LE REALISME EN LITTERATURE De tout temps, et bien avant que le terme « réalisme
LE REALISME EN LITTERATURE De tout temps, et bien avant que le terme « réalisme » n’apparaisse, on a réfléchi au rapport que la littérature entretient avec la réalité. Dés l’Antiquité, Aristote définit l’art comme « mimésis », c’est-à-dire comme une imitation de la nature, inaugurant une réflexion qui accompagne la littérature occidentale toute entière – la préoccupation mimétique et la question de la vraisemblance sont déjà au cœur de l’esthétique classique, mais qui s’identifie plus particulièrement au mouvement réaliste-naturaliste, et à son principal outil le roman, qui a accompagné l’essor de la société industrielle au XIXème, et qui invente et met en forme une nouvelle sensibilité au réel. Réalisme et Naturalisme : le réel comme projet de l’écrivain Apparu en France dans la seconde moitié du XIXème siècle, le réalisme entend tourner le dos à l’esthétique de la génération précédente, celle des romantiques, et avance de nouvelles valeurs : la fidélité au réel, la prise en compte des « basses classes » et la volonté d’être moderne. Aux images et au langage faux du romantisme, les réalistes opposent une représentation exacte, vraie. D’un point de vue historique et esthétique, le réalisme français du XIXème siècle se fonde sur trois références qui correspondent à trois générations. - Un premier réalisme s’identifie à la figure de Balzac et à sa production romanesque massive qui prend fin aux alentours de 1848 et qui sert de socle à tout le roman du XIXème siècle. - Un second réalisme correspond à la génération des frères Goncourt et de Flaubert. - Enfin, un troisième réalisme, des années 1868-1890, s’apparente à l’école naturaliste, qui transpose au roman la méthode expérimentale, et à son chef de file Emile Zola, qui théorise davantage le mouvement pour en faire une doctrine que l’on peut résumer en quelques termes : déterminisme, hérédité, observation, expérience. Ces trois références se déterminent mutuellement, chacune étant redevable de celle qui l’a précédée dans le temps, et constituent la base de l’école réaliste. L’écriture réaliste se conçoit comme image du réel, dans la préface de Germinie Lacerteux (1864) les Goncourt donnent le ton : « Il nous faut demander pardon au public de lui donner ce livre, et l’avertir de ce qu’il y trouvera. Le public aime les romans faux : ce roman est un roman vrai. ». L’auteur réaliste se pose bien en opposition aux canons esthétiques en vigueur et définit le roman comme représentation de la réalité sociale et historique, privée de toute idéalisation. Le romancier réaliste a à cœur d’éliminer tout ce qui peut diminuer la croyance, comme un excès de fiction, les invraisemblances et autres failles. La vérité est l’exigence première des réalistes. A ce titre, pas de construction romanesque sans la constitution d’une sorte d’archive et qui forme souvent une œuvre préliminaire : carnets de travail de Flaubert, Journal des Goncourt, carnets d’enquête de Zola, qui sont un formidable magasin d’observations, préalable essentiel à l’écriture. Il est entendu que l’écrivain réaliste- naturaliste a besoin de voir pour écrire, le regard est une modalité du projet réaliste. Ainsi le réel vu, pris sur le vif, se trouve consigné dans les notes ou calepins de l’écrivain. A cette façon de voir s’associent des façons de sentir et d’écrire. La littérature apparaît comme un moyen de connaissance, l’écrivain réaliste est destinateur de savoirs – le recours à la science règle non seulement un souci méthodologique, mais il est aussi garant d’honnêteté et d’objectivité, il entend dévoiler l’envers des choses et du jeu social, le désir de faire voir n’aura pas de limites. Tout le réel est à dire, y compris les tabous sociaux comme l’argent et le sexe, de nombreux romanciers choisissent d’ailleurs la figure de la prostituée comme personnage principal, notamment les Goncourt avec Germinie Lacerteux et Zola avec Nana (1880), romans alimentés du discours sociologique et médical de l’époque. Tous les sujets humains et toutes les classes sociales peuvent prétendre à la représentation, dans la préface de L’Assommoir (1877), Zola affirme qu’il s’agit là du « premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l’odeur du peuple ». Le peuple a désormais droit au roman et l’on assiste à un changement complet de perspective et à un recentrage du roman autour de la partie de la société restée à la périphérie de la représentation, afin de l’éclairer d’une lumière plus vraie. Représenter le peuple, c’est-à-dire précisément le faire voir et le faire parler. Balzac décrit davantage le monde de l’aristocratie et, de plus en plus, le règne de la bourgeoisie, en suivant d’ailleurs le mouvement du siècle ; Zola en revanche donne au peuple une grande place dans ses romans, dans Germinal (1885) par exemple il nous fait le récit d’une grève où le premier rôle revient à la population ouvrière, sujette aux images animales et traitée comme un sujet collectif, c’est-à- dire en bloc. On montre certes des turpitudes sociales, on ouvre des plaies, mais en vue d’y apporter des remèdes. La représentation du peuple est un critère de réalisme de l’œuvre, qui rejoint la réalité de l’époque. Cette époque, empreinte d’industrialisation et de modernisme, est dominée par la bourgeoisie, qui met fin dans le sang aux illusions républicaines de 1848 et qui reprend les commandes à la fin de Germinal ; dans le même temps, la pression des masses populaires s’affirme comme une réalité et une menace. Zola examinant à la loupe un de ses personnages Caricature d’André Gill publiée en 1876 dans l’Eclipse L’intégration du contemporain s’impose aux réalistes comme un devoir, le sous-titre des Rougon-Macquart « Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le second Empire » montre bien comment l’histoire surdétermine le roman quant à son rapport au temps. Le sens historique se mesure d’abord à la présence effective de l’histoire dans une œuvre et à sa manifestation. Celle-ci se concrétise dans des dates et des événements appartenant à une mémoire collective, et qui peuvent être disposés au centre de la fiction comme c’est le cas dans L’Education sentimentale de Flaubert (1869) pour la révolution de 1848 ou dans La Débâcle de Zola (1892) pour la guerre de 1870. L’histoire est alors à envisager non seulement comme ingrédient ou élément du décor mais aussi comme dimension constitutive de la fiction. Il ne s’agit pas seulement de décrire l’envers de l’histoire contemporaine, ni d’inventorier les mœurs, mais de remonter aux raisons des effets sociaux et aux principes mêmes de la société. Le romancier prétend compléter l’histoire officielle en se chargeant du versant privé. Ainsi, l’histoire de l’époque, de la génération s’inscrit dans la trame d’une histoire individuelle. La dimension biographique est essentielle, mais ce n’est pas l’histoire d’un héros, le roman naturaliste « fatalement tue le héros » observe Zola, en tant qu’il refuse le romanesque. Les personnages du roman réaliste n’appartiennent plus à des types généraux et abstraits, ce sont désormais des individus particuliers, qui pour être individualisés sont placés dans un lieu et dans un temps précis. Ce sont des personnages du quotidien, déterminés notamment par l’époque, le milieu et l’hérédité ; l’individu est immanquablement confronté au jeu des forces économiques et sociales, ce qui forme le sujet de fond de la plupart des histoires réalistes. Ainsi, le projet réaliste peut être envisagé comme volonté de contact rude avec l’actualité, objectivation d’un monde devenu familier et saisi dans sa matière, intégration de toute classe et tout milieu, dimension biographique et modernité. Flaubert disséquant Emma Bovary, caricature de Lemot, 1869 Le roman réaliste et ses caractéristiques : esthétique et poétique La littérature réaliste et naturaliste s’incarne dans un certain genre littéraire : le roman. Celui-ci conquiert, à partir des années 1830, une certaine dignité littéraire, en même temps qu’un public de plus en plus large. C’est à ce moment également que commence à se développer une littérature de masse, avec notamment les publications périodiques et les quotidiens qui ouvrent leurs colonnes aux écrivains au travers de feuilletons ; tout cela concourt à promouvoir le roman comme genre littéraire majeur. Délivré de toute convention, il est libre d’emprunter ses sujets à la réalité contemporaine, pour les Goncourt il constitue « la grande forme sérieuse, passionnée, vivante de l’étude littéraire et de l’enquête sociale ». La plupart des romans réalistes sont écrit au passé et à la troisième personne, ils relèvent de ce qu’on appelle la narration ultérieure. Pour Victor Hugo, le roman « est un vaste miroir reflétant le genre humain pris sur le fait à un jour donné de sa vie immense », ce qui le rend le plus apte à concrétiser le projet réaliste. Ce projet nécessite un pacte de lecture entre un auteur-destinateur et un lecteur- destinataire, et qui présuppose un « cahier des charges » défini par Philippe Hamon selon plusieurs présupposés : - Le monde est riche, divers, foisonnant, discontinu, etc. - Je peux transmettre une information, lisible et cohérente, au sujet de ce monde - La langue peut copier le réel - La langue est seconde par rapport au réel, elle l’exprime, elle ne le crée pas, uploads/Litterature/ romani-taxa-all0717 1 .pdf
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- Publié le Fev 22, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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