Revue française de pédagogie Recherches en éducation 192 | juillet-août-septemb
Revue française de pédagogie Recherches en éducation 192 | juillet-août-septembre 2015 Face aux mutations des marchés de l’emploi, quelles politiques de formation ? VYGOTSKI Lev. Histoire du développement des fonctions psychiques supérieures Traduit du russe par F. et L. Sève. Paris : La Dispute, 2014, 600 p. Christophe Joigneaux Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/rfp/4872 ISSN : 2105-2913 Éditeur ENS Éditions Édition imprimée Date de publication : 30 septembre 2015 Pagination : 154-156 ISSN : 0556-7807 Référence électronique Christophe Joigneaux, « VYGOTSKI Lev. Histoire du développement des fonctions psychiques supérieures », Revue française de pédagogie [En ligne], 192 | juillet-août-septembre 2015, mis en ligne le 30 septembre 2015, consulté le 02 janvier 2020. URL : http://journals.openedition.org/rfp/4872 © tous droits réservés Revue française de pédagogie | 192 | juillet-août-septembre 2015 154 en retire – la conviction que l’ouverture de l’histoire- géographie à ces disciplines, son enrichissement par les nouveaux savoirs de la société, sont devenus néces- saires. C’est une question récurrente depuis lors, on en conviendra, quoiqu’elle restera longtemps sans solu- tion concrète – on la retrouvera clairement posée par la commission Braudel de 1968-1969, à laquelle Louis François sera également associé. Une autre préoccupation que Louis François assume de manière « innovante » concerne l’éducation sexuelle, au sujet de laquelle il a été chargé d’un important rap- port après la guerre, suite à un arrêté ministériel de mars 1947 (ce texte est analysé par Régis Revenin dans l’article « De l’éducation sexuelle : le rapport de 1948 »). Mais une intervention encore plus remarquable porte sur l’ins- truction civique, que Louis François a entrepris de renouveler, à destination des lycéens. Personne n’ignore que ce problème est lui aussi toujours posé de nos jours, et dans les mêmes termes. Certes, en ce domaine comme dans les autres, nous explique Jean-Paul Martin (dans l’article « Éducation civique et tradition républi- caine »), les discussions et les projets ne furent pas tou- jours suivis d’effets ; mais si l’on considère les encoura- gements réitérés de Louis François auprès des profes- seurs et ses incitations à reprendre certaines démarches des méthodes actives (enquêtes, travaux de groupes, etc.), on s’aperçoit que, sur ce terrain du civisme, de telles interventions ont promu une véritable alliance, substan- tielle, et encore à l’ordre du jour (même si elle est d’avance refusée par certains courants hostiles), des valeurs républicaines et des principes de l’Éducation populaire et de l’Éducation nouvelle. Tout aussi significative est donc l’entreprise de Louis François sur le terrain des méthodes d’enseignement. L’ensemble des études proposées dans ce livre dessine bien, en effet, sa prédilection pour l’Éducation nouvelle, jamais démentie depuis sa précoce adhésion au scou- tisme, et qu’il a donc investie dans les différents secteurs et aux différents moments de son activité pédagogique, au risque, comme l’indique le titre de l’ouvrage, de brouiller certaines « frontières » c’est- à-dire aussi de se positionner au bord de cet ordre scolaire qu’il avait offi- ciellement mission de protéger. Dès les années 1930, Louis François situe sa réflexion d’enseignant et de pédagogue dans ce cadre qui promeut le collectif, le travail en équipe, la coopération, comme le montre un article publié en 1937 dans l’Information pédagogique sur « Le système d’équipe dans une classe d’histoire et géographie de lycée de garçons » (l’une de ses classes, à Marseille). C’est d’ailleurs ce qui le fait approuver les réformes de Jean Zay, qui prônent ces méthodes notam- ment au travers de l’instauration des loisirs dirigés, en 1937. Plus tard, comme inspecteur général d’histoire et géographie, on voit Louis François faire valoir auprès des professeurs les mêmes références, qu’il a lui- même expérimentées dans sa pratique (sans toutefois renon- cer au cours magistral pour les grands élèves). Un des constats très utiles et stimulants que ces études nous conduisent donc à faire, c’est celui de la possibilité d’une synthèse des valeurs républicaines, de l’Éducation populaire et des techniques de l’école active – principes modérément et prudemment affir- més en l’occurrence. Est- ce que cette synthèse n’aura été possible que dans les conditions de l’après- guerre et des années 1960 et 1970 ? Voilà l’un des intéressants débats que ce livre pourrait donner l’occasion d’ouvrir. François Jacquet-Francillon Université Charles- de-Gaulle-Lille 3 VYGOTSKI Lev. Histoire du développement des fonc- tions psychiques supérieures, traduit du russe par F. et L. Sève. Paris : La Dispute, 2014, 600 p. Cette traduction d’un des textes majeurs de Lev S. Vygotski, que l’on doit à Françoise et Lucien Sève, est un apport précieux pour qui s’intéresse aux dimen- sions culturelles du développement de l’enfant. En effet, bien que ce texte soit antérieur à l’ouvrage de référence du même auteur, Pensée et Langage, et qu’il soit à certains égards moins abouti et plus difficile à lire que ce dernier, il constitue une des présentations les plus complètes non seulement de ses principales orientations et références théoriques, mais aussi, et peut- être surtout, de quelques- unes de ses implica- tions méthodologiques et mises en œuvre empiriques (Van Der Veer & Valsiner, 1991, p. 188). L’ouvrage, de près de 600 pages, introduit par une mise en perspective très éclairante de Lucien Sève, se présente en deux parties : les cinq premiers chapitres, qui font la moitié du livre, présentent les grandes lignes de l’approche « historico- culturelle » (même si cette expression n’est pas de Vygotski) du psychisme humain ; les dix autres des analyses de données concer- nant les processus culturels par lesquels « les fonctions psychiques supérieures » se développent. Auxquelles 155 NOTES CRITIQUES viennent s’ajouter deux annexes comprenant deux textes qui n’avaient pas été encore intégralement tra- duits en français. Ce qui rend la lecture de cet ouvrage parfois ardue est le relatif cloisonnement de ces deux parties, dont les développements ne se font que peu explicitement écho, ce qui donne l’impression qu’ils n’ont pas été écrits dans le même mouvement. Tel semble avoir été le cas, d’après ce que l’on sait, de sources plus ou moins sûres, de leurs dates respectives d’écriture : les textes composant la seconde partie, pro- bablement écrits ou prononcés entre 1927 et 1929, seraient antérieurs à ceux de la première partie, puisque ceux- ci ont sans doute été rédigés entre 1929 et 1931. En outre, certains de ces textes n’ont pas été relus ni même achevés ; certains d’entre eux semblent avoir été ajoutés sans que l’on soit sûr que cela corresponde au projet de Vygotski. Ce qui pourrait en partie expliquer pourquoi cet ouvrage n’est jamais paru de son vivant et qu’il ait fait ensuite l’objet de tant d’éditions tron- quées, dont une des plus connues est Mind in Society (cf. l’introduction de L. Sève pour plus de précisions). Bien qu’abscons, le titre de cet ouvrage est assez évocateur de ce qu’il renferme. Histoire du développe- ment en premier lieu : cette expression reflète bien à la fois la conception qu’avait Vygotski du développe- ment et sa façon de l’appréhender. Plutôt que de le caractériser négativement et quantitativement, par ce qui manque à l’enfant par comparaison avec l’adulte (p. 272), il faut, selon lui, en étudier la « singularité posi- tive », autrement dit « toutes les modifications et trans- formations qualitatives qui remodèlent le comporte- ment de l’enfant » (p. 271). Donc rompre avec le préfor- misme latent des approches seulement quantitatives du développement, encore très fréquent aujourd’hui (Nelson, 2007, p. 3-7), et qui consiste à ne considérer l’enfant que comme un adulte miniature, doté à la nais- sance de toutes les qualités de ce dernier, qui ne demandent donc qu’à s’accroître. Ce type d’approche ne conçoit le développement de l’enfant qu’à l’aune de la « croissance » et de « la maturation » (p. 274) de formes psychiques censées être universelles et néces- saires, voire innées. Vygotski voit dans cette concep- tion du développement « détaché de l’histoire » (p. 105) un des symptômes de la « maladie de l’anti- historicisme » (p. 101) qui conduit à édicter des lois psychologiques à portée universelle, aveugles à leur caractère socio- historiquement situé, alors qu’elles « ne valent que pour [...] l’enfant de notre époque » (p. 102), voire pour « l’enfant européen d’aujourd’hui issu d’un milieu cultivé » (p. 103). Or c’est précisément ce qui caractérise ce qu’il qua- lifie de « fonctions psychiques supérieures » : contrai- rement aux autres fonctions psychiques (qu’il qualifie d’« inférieures », voire de « naturelles »), elles ne peuvent se développer indépendamment du « processus d’ac- quisition des moyens externes » (langage, écriture, calcul, dessin...) qui constituent une culture donnée (p. 113). Plusieurs de ces fonctions psychiques et moyens culturels font l’objet de chapitres particuliers : le langage oral (chapitre 6), le langage écrit (chapitre 7), les opérations arithmétiques (chapitre 8), l’attention (chapitre 9), les fonctions mnémotechniques (cha- pitre 10), la pensée (chapitre 11). Mais, comme le montrent plus clairement les derniers chapitres (12 à 15) de la seconde partie, chacune de ces fonctions psy- chiques supérieures se développe non seulement en fonction du degré de maîtrise des moyens culturels mis à la disposition uploads/Litterature/ rfp-4872-pdf.pdf
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- Publié le Mai 09, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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