Table d'émeraude 1 Table d'émeraude Planche représentant une version latine de

Table d'émeraude 1 Table d'émeraude Planche représentant une version latine de la Table d’émeraude gravée sur un rocher dans une édition de l’Amphitheatrum Sapientiae Eternae (1610) de l’alchimiste allemand Heinrich Khunrath. La Table d’émeraude (Tabula Smaragdina en latin) est un des textes les plus célèbres de la littérature alchimique et hermétique. C’est un texte très court, composé d'une douzaine de formules allégoriques et obscures, dont la fameuse correspondance entre le macrocosme et le microcosme : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ». Selon la légende, elle présente l’enseignement de Hermès Trismégiste, fondateur mythique de l'alchimie, et aurait été retrouvée dans son tombeau, gravée sur une tablette d’émeraude. La plus ancienne version connue se trouve en appendice d’un traité arabe du VIe siècle. Traduite en latin au XIIe siècle, elle fut commentée par de nombreux alchimistes au Moyen Âge et surtout à la Renaissance. Après le discrédit scientifique de l'alchimie et le développement de la chimie moderne au XVIIIe siècle, elle a continué à fasciner occultistes et ésotéristes. Historique À partir du IIIe ou du IIe siècle av. J.‑C, on voit apparaître dans l'Égypte hellénistique des textes grecs attribués au personnage mythique d'Hermès Trismégiste, détenteur de toutes les connaissances. Il s'agit d'un ensemble hétéroclite de textes (les Hermetica) à caractère parfois alchimique, mais aussi magique, astrologique ou médicinal, qui culmine avec les traités mystico-philosophiques du Corpus Hermeticum du IIe ou IIIe siècle. Dans l'un d'eux, la Koré Kosmou (la « pupille du monde »), Hermès grave et cache ses enseignements avant de remonter au ciel « afin qu'eût à les chercher toute génération née après le monde »[1]. En 640, l'Égypte, devenue entre temps chrétienne et byzantine, est conquise par les Arabes qui vont perpétuer la tradition hermétique et alchimique dans laquelle s'inscrit la Table d'émeraude. Jusqu'au début du XXe siècle, on ne connaissait que des versions latines de la Table d’émeraude, les plus anciennes remontant au XIIe siècle. Ce sont l’historien des sciences anglais E.J. Holmyard (1891-1959) et l’orientaliste allemand Julius Ruska (1867-1949), qui en ont retrouvé les premières versions arabes[2]. Table d'émeraude 2 Les manuscrits arabes Une page du secrets des secrets (Kitâb Sirr al-asrâr), avec deux tableaux permettant de déterminer si un patient va vivre ou mourir en fonction de la valeur numérique de son nom. La Table d'émeraude a été retrouvée sous différentes versions dans une vingtaine de manuscrits arabes médiévaux. La plus ancienne version figure en appendice d’un traité qui aurait été composé au VIe siècle, le Livre du secret de la Création, Kitâb sirr al-Halîka (et dont on a une copie datant de 825). Ce texte se présente comme une traduction du grec d’Apollonius de Tyane, sous son nom arabe Balînûs[3]. L’hypothèse d'un original grec (peut-être du IVe siècle) est vraisemblable, même si aucun manuscrit n'a été retrouvé[4] ; l'attribution à Apollonius, quoique fausse (pseudépigraphique), est courante dans les textes arabes médiévaux de magie, d’astrologie ou d’alchimie. L’introduction du Livre du secret de la Création est un récit qui explique notamment que « toutes choses sont composées de quatre principes élémentaires, le chaud, le froid, l’humide et le sec » (les quatre qualités d'Aristote), dont les combinaisons expliquent les « rapports de sympathie et d’antipathie entre les êtres ». Balînûs « maître des talismans et des merveilles » pénètre dans une crypte sous la statue d’Hermès Trismégiste et y trouve la tablette d’émeraude entre les mains d’un vieillard assis, et un livre. Le cœur de l’ouvrage est pour l'essentiel un traité alchimique[5] où on trouve notamment pour la première fois l'idée que tous les métaux sont constitués à partir du soufre et du mercure, théorie fondamentale de l’alchimie au Moyen Âge[6]. Le texte de la Table d’émeraude vient en dernier, comme en appendice[7], et un des problèmes de son interprétation est de savoir s’il s’agit d’une pièce rapportée, de portée uniquement cosmogonique, ou bien s’il forme un tout avec le reste de l'ouvrage, auquel cas il a dès l'origine une signification alchimique[8]. L’émeraude est la pierre traditionnellement associée à Hermès, comme le mercure est son métal, Mars étant associée aux pierres rouges et au fer, Saturne aux pierres noires et au plomb[9]. Dans l'Antiquité, Grecs et Égyptiens désignaient comme émeraude la plupart des minéraux de couleur verte (jaspe vert et même granit vert), et au Moyen Âge c'était le cas pour des objets en verre coloré, comme la « Table d'émeraude » des rois wisigoths[10] ou la Sacro Catino de Gênes (un plat dont s'emparèrent les croisés lors du sac de Césarée en 1011, et qui passait pour avoir été offert par la Reine de Saba à Salomon et avoir servi lors de la Cène)[11]. Cette version de la Table d’émeraude se retrouve aussi dans le Kitab Ustuqus al-Uss al-Thani (Livre élémentaire du fondement) attribué à l’alchimiste du VIIIe siècle Jâbir ibn Hayyân, connu en Europe sous le nom de Geber. Une autre version se trouve dans un livre hétéroclite du Xe siècle le secrets des secrets (Sirr al-asrâr), qui se présente comme une pseudo-lettre d’Aristote à Alexandre le Grand pendant la conquête de la Perse, et qui traite de politique, de morale, de physiognomonie, d’astrologie, d’alchimie, de médecine... Le texte est là-aussi attribué à Hermès mais sans le récit de la découverte de la tablette. Le topos littéraire de la découverte de la sagesse cachée d'Hermès se retrouve dans d'autres textes arabes des environs du Xe siècle. Notamment dans le livre de Cratès : alors qu'il se trouve en prière dans le temple de Sérapis, Cratès, un philosophe grec, a la vision d'« un vieillard, le plus beau des hommes, assis dans une chaire ; il était revêtu de vêtements blancs et tenait à la main une planche de la chaire, sur laquelle était placé un livre [...]. Quand je demandais quel était ce vieillard, on me répondit : “C'est Hermès Trismégiste, et le livre qui est devant lui est un de ceux qui contiennent l'explication des secrets qu'il a cachés aux hommes.” » [12]. C'est aussi le cas dans le texte connu sous le nom latin de Tabula Chemica de Senior Zadith, c'est-à-dire l'alchimiste arabe Ibn Umail, dans lequel une table de pierre, repose sur les genoux d'Hermès Trismégiste, dans la chambre secrète d'une pyramide[13]. Ici la Table d'émeraude 3 table n'est pas gravée d'un texte mais de symboles « hiéroglyphiques ». Les premières versions latines et les commentaires médiévaux Les versions latines Le livre du secret de la création fut traduit en latin (Liber de secretis naturae) au début du XIIe siècle par Hugues de Santalla, mais cette version de la Table d’émeraude ne fut pas très répandue[14]. Le Secretum Secretorum est traduit en latin en version courte par Johannes Hispalensis ou Hispaniensis (Jean de Séville) vers 1140, puis en version longue par Philippe de Tripoli vers 1220, et est un des livres les plus célèbres du Moyen Âge[15]. Une troisième version latine se trouve dans un traité d’alchimie datant probablement aussi du XIIe siècle (mais dont on ne connaît pas de manuscrit avant le XIIIe ou le XIVe siècle), le Liber Hermetis de alchimia (Livre d’alchimie d’Hermès). C'est cette version, dite « vulgate » qui est la plus répandue[16]. Texte latin et français Tabula smaragdina Hermetis Trismegisti « Verum, sine mendacio, certum et verissimum : quod est inferius est sicut quod est superius; et quod est superius est sicut quod est inferius, ad perpetranda miracula rei unius. Et sicut omnes res fuerunt ab uno, meditatione unius, sic omnes res natae fuerunt ab hac una re, adaptatione. Pater ejus est Sol, mater ejus Luna; portavit illud Ventus in ventre suo; nutrix ejus Terra est. Pater omnis telesmi totius mundi est hic. Vis ejus integra est si versa fuerit in terram. Separabis terram ab igne, subtile a spisso, suaviter, cum magno ingenio. Ascendit a terra in coelum, iterumque descendit in terram, et recipit vim superiorum et inferiorum. Sic habebis gloriam totius mundi. Ideo fugiet a te omnis obscuritas. Hic est totius fortitudine fortitudo fortis; quia vincet omnem rem subtilem, omnemque solidam penetrabit. Sic mundus creatus est. Hinc erunt adaptationes mirabiles, quarum modus est hic. Itaque vocatus sum Hermes Trismegistus, habens tres partes philosophiæ totius mundi. Completum est quod dixi de operatione Solis. » La Table d’émeraude d’Hermès Trismégiste, père des Philosophes (traduction de l’Hortulain) « Il est vrai, sans mensonge, certain, & très véritable: Ce qui est en bas, est comme ce qui est en haut; et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, pour faire les miracles d'une seule chose. Et comme toutes les choses ont été, & sont venues d’un, par la méditation d’un : ainsi toutes les choses ont été nées de cette chose unique, par adaptation. Le soleil en est le père, la lune est sa mère, le vent l’a porté dans son ventre ; la Terre est sa nourrice. Le père de tout le telesme de tout le monde est ici. Sa force uploads/Litterature/ table-d-x27-emeraemeraude.pdf

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