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HAL Id: hal-01468426 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01468426 Submitted on 21 Feb 2017 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entiic research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la difusion de documents scientiiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Traduction sous contrainte d’un livre mythique Martin Ringot To cite this version: Martin Ringot. Traduction sous contrainte d’un livre mythique : Le cas des Exercices de style de Raymond Queneau ou l’exercice oulipien d’Umberto Eco. Cahiers d’Etudes Romanes, Centre aixois d’études romanes, 2014, Oser métamorphoser, <10.4000/etudesromanes.4667>. <hal-01468426> Cahiers d’études romanes Revue du CAER 29 | 2014 Oser métamorphoser Traduction sous contrainte d’un livre mythique Le cas des Exercices de style de Raymond Queneau ou l’exercice oulipien d’Umberto Eco Martin Ringot Édition électronique URL : http:// etudesromanes.revues.org/4667 DOI : 10.4000/etudesromanes.4667 ISSN : 2271-1465 Éditeur Centre aixois d'études romanes de l'université d'Aix-Marseille Édition imprimée Date de publication : 1 décembre 2014 Pagination : 269-283 ISBN : 978-2-85399-987-8 ISSN : 0180-684X Ce document vous est offert par Aix Marseille Université Référence électronique Martin Ringot, « Traduction sous contrainte d’un livre mythique », Cahiers d’études romanes [En ligne], 29 | 2014, mis en ligne le 06 avril 2016, consulté le 15 février 2017. URL : http://etudesromanes.revues.org/4667 ; DOI : 10.4000/ etudesromanes.4667 Ce document a été généré automatiquement le 15 février 2017. Cahiers d'études romanes est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Traduction sous contrainte d’un livre mythique Le cas des Exercices de style de Raymond Queneau ou l’exercice oulipien d’Umberto Eco Martin Ringot C’est le propre des mythes d’être sans cesse réinterprétés1. 1 Si l’on devait définir la limite entre le mythe et le texte, on la situerait au niveau de l’écriture, c’est-à-dire la réalisation, l’actualisation d’un élément culturel dans le langage. Ainsi le mythe se caractériserait-il par son impossibilité non pas à être dit, mais à être fixé dans le dire. En 2006, dans Lei dunque capirà, Claudio Magris fait au fond la même chose que ce que fera Anaïs Mitchell en 2010 avec son album Hadestown : tous deux relisent et réécrivent le mythe d’Orphée et d’Eurydice en le modelant selon la réalité qui les entoure. Aussi peut-on parler de polymorphie, voire de polymorphie potentielle. Car les différentes formes du mythe ne constituent pas un réseau fermé, mais bien toute une série de branches issues du même tronc, de la même souche, dont la graine, disparue, reproduirait ses caractères génétiques dans chaque branche et chaque feuille nouvelles. Le mythe est donc indicible, inexistant en soi, et c’est bien pour cette raison qu’il peut être dit de toutes les manières possibles ; sans quoi, sa réinterprétation serait impossible. 2 Dès lors que nous considérons le mythe sous cet angle, comment pourrait-on aborder les Exercices de Style de Raymond Queneau autrement que par leur éternelle réécriture ? Ce recueil, imaginé dès les années 30 suite à l’écoute de L’Art de la fugue de Bach, et paru en 1963 dans sa version définitive, regroupe quatre-vingt-dix-neuf façons différentes de raconter la même anecdote : le narrateur est dans le bus S, et voit un jeune homme qui se met en colère contre un autre passager, lequel est accusé de lui marcher sur les pieds à chaque arrêt. Le jeune homme finit par aller s’asseoir sur une place laissée vide ; le narrateur le retrouve une heure plus tard en train de parler avec un ami. 3 Cette histoire, sans intérêt en soi, en trouve dans sa réécriture : théâtrale, poétique, vulgaire, logique, mathématique, selon une certaine figure de style et dans tous les sens. Traduction sous contrainte d’un livre mythique Cahiers d’études romanes, 29 | 2015 1 Quelques années après sa parution, le recueil fait l’objet d’une adaptation théâtrale, et dans une de ses éditions, chaque exercice est accompagné d’un dessin qui enrichit le texte et l’interprète à sa façon. Ajoutons enfin que le recueil paraît dans une période charnière de la vie littéraire de Queneau qui, cofondateur de l’Oulipo2, verra dans les Exercices un moyen de légitimer les travaux du jeune groupe créatif, qui accueillera plus tard Georges Perec ou Italo Calvino. 4 Exercices de style est donc un recueil de la réécriture, considéré très tôt comme tel, si bien que sa première parution dans les années quarante incitait déjà le lecteur à prendre la plume : l’ouvrage était en vente avec un bandeau publicitaire qui affichait « C’est en écrivant que l’on devient écriveron », et contenait en fin de volume une liste d’ « exercices possibles » qui invitaient tout lecteur à poursuivre un travail d’écriture dont on perçoit difficilement une quelconque fin. C’est donc dans leur réécriture que les Exercices de style sont nés, ont grandi – par leur nombre comme par leur importance – et continuent d’exister, dans les pastiches, les écoles, les théâtres, et aujourd’hui sur internet : le principe de l’œuvre, d’origine musicale, est intrinsèquement potentiel et cette potentialité ne se cantonne ni au texte, ni au livre… elle exploite toutes les possibilités expressives et médiatiques. Ses caractéristiques ludiques et humoristiques en font un objet littéraire jubilant… particulièrement vivant.3 5 Dès lors, cette histoire si facile à retenir et donc à réécrire constitue un mythe ; le degré zéro du mythe, sans doute, qui se contente des caractéristiques minimales requises, mais un mythe quand même. Et ce d’autant plus qu’il ne se limite pas aux frontières francophones et a connu de nombreuses traductions – précisément en trente-et-une langues –, de l’anglais en 1958 au berbère kabyle en 2010, en passant par l’italien en 1983. Traductions que l’on peut voir sans peine comme autant de réécritures. La traduction d’Umberto Eco à ce sujet est un cas intéressant, dans la mesure où la version du sémioticien accentue la nécessité d’appropriation du mythe au détriment d’un texte inexistant car multiple, pour la composition d’un nouveau recueil. En effet, les Esercizi di stile se distinguent non pas par leur fidélité au texte-source, mais par le parti-pris de liberté et d’éloignement nécessaire vis-à-vis de celui-ci, l’auteur italien ayant dû, pour une vingtaine de textes, procéder à un « remaniement radical » (« rifacimento radicale »). 6 Les Exercices de Queneau ne font pas tant l’objet d’une traduction que d’une réécriture en vertu d’un respect de la contrainte choisie par l’auteur pour chacun des textes ; ce phénomène est d’autant plus frappant quand il s’agit d’une traduction. Mais jusqu’à quel point sommes-nous autorisés à parler, justement, de « traduction » ? Il s’agira tout d’abord de montrer dans quelle mesure traduction et réécriture vont de pair, et ce d’autant plus au sein de l’Oulipo, et comment ce rapport trouve sa pleine réalisation dans les Exercices de style. Suite à quoi nous observerons comment Umberto Eco s’est employé à remanier ces exercices, pour quelles raisons, et quelles ont été ses limites. Traduction et littérature potentielle 7 Le terme qui rapproche les Exercices de style, la traduction, la réécriture et le mythe est bien la potentialité. Nous présenterons donc succinctement ce qui caractérise la littérature potentielle et montrerons ses affinités avec la traduction. 8 On peut diviser la littérature potentielle en deux grands domaines, deux tendances : la tendance synthétique et la tendance analytique. La première est créative et concerne la Traduction sous contrainte d’un livre mythique Cahiers d’études romanes, 29 | 2015 2 recherche de nouvelles formes de littérature ; on l’appelle aussi « synthoulipisme ». La seconde regarde la transformation de textes déjà existants : « La tendance analytique travaille sur les œuvres du passé pour y rechercher des possibilités qui dépassent souvent ce que les auteurs avaient soupçonné »4, explique François Le Lionnais dans le premier manifeste de l’Oulipo. On appellera cette tendance un anoulipisme, et elle concerne l’actualisation de formes potentielles contenues dans des textes déjà existants. Lorsqu’il est écrit de Voyelles de Rimbaud une version sans le e, c’est une forme potentielle du texte déjà existant qui est actualisée : il s’agit donc d’un anoulipisme5. C’est la tendance analytique qui nous intéresse ici, dans la mesure où elle a à faire avec la réécriture et la transformation textuelle. Pour chaque anoulipisme, il existe un texte déjà existant qui lui servira de base. 9 L’Oulipo travaille en fonction des contraintes, que l’auteur doit s’imposer pour la composition du texte. La contrainte peut être structurelle (certaines règles mathématiques ordonnent la composition du texte dans sa structure) ou formelles, qu’elles soient de composition ou de modification. Les différents types de textes oulipiens liés aux différents types de contraintes par le tableau suivant : Oulipème6 Anoulipisme Synthoulipisme Contrainte Structurelle × Formelle Composition × Modification × Types de contrainte selon l’oulipème 10 Une autre discipline implique le texte de base, transformation textuelle uploads/Litterature/ traduction-sous-contrainte-d-x27-un-livre-mythique.pdf
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- Publié le Jan 06, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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