T. TRILBY Coco de France BeQ T. Trilby Coco de France roman La Bibliothèque éle
T. TRILBY Coco de France BeQ T. Trilby Coco de France roman La Bibliothèque électronique du Québec Collection Classiques du 20e siècle Volume 373 : version 1.0 De la même auteure, à la Bibliothèque : Lulu, le petit roi des forains Le petit roi malgré lui Vacances et liberté Au clair de la lune Boule d’or et sa Dauphine La princesse héritière Casse-Cou ou la miraculeuse aventure Coco de France Édition de référence : Flammarion Jeunesse. Dans la belle salle à manger du château de Rosalys le majordome achève de préparer la table autour de laquelle, les trois jeunes grandes- duchesses, filles du grand-duc André régnant sur le duché de Brandellhys vont venir goûter avec leurs amies pour fêter les treize ans de Béatrice, l’héritière du duché. Suivi de deux laquais, portant livrée et perruques blanches, le majordome, vêtu de rouge, est en train de placer les cartes des invitées. Le milieu de la table sera occupé par l’héroïne de la fête, en face ses deux sœurs : Huguette âgée de dix ans, Marielle qui vient d’avoir neuf ans, et de chaque côté des grandes-duchesses les jeunes amies dont les pères occupent des charges dans le gouvernement du duché. Il ne faut pas se tromper, la fille du président du Conseil doit être placée à droite de l’héritière, la fille de l’ambassadeur de France à gauche, celle de l’ambassadeur des États-Unis n’a que la troisième place, et la fille du ministre des Affaires Étrangères s’assiéra à côté de la grande- duchesse Huguette. D’une voix grave, avec des gestes empreints de dignité, le majordome explique aux jeunes laquais l’importance des places... Le chef du protocole lui a remis ce matin le plan de la table, tous les noms des invitées y sont inscrits ; précaution inutile, le majordome n’aurait fait aucune erreur. Il est né au palais et depuis soixante ans ne l’a guère quitté succédant à son père. Les cartes mises le majordome inspecte le couvert et de chaque côté de lui, respectueux, les laquais attendent ses observations ou ses ordres. Au milieu de la table, un monumental gâteau, bouquet en sucre de lis et de roses s’épanouit dans un vase fait en nougat, treize bougies l’entourent ; elles seront allumées à cinq heures moins deux, la grande-duchesse et ses invitées venant goûter à cinq heures. Autour de ce gâteau des corbeilles de fruits, des petits fours, des bonbons de toutes sortes, rien ne manque ; le majordome se déclare satisfait et se dirige vers l’office suivi par les deux laquais. Quelques instants la pièce reste vide, puis une petite porte, donnant sur un couloir, servant pour le service, s’ouvre lentement, et à peine est-elle entrebâillée qu’une tête de jeune garçon paraît. Cette tête est couverte de cheveux blonds emmêlés, et, sous un large front, des yeux bleus rieurs et curieux. Au milieu du visage, un petit bout de nez impertinent, une bouche moqueuse et un menton volontaire. – Pucette, tu peux venir, le rouge et les blancs ont disparu. – J’ai peur, Coco. – Inutile, ça ne sert à rien d’avoir peur. Et Coco ouvre la porte et entre dans la salle à manger qui attend des hôtes de marque et non le petit garçon du cuisinier français, arrivé au château depuis quelques mois, et son amie Pucette. Coco a onze ans, il est maigre comme un coucou, dit son papa, ce qui étonne toujours Coco car il ne réalise pas comment papa a pu savoir qu’un coucou était maigre. Un coucou, ça crie ! « coucou », ça se voit rarement, et ça ne s’attrape jamais ; enfin papa a l’air certain de la maigreur du coucou. Coco traîne une petite fille aussi brune qu’il est blond, mais chez elle la figure, les mains, les pieds, tout est si petit, que Coco l’appelle : Puce, Pucette. Ils habitent le même pavillon – le papa de Pucette étant le chauffeur des grandes-duchesses – se voyant chaque jour les enfants sont devenus des amis, Pucette prétend avoir dix ans mais Coco ne le croit pas, à dix ans peut-on être aussi petite, enfin telle qu’elle est, Coco la trouve gentille et l’aime bien. Dans la salle à manger, tous les deux contemplent la table chargée de friandises, leurs visages disent leur admiration et, aussi, un certain regret de ne pouvoir goûter un peu, oh ! très peu, à toutes ces bonnes choses. – Pucette, c’est magnifique, et ça doit être bon, si je n’étais pas un garçon extra-raisonnable je t’offrirais un de ces petits choux, surmontés d’une cerise, qui doivent être bourrés de crème pralinée. C’est mon papa qui les a faits, ce sont des gâteaux de France, de Paris, là où il y a les plus belles pâtisseries du monde. Tu connais Paris, Pucette ? – Non, je suis née à Rome, et j’étais toute petite quand mes parents sont venus au château. – Tu iras un jour. – Je ne sais pas. – Je t’emmènerai, Pucette, quand on y retournera. Tu vois la place de la grande- duchesse Béatrice, elle a une chaise différente des autres, c’est comme un trône, ça ne me ferait pas plaisir de m’asseoir là-dessus. – Pourquoi ? – On est trop en vue, on ne peut pas manger sans cérémonie. Les doigts ne doivent jamais toucher aux gâteaux, je connais le truc. Tu voudrais être grande-duchesse, Pucette ? – Je ne sais pas, je n’ai jamais pensé à ça. – Tu as raison et puis tu es bien plus gentille que les grandes-duchesses ; ces filles-là m’ennuient, surtout la Béatrice. – Pourquoi ? – C’est sérieux, ça ne rit pas. Je les ai vues dans le parc, elles ont l’air de vieilles dames qui essaient de jouer, croiras-tu qu’elles ne grimpent jamais aux arbres pour voir s’il y a des nids, et le parc réservé c’est comme une grande cage. –Tu déniches les nids ? demande Pucette. – Mais non, je regarde les petits, leur maison, je leur dis bonjour, tu comprends ? – Tu leur fais peur ? – Aux parents, mais pas aux enfants, et comme je leur apporte à déjeuner, ils sont bien contents. – Tu sais ce qu’ils aiment ? – Mais oui, l’histoire naturelle nous renseigne. – Coco, s’écrie Pucette effrayée, j’entends marcher dans le couloir, on vient, c’est le majordome, on va nous découvrir, nous allons être grondés. – N’aie pas peur, je réfléchis. Évidemment retraite coupée, impossible de s’en aller, faut se cacher et les laisser passer. Viens avec moi. Et se glissant entre deux chaises, Coco entraîne Pucette sous la table. Une grande nappe brodée retombant jusqu’à terre assure aux enfants une cachette à l’abri de tout regard. – Ils font la dernière revue, murmure Coco à Pucette toute tremblante ; dès qu’elle sera terminée nous mettons les voiles. – Les voiles ! Qu’est-ce que ça veut dire ? demande la fillette à voix basse. – On se trotte, on s’en va, comprends-tu, Italienne pas dégourdie. – Allumez les bougies, dit le majordome, Son Altesse a quitté le jardin, ouvrez les portes ! – Zut, soupire Coco, il n’y a plus moyen de s’en aller. Installe-toi, Pucette, faut assister à la fête et on n’est pas invités. Appuie ton dos contre le mien, tu seras mieux, et ne fais pas la tête, ça n’ouvre pas la porte de la cage. – J’ai peur, nous serons punis. – Moi, certainement, et ça sera juste, mais pour toi ne t’inquiète pas, j’expliquerai à ta maman que je t’ai emmenée de force. – C’est pas tout à fait vrai, je t’ai suivi. – Mais j’ai eu l’idée. Attention, plus un mot, pas un geste, voici les invitées. Se tournant le dos, appuyés l’un contre l’autre, jambes étendues, Coco et Pucette s’installent aussi commodément qu’ils le peuvent pendant que les grandes-duchesses et leurs invitées s’approchent de la table. Vingt petites filles, de huit à douze ans, sont venues au château de Rosalys, où les grandes- duchesses vivent une partie de l’année, pour fêter les treize ans de la princesse héritière, cette grande-duchesse Béatrice qui semble à Coco si ennuyeuse. Autour de la table, avec tout le protocole désirable, le majordome conduit à leur place les petites filles et, comme elles sont très bien élevées, elles attendent pour s’asseoir que les grandes-duchesses soient assises. Quand elles sont toutes installées, après leur avoir laissé le temps d’admirer le gâteau d’anniversaire, un maître d’hôtel l’emporte pour le faire morceler. Les glaces, le chocolat sont servis et, de loin, dans la galerie, les gouvernantes de ces demoiselles les surveillent. Au début du goûter les fillettes sont silencieuses, mais quand leur appétit est un peu calmé elles trouvent que ce goûter manque d’entrain. Marielle, la plus gentille des grandes- duchesses, s’écrie : – Béatrice, pourquoi mangez-vous en silence ? L’héritière relève la tête et son visage sans beauté se tourne vers sa petite sœur. – Parce que cela me plaît, répond-elle d’une voix sèche. – Ça ne plaît peut-être pas à tout le monde. uploads/Litterature/ trilby-coco-de-france.pdf
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- Publié le Mai 10, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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