Actes des congrès de la Société française Shakespeare 22 (2005) Shakespeare et
Actes des congrès de la Société française Shakespeare 22 (2005) Shakespeare et l’Europe de la Renaissance ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Gisèle Venet Giordano Bruno et Shakespeare : la poétique d’une écriture dans l’Europe de la Renaissance ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Gisèle Venet, « Giordano Bruno et Shakespeare : la poétique d’une écriture dans l’Europe de la Renaissance », Actes des congrès de la Société française Shakespeare [En ligne], 22 | 2005, mis en ligne le 01 janvier 2007, consulté le 09 décembre 2013. URL : http://shakespeare.revues.org/846 Éditeur : Société française Shakespeare http://shakespeare.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://shakespeare.revues.org/846 Ce document est le fac-similé de l'édition papier. © SFS Shakespeare et l’Europe de la Renaissance a c t e s d u C o n g r è s organisé par la SOCIÉTÉ FRANÇAISE SHAKESPEARE les 11, 12 et 13 mars 2004 textes réunis par Pierre KAPITANIAK sous la direction de Yves PEYRÉ COMITÉ SCIENTIFIQUE : Margaret Jones-Davis Jean-Marie Maguin Yves Peyré Pierre Kapitaniak COUVERTURE : Edouard Lekston, William Tabula Proximus, 2004 conception graphique et logo Pierre Kapitaniak © 2004 Société Française Shakespeare Institut du Monde Anglophone Université de Paris III – Sorbonne Nouvelle http://univ-montp3.fr/SFS/ 5 rue de l’École de Médecine 75006 Paris ISBN 2-9521475-1-5 Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous les pays GIORDANO BRUNO ET SHAKESPEARE : LA POÉTIQUE D’UNE ÉCRITURE DANS L’EUROPE DE LA RENAISSANCE Gisèle VENET Plus que des échos éventuels de la pensée de Giordano Bruno dans les textes de Shakespeare et de ses contemporains, ce sont les parentés d’écriture entre le philosophe et tous ces praticiens de la « copia » ou du sonnet maniériste qui sont retenues ici. Tout se passe comme si les littératures d’Europe et l’écriture de Bruno ne formaient qu’un seul « texte » présentant une même « texture », obsédées qu’elles sont des mêmes figures et processus d’oxymores, d’anamorphoses et d’ironiques subversions, tandis que perdure l’omniprésente influence pétrarquiste. L’esthétique du mouvement et de la poétique des contraires qui les fédère, et dans laquelle Bruno trouve les mots et la liberté créatrice pour exprimer ses intuitions sur l’univers infini, trouve sa justification dans une épistémologie de cette écriture due à Bruno lui-même : la « coincidentia oppositorum » de Nicolas de Cuse, qu’il a faite sienne, explique la nécessaire déstructuration du monde clos en une dynamique de forces contraires qui affectent le monde et l’homme tout entier, rendant compte aussi d’un plaisir du déplaisir dans toute expérience, nécessairement rendue douce-amère par ce principe de contradiction. Bruno se révèle donc bien le philosophe baroque qui écrit comme son siècle en même temps qu’il rend raison de la poétique baroque de cette écriture : « coincidentia oppositorum » au cœur des mots révélatrice de la « coincidentia oppositorum » au cœur des choses. Beyond the possible echoes of Giordano Bruno’s ideas hypothetically uncovered in Shakespeare’s works and in those of his European contemporaries, in this paper it seemed more striking to examine the community of style between the philosopher’s own writings and the works of his contemporaries, emblematic of an exuberance of “copia” and of a mannerist obsession with Petrarchan poetics. Taken together, the writings of these authors could appear as one single “text”, with the same “texture” woven from the same obsessive use of stylistic devices and figures such as oxymoron, or inclusions of anamorphosis, the same ironical subversions of familiar forms, and the same enduring influence of Petrarch and his poetics. The aesthetics of movement and the poetics of opposites that all these writers shared may have, in turn, favoured a creative capacity in Bruno, thus helping to give shape to his intuitions of an infinite universe. All the more so as Bruno gave an epistemological clue to this form of poetics, based on Nicolas de Cuse’s and his theory of the “coincidentia oppositorum”: according to Bruno, the dynamics of contrary forces in everything rendered the structure of a closed world altogether inappropriate, and when applied to man, turned existential instability into an inescapably sour-sweet experience, a pleasure of displeasure arising from the very principle of contradiction. Bruno appears, therefore, as a baroque philosopher writing in the same baroque style as his contemporaries, whist enabling an understanding of baroque poetics: the “coincidentia oppositorum” in the heart of words unveiling the “coincidentia oppositorum” in the heart of things. ilary Gatti intitule « Théâtre de la conscience1 » une étude qu’elle sous-titre « Giordano Bruno et Hamlet ». Dès l’introduction, elle souligne les tensions croissantes que fait naître à l’aube du XVIIe siècle « l’antinomie toujours plus dramatique entre principe d’autorité et liberté ». Après bien d’autres, elle H 1 Voir Hilary Gatti, Il Teatro della coszienza. Giordano Bruno e “Amleto” (Roma, Buzoni, 1998). Des références plus anciennes, qu’elle cite, témoignent de rapprochements entre les deux figures phares autour de l’année 1600, dont Robert Beyersdorff, Giordano Bruno und Shakespeare (Oldenburg, 1889), et Paolo Orano, “Amleto” e Giordano Bruno (Lanciano, 1916). 250 GISÈLE VENET rapproche deux événements sans rapports mais dans lesquels elle voit une « coïncidence suggestive » et un point de rupture : la même année, en 1600, la tragédie Hamlet, qu’elle considère comme prophétique de conflits d’autorité à venir, est créée à Londres, au théâtre du Globe, avec, en Hamlet, le plus « philosophe2 » des personnages shakespeariens ; tandis qu’à Rome, sur le Campo dei Fiori, le philosophe de toutes les contestations, Giordano Bruno, meurt en défiant toute forme d’autorité sur le bûcher de l’Inquisition. Hilary Gatti écarte les spéculations qui n’ont pas manqué d’être faites autour d’une possible rencontre entre Shakespeare et Bruno à Londres, où le philosophe passa deux années entre 1583 et 1585, reçu par Sidney et Fulke Greville − spéculations alimentées par le fait que Bruno a publié, en italien il est vrai, la quasi-totalité de ses œuvres3 les plus contestataires à Londres, en réponse aux théologiens d’Oxford, tenants d’un monde clos et immuable selon l’autorité intangible d’Aristote4, qui avaient refusé de l’entendre, lors de sa venue à l’université en 15845. La réévaluation des véritables apports de Bruno à la réflexion scientifique et à la libération de la pensée, paradoxalement freinée par les travaux de sa thuriféraire, Frances Yates, trop axés sur le pseudo « hermétisme » de Bruno, pourrait faire remonter des informations sur les échos de sa présence à Londres et de ses dialogues dans les écrits contemporains6 après le long enfouissement que provoqua une censure redoutable qui ne se limita pas à la condamnation de ses juges, à Rome, en février 1600. L’importance − et 2 Voir Hilary Gatti, « Coleridge’s Reading of Giordano Bruno », Wordsworth Circle, Summer 1996. Hazlitt par ailleurs décrit en Hamlet « le prince de la spéculation philosophique » (voir Préface de Gisèle Venet à son édition bilingue, Hamlet, trad. de Jean- Michel Déprats, Paris, Gallimard, « Folio théâtre », 2004, p. 15). 3 John Florio, par ailleurs traducteur de Montaigne, cite cinq des œuvres londoniennes de Bruno dans l’édition de 1611 de son célèbre dictionnaire, A Worlde of Wordes or Dictionarie in Italian and English. Les œuvres publiées en Angleterre sont, dans l’ordre chronologique suggéré par P.-H. Michel, pour 1584 : Le Banquet des Cendres ; Cause, principe et unité ; L’infini, l’univers et les mondes ; L’Expulsion de la bête triomphante ; et en 1585, La cabale du cheval Pégase ; Les Fureurs héroïques. Le Chandelier est publié en 1582. 4 L’année suivant la venue de Bruno à Oxford, un décret du 12 mars 1585 y impose le retour exclusif à Aristote. Cf. Bertrand Levergeois, Giordano Bruno, Paris, Fayard, 1995, note 63, p. 195. 5 Bruno fait lui-même le récit satirique de cette réception dans Le banquet des Cendres, trad. Yves Hersant, Nîmes, Éditions de l’Éclat, 2002, p. 100. 6 Voir, entre autres travaux actuels, Hilary Gatti, Giordano Bruno and Renaissance Science, Ithaca, Cornell University Press, 1999, en particulier II, 5 : « Bruno and the Gilbert Circle ». GIORDANO BRUNO ET SHAKESPEARE : LA POÉTIQUE D’UNE ÉCRITURE 251 le danger − de ses positions, l’originalité et la nouveauté de sa démarche, ne peuvent pas ne pas avoir dépassé le cercle des libres penseurs initiés, ne fût-ce qu’à l’état de rumeurs. Ainsi rend-il, dans le Banquet des Cendres, un vibrant hommage à Copernic, « son frère germain7 », en profitant pour uploads/Litterature/ shakespeare-846-22-giordano-bruno-et-shakespeare-la-poetique-d-une-ecriture-dans-l-europe-de-la-renaissance-pdf.pdf
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- Publié le Jan 02, 2022
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- Langue French
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