1 Séquence péda go gique pour une classe de Pre mière François Mauriac Thérèse

1 Séquence péda go gique pour une classe de Pre mière François Mauriac Thérèse Desqueyroux Le Livre de Poche no 138 Intro duc tion Roman bref et pre nant, Thérèse Desqueyroux est construit sur les ques tions que se pose l’héroïne, ques tions qui jusqu’à la der nière ligne demeurent sans réponse pour elle, pour le lec teur et peut- être même pour l’auteur : « Pour quoi Thérèse Desqueyroux a- t-elle voulu empoi son ner son mari ? Ce point d’inter ro ga tion a beau coup fait pour rete nir au milieu de nous son ombre dou lou reuse », écrit Mauriac dans Le Roman cier et ses per son nages1. Pas de vrai héros de roman qui ne comporte quelque chose d’énig ma tique. « Où est le commen cement de nos actes ? » (p. 36) dit Thérèse, qui s’épuise, comme sur le divan de l’ana lyse, dans la quête anxieuse et ten due d’une vérité secrète, enfouie, cachée. Cette plon gée dans les pro fon deurs pour atteindre l’inac ces sible commen cement et per cer le mys tère que nous sommes à nous- mêmes peut encore « par ler » aux ado les cents d’aujourd’hui et les faire entrer dans le roman. Il n’est pas tou jours aisé de trou ver des textes à la fois à la por tée des élèves et sus cep tibles de leur faire décou vrir le jeu de la lec ture lit té raire : Thérèse Desqueyroux est de ceux- là, y compris pour les séries tech no lo giques. La tem po ra lité complexe et le brouillage des voix nar ra tives amènent le lec teur à s’inter ro ger sur le sens, autre - ment dit favo risent une atti tude active, indis pen sable pour « apprendre à lire ». Les réflexions de François Mauriac2, qui s’est expli qué maintes fois sur son tra vail de roman cier, ont fourni le fil conduc teur de la séquence. On s’est appuyé éga le ment sur la pré face et les commen - taires de Jean Touzot, approche riche et syn thé tique dont on déve loppe les pistes et à laquelle on ren voie aussi sou vent que néces saire. L’étude des per son nages, Thérèse incluse, n’est pas trai tée dans une rubrique à part, mais dis tri buée dans les diverses phases de la séquence ; on a voulu ainsi évi ter l’ornière de l’ana lyse psy cho lo gique qui fausse la perspec tive en trans for mant le per - son nage en être réel. 1. Le Roman cier et ses per son nages, Gallimard, « Biblio thèque de la Pléiade », t. II, p. 851. 2. Prin ci pa le ment « Vue sur mes romans », Le Figaro lit té raire, 15 novembre 1952, repris dans le Cahier de l’Herne consa cré à Mauriac, p. 163-169. 2 Autre parti pris : plu tôt que de pro po ser des lec tures ana ly tiques for ma li sées, on a pré féré s’arrê - ter sur des extraits de lon gueur variée (d’une phrase à un cha pitre1) pour rendre compte d’un aspect par ti cu lier du texte, en liai son avec la pro blé ma tique d’ensemble. Le roman ayant été lu en entier, on consa crera une séance à relire le pre mier cha pitre. Objec tif : dis so cier ce qui dans la lecture- découverte a été saisi simul ta né ment : – la fonc tion d’expo si tion – la mise en place des moda li tés du récit. Le pre mier cha pitre répond aux ques tions clas siques des débuts de roman : lieu ; temps ; per son - nages ; action ; thème. • Début in medias res : sor tie de Thérèse du Palais de jus tice ; la tech nique, très ciné ma - to gra phique, est rela ti ve ment banale (cf. Bel- Ami : « Quand la cais sière lui eut rendu la mon naie de sa pièce, Georges Duroy sor tit du res tau rant ») ; • Temps habi tuels du récit : impar fait/passé simple ; • Infor ma tions par cel laires et dis sé mi nées au cours du cha pitre ; une bonne par tie des infor ma tions est four nie par les dia logues (ce qui pro duit un effet de réel) : – lieu : sor tie du tri bu nal (p. 23), route de Budos (p. 24), plus loin, la forêt de pins (p. 26) et la men tion du jour nal La Lande conser va trice (p. 27) : ces indices situent le roman dans « une petite ville » des Landes ; – temps : un soir d’automne (« feuilles de pla tanes col lées aux bancs », « les jours avaient bien dimi nué » p. 24), pas de date pré cise ; – per son nages : Thérèse, son père, l’avo cat ; évo ca tion du mari de Thérèse, Bernard ; des notables qui parlent par cli chés, dont la médio crité est patente ; pointe la satire de la bour geoi sie (cynisme, car riérisme, oppor tu nisme) ; – action : un non- lieu pour un crime sans vic time. La fonc tion d’expo si tion s’affi rme clai re ment avec le pro cédé de la remé mo ra tion mais n’est- il pas étrange que pen dant toute la période de l’ins truc tion, Bernard n’ait posé aucune ques tion à Thérèse ? qu’elle n’ait res senti « aucune angoisse », « aucune gêne » (p. 28) en face de lui ? Thème : soli tude de Thérèse, mise à l’écart phy si que ment ; incom mu ni ca bi lité. • Sou plesse de la compo si tion : le blanc2 Trois sec tions dans ce pre mier cha pitre. Sou plesse du pas sage d’une sec tion à l’autre, comme le pas sage d’un plan à l’autre dans un fi lm. 1e et 2e par ties : « Je le lui ai assez dit »/« il le lui avait assez dit » ; la for mule de Larroque est reprise par Thérèse au style indi rect libre ; 2e et 3e par ties : « la même calèche qui l’attend ce soir »/« de quoi parleront- ils ce soir ? » ; pour - suite du mono logue inté rieur de Thérèse. 1. « Sous l’effet des concours, on a pris en outre l’habi tude de cali brer les pas sages pour l’expli ca tion elle- même (20 à 30 lignes). La méca nique ne commence- t-elle pas là ? Que chaque expli ca tion fonde plus judi cieu se ment son propre ter rain. Plu sieurs pages au théâtre par fois, tan dis que quelques vers, quelques lignes seule ment de René Char dans Fureur et mys tère ou Feuillets d’Hypnos peuvent suf fi re. C’est même une réelle compé tence de lec ture à déve lop - per que d’accom mo der l’expli ca tion à la lon gueur et à la nature du texte pro posé » (Ins pec tion géné rale des lettres, sémi naire natio nal de juin 2011). 2. Voir commen taires de J. Touzot p. 163. L’ouver ture du roman L’ouver ture du roman Une expo si tion Une expo si tion Les moda li tés du récit Les moda li tés du récit 3 • La ques tion du point de vue et le style indi rect libre Le titre du roman laisse sup po ser que le point de vue de Thérèse sera pri vi lé gié, ce qui se véri fi e tout au long du pre mier cha pitre. Le style indi rect libre fait péné trer le lec teur dans les pen sées du per son nage dès la pre mière page : « oui » (p. 23) ; « heu reu se ment » (p. 24) ren voient sans ambi guïté à Thérèse. Ana lyse de 3 pas sages, du plus simple au plus complexe. – p. 25 : « Il le lui avait assez dit, en effet, et pou vait se rendre jus tice. Pour quoi s’agite- t-il encore ? Ce qu’il appelle l’hon neur du nom est sauf ; d’ici les élec tions séna to riales, nul ne se sou - vien dra plus de cette his toire [style indi rect libre : pen sées de Thérèse, qui inter prète l’atti tude de son père]. Ainsi songe Thérèse… [le verbe son ger à l’ori gine du style indi rect libre est postposé]. » – p. 30 : « Thérèse vit se tendre vers elle la main de l’avo cat, ses durs ongles noirs : “Tout est bien qui fi nit bien”, dit- il [style direct, paroles de l’avo cat] et c’était du fond du cœur ; uploads/Litterature/ sequence-therese-pdf.pdf

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