la garantie de s’y retrouver. Après la sortie de Mulholland Drive et alors que Lynch s’apprête à rejoindre le Festival de Cannes en la qualité de Président du Jury, l’heure est propice à l’examen, au passage en revue d’une filmographie toujours neuve malgré la somme de commentaires qu’elle appelle presque naturellement. Y.D. I. Ouverture (et passages) La pratique assidue des salles de cinéma connaît ses périodes de routine. Il arrive que semaine après semaine, les films en chas- sent d’autres sans laisser beaucoup de traces durables de leur passage. Comme un impôt à payer aux grandes heures. Pour beaucoup, Mulholland Drive a mis fin à l’une de ces phases d’ato- nie cyclique. Quelque chose s’est produit, cela s’est vu et enten- du ; le dormeur s’est réveillé d’un bond pour rassurer : l’hallali ne sera pas sonné. Envie d’y retourner voir tout de suite, pour vérifier une intuition, s’assurer d’une prise et décider d’un che- min pour la fois prochaine. La sortie du dernier film de Lynch fut en effet accompagnée d’une véritable ivresse de commen- taires, que les visions multiples sont rarement venues tarir. Lost Highway avait déjà suscité pareil engouement actif ; l’opacité du mystère et la déroute sensorielle avaient trouvé une réponse adé- quate dans la ferveur et l’implication du public. Avec Mulholland Drive, il semble qu’un degré de plus ait encore été franchi : à en juger par les réactions diverses, le film appartient autant au spec- tateur que ce dernier lui appartient. L’un et l’autre sont insépa- rables. Grandeur du cinéma que de redonner sa place à celui qui regarde : foyer réel, et non pas cible virtuelle des images. L’expérience précède le sens. Il faut remonter assez loin dans le temps pour trouver relation semblable et tout aussi visible, vérifiable à l’oreille. Il faut retour- ner à Hitchcock, qui fut dans les années 50 un cinéaste très apprécié ainsi que le héros d’une jeune critique en herbe qui allait donner tout son éclat à une sérieuse revue jaune. Comme Lynch aujourd’hui, le cinéma d’Hitchcock a cristallisé tous les fantasmes de cinéphile et fourni le terrain propice à leur assou- vissement. On a vu beaucoup de choses dans ses films, et pour bien les lire, on s’est autorisé le délire. Avec Lynch, la pratique s’est en quelque sorte “démocratisée” et s’est étendue à la majori- té des spectateurs, alors qu’elle n’était jadis le fait que de quelques précoces initiés. Qui, en effet, ne s’est pas fendu de son analyse de Mulholland Drive, à l’exception de ceux qui le rejette d’un bloc ? Personne. On objectera peut-être la comparaison Meraviglia et complexe de Corvick 4 Youri DESCHAMPS avec Hitchcock en arguant du fait que tout, dans les films récents de Lynch, vise à cette disposition particulière. On répondra ceci : pas plus que Psycho, Rear Window ou Vertigo surtout. En suivant les affres de Scottie Ferguson comme ceux de Diane Selwyn, le spec- tateur se trouve projeté au cœur d’un dispositif formel et plas- tique du même ordre, qui lui échappe et auquel il s’abandonne d’abord par pur plaisir. Chez l’un comme chez l’autre cinéaste, l’expérience précède le sens et y donne accès. Sans aller jusqu’à transformer David Lynch en Hitchcock du deuxième siècle du cinéma, on doit toutefois considérer avec tous les égards le contenu de la valise patronymique “hitchcocko-lynchienne”. Comment peut-on être hitchcocko-lynchien ? Dans un texte du mythique Hors-série n°8 (1980) des Cahiers du cinéma, Jean Narboni notait ceci : “si aux commentateurs fran- çais d’Hitchcock, tout est apparu comme signe dans ses films, c’est peut-être parce qu’aux yeux des héros hitchcockiens eux- mêmes tout fonctionne comme signe : objets, paysages, figures du monde et visage d’autrui, parce que ces héros, être de désir essentiellement, n’y sont pas seulement mus par des affects ou des sentiments, mais par une passion interprétatrice et une fièvre de déchiffrement qui peut aller, dans les plus grands films, jus- qu’au délire de la construction d’un monde mettant à mal le principe de réalité”. Cette dernière remarque pourrait tout aussi bien s’appliquer telle quelle au cinéma de David Lynch. Mais lorsqu’on regarde l’évolution de sa filmographie, on s’aperçoit que la “passion interprétatrice”, la “fièvre du déchiffrement” qui était d’abord commune au personnage et au spectateur, s’est ensuite déplacée au profit du deuxième. Jeffrey Beaumont (Blue velvet), détective amateur, et Dale Cooper uploads/Litterature/ revue-eclipses-n34-david-lynch.pdf

  • 11
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager