1 Université de Cergy-Pontoise UFR de Littérature générale et comparée Thèse de

1 Université de Cergy-Pontoise UFR de Littérature générale et comparée Thèse de doctorat de nouveau régime (1984) Hassane BOURHANE L’ŒUVRE LITTERAIRE ET CINEMATOGRAPHIQUE DE SEMBENE OUSMANE FACE A SES LECTEURS. Directeur de thèse : M. Romuald FONKOUA Membres du jury: M. Bernard MOURALIS, professeur, Université de Cergy-Pontoise M. Xavier GARNIER, professeur, Université de Paris XIII M. Papa Samba DIOP, professeur, Université de Paris XII M. Romuald FONKOUA, professeur, Université de Cergy-Pontoise Soutenue le 22 février 2008 2 Université de Cergy-Pontoise UFR de Littérature générale et comparée. Thèse de doctorat nouveau régime. (1984) L’ŒUVRE LITTERAIRE ET CINEMATOGRAPHIQUE DE SEMBENE OUSMANE FACE A SES LECTEURS. Soutenue par Hassane BOURHANE Directeur de thèse : M. Romuald FONKOUA Composition des membres du jury: M. Bernard MOURALIS, professeur, Université de Cergy-Pontoise M. Xavier GARNIER, professeur, Université de Paris XIII M. Papa Samba DIOP, professeur, Université de Paris XII M. Romuald FONKOUA, professeur, Université de Cergy-Pontoise 22 février 2008 3 Il est des moments où l’homme, après un effort courageux, ne pense qu’à une seule personnalité. N’est-ce pas celle de la maman? A la mémoire de ma gentille mère Salima que je souhaite, nuits et jours, que l’âme, qui a beaucoup souffert pour moi sur terre, savoure, à présent, les fruits délicieux du paradis! 4 Introduction 5 Quelle analyse dans cette œuvre littéraire et cinématographique de Sembène Ousmane? Question qui n’est pas aisée lorsqu’elle semble englobée, sans délimitation, le champ d’approche. Lorsque l’on sait que l’œuvre, malgré l’instance créatrice, bouge, subit, comme d’autres, divers avatars, et que la lecture, par l’intérêt manifeste suscité par le texte, évolue très sensiblement avec le temps, en dépassant toutes sortes d’idéologies de groupes et formations sociales. Selon cette optique, il serait à la fois pertinent et prudent de notre part, d’interroger, non pas les différentes lectures successives faites dans l’œuvre de Sembène Ousmane, mais la manière dont nous nous proposons ici d’appréhender celle- ci, en partant de l’écrit à l’écran. Une démarche large qui s’inscrit, de manière générale, dans une perspective d’entrecroisement de la littérature et de la cinématographie. A ce stade, deux points doivent être clarifiés afin de nous permettre de lier et d’homogénéiser les perspectives d’analyse. Le premier concerne le choix de notre sujet. Tandis que le second celui de l’auteur. En nous proposant d’étudier ici « L’œuvre littéraire et cinématographique de Sembène Ousmane face à ses lecteurs », nous pensons naturellement mettre en perspective le lecteur qui lit les textes de cet écrivain et celui qui regarde les films de ce cinéaste. Un lecteur qui lit ceux-ci « en fonction », comme le dit Bernard 6 Mouralis, « des informations qu’ils paraissent contenir »1de manière explicite ou implicite. Un peu comme ce qui se passe chez le spectateur. Attiré par la relation d’intimité qui se noue entre lui et le film, ce spectateur africain, lecteur d’images, sent que celui-ci s’adresse à lui et parle aussi de lui. Ce qu’il voit dans le film ce n’est pas uniquement le spectacle véhiculé par les images vivantes du cinéma mais le pourquoi de ces images incarnant ici le projet du cinéaste. Ceci est particulièrement sensible lorsqu’on lit ou regarde ces deux romans réécrits par Sembène Ousmane, Le mandat (1966) et Xala (1973), décrivant, respectivement, les méfaits de la bourgeoisie postcoloniale africaine, véhiculés par les hommes d’affaires, en l’occurrence Mbaye et Abdou Kader Bèye, deux nouveaux bourgeois noirs, nés des indépendances, dont l’objectif est moins d’aider l’africain, mais de l’oppresser et l’enfoncer encore plus dans la situation difficile où il se trouve. A l’image de Mbaye à l’égard de Dieng dans Le mandat et Abdou Kader Bèye face au mendiant dans Xala. Une idée à peu près soulevée par Franz Fanon dans son livre, en 1961 : « La bourgeoisie nationale », censée remplacer celle de la Métropole, n’est pas « orientée vers la production, l'invention, la construction, le travail » mais plutôt dirigée vers « la combine […], sa vocation profonde ».2 A cet instant la question est de savoir pourquoi, de préférence aux autres écrivains africains d’expression française, étudier Sembène Ousmane? 1 Bernard MOURALIS, Littérature et développement, Silex/ACCT, Paris, 1984, p.8. 2 Franz Fanon, Les Damnés de la terre, Paris, Maspero, 1961. 7 Certes, une particularité nous attire vers ce « koku fenomen », au parcours atypique, comme le confiait son condisciple Ousseynou Fall à Samba Gadjigo lors d’une interview pour exprimer l’idée « d’exceptionnel », à Guédiawaye en juillet 19943. Notre prédilection, pour l’homme à la pipe, ne se réduit pas à cette idée de phénomène qui reste, pour nous, trop général et ambiguë. Il s’agit de souligner plutôt l’engagement particulier qu’il s’est toujours donné pour être au service de son peuple, pour se rendre utile à l’Afrique. Défendre l’égalité, la cause des exploités et des opprimés, comme il a été question dans Les bouts de bois des dieux (1960), à propos des cheminots. Il n’écrit pas pour dire qu’il sait écrire, mais pour dénoncer ce qui ne va pas, à savoir le poids des pouvoirs occidentaux et celui des cultures africaines, et émanciper ses frères africains et la femme africaine. Comme cela a respectivement été le cas dans les bouts de bois de dieu (avec le personnage de Bakayoko), dans Ô pays, mon beau peuple (Oumar Faye, 1957), dans Niiwam (Yaye Dabo, 1987), dans Faat kiné (Faat kiné, 2000), dans Le Moolaadé (Collé Ardo, 2004) et dans bien d’autres. Ce même souci de servir ses frères africains, de travailler, avec sincérité, pour cette population du Continent, ne tarde pas à orienter son esprit vers d’autres perspectives plus accessibles. La majorité de son peuple ne lit pas ses livres. Sa culture est orale. A cela s’ajoute la pauvreté qui touche cette majorité. Continuer à écrire, alors que le peuple ne possède pas de poche pour y mettre la main, alors que celui-ci plonge dans 3 Samba GADJIGO, Ousseynou Fall, Interview, juillet 1994, à Guédiawaye, quartier situé à la périphérie de Dakar, près de Thiaroye. 8 l’illettrisme, parait sans intérêt. Un autre besoin se fait sentir. Trouver un autre moyen de communication et de dialogue, bien approprié, qui tâchera de montrer l’Afrique sous un autre jour. D’où la naissance du cinéma. Pour Sembène la littérature et le cinéma ne se réduisent pas à une pure fiction. Il le soulignera lui-même dans L’Harmattan. Sa « conception de » son « travail » c’est de « rester », un peu comme le griot, « au plus près du réel et du peuple », pour que « chacun » puisse y déceler, y voir « un peu de lui-même, selon la vie qu’il mène »4 Pour cela, le romancier-cinéaste nous dévoile la démarche suivante : « Afin de mieux voir, saisir ce dont je dois parler, me voici sur les sentiers africains, à dos de chameau, en pirogue, en bateau, en auto et à pied pendant six mois ».5 Tout cela pour dire que l’œuvre de Sembène Ousmane n’a d’autres soucis majeurs que de se préoccuper de la réalité de la vie de l’africain. En essayant de lui montrer les grands enjeux de cette vie difficile qu’il est entrain de vivre malgré lui. Le mot d’ordre semble de tenter de provoquer une véritable prise de conscience collective. C’est en ce sens que ce cinéma ou cette littérature pourra être efficace et devenir capable de se constituer un véritable instrument de lutte pour la défense de la 4 SEMBENE Ousmane, L’Harmanttan, Paris, Présence Africaine, 1980, p 9 (page d’avertissement de l’auteur). 5 Idem p 10. 9 liberté de l’être humain africain. Comme l’a t-il évoqué dans son premier roman, Le docker noir (1956) « personne d’autre que nous ne saura nous défendre » (149). C’est aussi de cette manière que la littérature africaine pourra « susciter » ce que Sembène Ousmane appelle la « révolution… »6 C’est tout le travail de Sembène de jouer sur la sensibilité du peuple, et d’agir sur le psychologique. Le lecteur ne doit pas, à son tour, déconsidérer cet intérêt didactique de l’œuvre. L’histoire coloniale, postcoloniale et celle des nouveaux colonisateurs de l’Afrique paraissent des ingrédients intéressants pour le lecteur qui lit le roman ou regarde le cinéma. Mais pour bien distinguer notre particularité concernant le choix du grand Sembene, nous choisissons d’évoquer ici un article intitulé Sembène Ousmane, l’avocat des opprimés et des faibles […]7où, rendant un hommage particulier à son collègue défunt, lors de ses obsèques, le député Sidney Sokhna, premier cinéaste mauritanien, n’a pas manqué de louange à l’endroit de l’immortel, Sembène Ousmane. Ce que Sidney apprécie surtout « c’est sa sincérité et son engagement réels et actifs ». Il atteste avoir « vu tous ses films et aucun d’eux n’a été réalisé à des fins commerciales. Les productions de Sembène n’avaient d’autres buts que de présenter la réalité et la souffrance du citoyen ». C’est pour cela que l’on se permet de dire que Sembène « n’est pas mort (car) ses ouvrages vont les prémunir 6 S. GADJIGO, Djib Diédhiou, entretien avec Sembène Ousmane, in Littérature et cinéma en Afrique francophone, Paris, L’Harmattan 1996, uploads/Litterature/ tesis-sembene-frances.pdf

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