UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et litt

UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et littératures françaises et romanes LE ROMAN SENTIMENTAL Pourquoi lit-on le roman sentimental ? STOCKMANS Travail réalisé dans le cadre du cours : Cécile Séminaires et rédactions de textes scientifiques ROMA-B-312 ANNÉE ACADÉMIQUE 2006-2007 2 Avant-propos La littérature et la paralittérature sont fortement liées : la littérature n’existe que parce qu’il y a de la paralittérature. Un article d’Yves Reuter, professeur de didactique du français à l’Université de Lille III, Littérature/ Paralittératures : classements et déclassements nous dit premièrement qu’ « elles sont constituées par des pratiques, des objets, et des agents communs ou similaires : éditeurs, auteurs, lecteurs, bibliothécaires, écriture, lecture, livres, librairies... ; deuxièmement « elles sont aussi matérialisées par des organisations textuelles proches ou identiques : le système générique, la narrativité, le caractère fictionnel…» ; et troisièmement elles occupent « un espace commun »1. Malgré leur proximité, on sépare la littérature avec un grand « L » et une autre plus petite, une littérature légitimée et une autre qu’on ne considère pas. Cela vient d’une mentalité française. Aux USA, on ne le retrouve pas. La paralittérature se caractérise par sa production élargie. Elle vise le grand public et les couches populaires. Elle a un corpus énorme : policier, science-fiction, roman sentimental,… Nous constatons dès lors différentes thématiques. Bien qu’aujourd’hui certains genres paralittéraires ont gagné en légitimation, le roman sentimental continue lui à être dénigré. Le roman sentimental rencontre d’emblée une difficulté par rapport à ses terminologies. En effet tantôt on le dénomme « roman sentimental », tantôt « roman d’amour » ou encore « roman à l’eau de rose ». Le terme le plus souvent utilisé est le roman à l’eau de rose c’est-à-dire mièvre. Dans ce présent travail, nous utiliserons le terme de « roman sentimental ». Différentes thèses se disputent son origine : en France, on le rattache à la légende de Tristan et Yseut ; on parle aussi d’une production anglo-saxonne qui débute avec Samuel Richardson et son œuvre Pamela c’est-à-dire au XVIIIe siècle, une troisième dit qu’elle est issue du roman feuilleton datant de la fin du XIXe siècle. Étant donné qu’il s’agit de romans anglo-saxons pour la plupart, beaucoup de traductions existent. Nous trouvons différents éditeurs francophones de romans sentimentaux : Harlequin, J’ai Lu, Nouvelle Mensuelle de Nous Deux, Fascicule mensuel « Le Roman en Or » des Éditions Marken et certains romans de Belfond, Pocket, Les Presses de la Cité, Éditions de la Seine et France Loisirs. Harlequin domine certainement le genre. Il voit le jour en mai 1949 et commence par publier des romans policiers et d’aventures. En 1957, il publie son premier roman sentimental The Hospital in Buwambo d’Anne Vinton. Puis il prend de l’expansion et multiplie ses collections et ses sous-genres. En 1984, Harlequin rachète sa 1 REUTER Yves, Littérature/ Paralittératures : classements et déclassements, Liège, Éditions du C.L.P.C.F., 1992, p. 39 3 principale concurrente Simon and Shuster et devient le plus grand éditeur de romans sentimentaux au monde et par conséquent sera un grand rival pour d’autres éditeurs. Le roman sentimental est une histoire d’amour qui suit un schéma de base. Julia Bettinotti, professeur à l'université Laval où elle est également membre du Centre de recherche en littérature québécoise et professeur honoraire à l'Université du Québec à Montréal, a établi une fiche d’identité du roman Harlequin type. Le scénario est simple: un homme rencontre une femme. Les motifs stables sont 1° la rencontre, 2° la confrontation polémique, 3° la séduction, 4° la révélation de l’amour et 5° le mariage. Sur ce schéma fixé, des variantes peuvent se faire. Les « guidelines » ou schémas de base sont prêts à le modifier. Ainsi, ce n’est pas contraignant. La variation est importante. C’est ce que les lecteurs recherchent. Beaucoup de critiques (les intellectuels et les féministes) visent le roman sentimental et accusent surtout leur réussite financière. Ce qu’ils critiquent également, ce sont les « guidelines ». On reproche aussi le côté rétrograde : elle enferme la femme dans sa condition de mère et d’épouse, l’associe à l’amour et l’emprisonne dans les sentiments. On lui reproche d’être un genre stéréotypé mais le stéréotype ne se retrouve-t-il pas aussi dans la Grande Littérature ? On dit que c’est une lecture dangereuse pour les lectrices : elle ferait croire au prince charmant. Le paratexte (couvertures, titres, numéros d’astrologie à la fin du livre…) est très critiqué. Les fautes d’orthographe sont aussi sujettes à réprobation. Les intellectuels et les féministes en parlent en ces termes et incitent peut-être les gens à penser de même. Il est vrai que le contexte est un monde rose mais l’objectif n’est-il pas de faire évader les lecteurs ? De plus, l’important dans un roman sentimental, ce sont les sentiments. Le but est de parler d’amour. Le problème c’est qu’on n’interroge pas les lecteurs. C’est avant tout une lecture féminine mais elle compte aussi des hommes. Bien qu’à la télévision et au cinéma, les comédies romantiques ne dérangent pas, dans un livre au contraire cela perturbe parce que le livre est un objet sacré. Ce qui gêne c’est l’amour. De moins en moins de publicité est faite autour du roman sentimental. On peut dès lors se demander comment les lecteurs viennent aux romans sentimentaux ? Les auteurs sont aussi des lecteurs. Nous avons une complicité entre les auteurs et les lecteurs. Les lecteurs ne donnent pas une image positive du genre. Souvent on pense à des lecteurs populaires, âgés, qui n’ont pas fait beaucoup d’études… Pourtant on compte aussi des intellectuels ! Nora Roberts est un auteur qui a percé. Elle a su donner des approches nouvelles sur le genre. Elle mêle saga sentimentale avec de la science-fiction et du policier. 4 Des sondages et des questionnaires de satisfaction sur le site internet d’Harlequin existent. Il faut plaire au public. Le but est de vendre. Ce n’est pas toujours évident de délimiter la frontière entre différents genres paralittéraires. Les frontières peuvent être floues. Des auteurs comme Mary Higgins Clark et Sandra Brone illustrent bien ce problème. Il y a aussi une mise à distance dans le roman sentimental : parodie/ autodérision, caractéristique de la grande littérature. Que placer dans le roman sentimental ? Ce n’est pas toujours si facile. Et si c’était vrai de Marc Levy ne peut-il pas être considéré comme un roman sentimental ? Le roman sentimental dégage une idéologie : il défend les sentiments. C’est une représentation imaginaire de l’amour. L’amour est valorisé et une fois obtenu, il reste intact. L’amour est unique. Il se rapproche des contes de fées par son schéma narratif, par l’idée du destin et son happy end. Cela a-t-il un impact sur sa lecture ? Nous remarquons trois caractéristiques par rapport à l’idéologie : la destinée (les héros étaient destinés l’un à l’autre), la complémentarité des héros (les contraires s’attirent), l’unicité de l’amour (l’amour unique et éternel). Faisant partie d’une littérature de masse, il suit son temps. Une certaine morale conservatrice s’y trouve : on ne rencontre pas d’avortement, pas d’adultère, pas de sexe gratuit (il est justifié par l’amour). C’est une morale puritaine (mentalité américaine). On ne peut pas choquer. Est-il méprisé à juste titre ? La culture lettrée défend son bastion. Mais doit-on le rejeter ? Pourquoi est-il critiqué ? Pour son idéologie ? Les intellectuels et la presse féminine s’en moquent. Doit-il mériter son sort ? Ne donne-t-il pas une image positive de l’amour ? 5 Introduction Face au vaste champ qu’offre le roman sentimental, nous limiterons le corpus et nous tenterons de répondre à la question : Pourquoi lit-on le roman sentimental ? Le roman sentimental est basé sur l’émotion et sur le pathos. C’est dès lors une lecture émotionnelle. Il y a une coopération avec le texte, aussi dans les scènes plus sensuelles. C’est un roman qui agit sur l’imaginaire féminin. Nous rechercherons les motifs de lecture. On parle souvent d’une lecture d’évasion. Si la fonction de la lecture sentimentale est l’évasion, pourquoi les lecteurs se dirigent-ils précisément vers le roman sentimental et non vers un autre genre comme par exemple le roman policier ? Mais on peut y voir aussi peut-être une lecture thérapeutique. Ces motifs sont-ils déterminés par des étapes existentielles ? La place accordée au roman sentimental est- elle la même que celle attribuée à d’autres lectures ? Quand prend-elle place ? Pourquoi des lecteurs relisent-ils ? Au fil du temps, y a-t-il des périodes où des lecteurs lisaient plus et d’autres moins et pourquoi ? Les motifs qui font qu’on lit des romans sentimentaux évoluent- ils avec le temps ? Qu’est-ce qui se cache derrière cette lecture ? On dit que c’est une pratique plus féminine : pourquoi ? Permet-elle un renforcement identitaire ? A-t-elle une fonction initiatique ? Elle serait alors une sorte de guide psychologique qui répondrait à certaines de leurs interrogations au sujet de leurs relations amoureuses. 6 Méthodologie Dans le cadre de ce travail, nous avons établi une enquête contenant dix-huit entretiens avec des lecteurs du roman uploads/Litterature/ roman-sentimental.pdf

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