ENCART TÉLÉRAMA Nº 3709 NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT Théâtre de la Ville Paris
ENCART TÉLÉRAMA Nº 3709 NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT Théâtre de la Ville Paris Imaginer l’avenir Scènes / livres / cinéma politiques culturelles Avec la Scène de recherche de l’ENS Paris-Saclay 2 Imaginer l’avenir l’urgence des arts textes à lire sur Télérama.fr Du 14 au 17 décembre 2020, les quatre passionnants débats de L’Urgence des arts, autour des scènes, du livre, du cinéma et des politiques culturelles, auront été l’un de ces rares moments où la parole se libère au plus près de l’expérience intime et des tensions du moment. En réponse militante et généreuse à la crise que nous retrouvons chaque matin depuis des mois. Après L’Urgence des alliances, en juin 2020, grand atelier de propositions pluridisciplinaires à l’issue du premier confinement, notre pari est cette fois de donner la parole aux artistes. Pour ouvrir un indispensable espace de pensée et de partage. Sortir des deux ornières de la résignation et de l’indignation pour imaginer l’avenir. Mettre notre quotidien et nos rêves en mots, en images et en perspectives. Avec simplicité, mais aussi avec audace et beaucoup de générosité, nos invités ont relevé le défi. Autour des scènes (théâtre, musique, danse), du livre, du cinéma et des politiques culturelles. Nous avons aussi invité plusieurs groupes d’étudiants en sciences et en médecine à poser leurs questions, qui ont directement ou indirectement inspiré nos débats. Depuis juin, la situation s’est tendue. Chacun pressent que l’urgence de la lutte contre la pandémie en cache une autre, moins visible : il faut comprendre ce qui nous arrive, cette faille qui s’est ouverte dans notre vie intime et sociale. La déchirure, le décrochage. L’opacité et la difficulté à se projeter dans l’avenir. Le délitement de ce qui fait lien. La violence de la précarisation, du déclassement, voire de la survie économique. Comprendre et décrire, comprendre et partager. Merci à nos intervenants, merci au public nombreux qui a suivi en direct les débats de L’Urgence des arts – qu’on peut retrouver sur les sites de Télérama, du Théâtre de la Ville et de l’ENS Paris-Saclay. Comme en juin, nous avons voulu laisser une trace de cet échange. On trouvera dans les pages qui suivent la chronique des quatre débats, accompagnée des mots de nos invités. Nous leur avons demandé, comme en juin, de formuler des propositions concrètes pour imaginer l’avenir. Voici ces dix propositions, regroupées autour de cinq engagements. Solidarité, empathie et partage : ces mots reviennent. Ils signalent avec force, comme en juin, l’incroyable capacité des arts et de la culture à construire des alliances et des collaborations au cœur de l’adversité. Sans attendre. Sans dépendre. Sans tabous. Adviennent aussi d’autres mots. Le soin. La considération. L’ambition. S’ils pointent des manques – manque d’attention, de jugement, de souffle – ils ouvrent aussi des possibles. Et aident à penser l’avenir pour tous. Ce que réclament les arts et la culture finalement les dépasse. L’urgence des arts ? Faire société. Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama, Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville-Paris, Marc Dondey, directeur de la Scène de recherche de l’ENS Paris-Saclay. 3 Jean-François Robert pour Télérama Débat scènes RECHERCHE PUBLIC DÉSESPÉRÉMENT À l’injustice de l’arrêt des spectacles vivants doivent répondre hybridation, mutualisation, partage : toutes les formes de la solidarité. directrice du théâtre de La Criée, à Marseille : les invités réunis pour débattre de l’urgence des arts sentent-ils le danger ? La distance qui s’accroît entre manifestations artistiques et besoins immé- diats du citoyen creuse le gouffre entre spectateurs et créateurs. « Nous avons survécu sans spectacle vivant, donc il faut se poser la question : à quoi ça sert ? » a demandé Volny Fages. En guise de réponse, pas de tirade sur l’essentiel et l’inessentiel. Mais des approches précises, des réflexions à l’échelle du quartier ou de l’individu. Face à la pandémie, brasser du rêve ne suffit plus. S’il veut survivre, le spectacle vivant doit s’ou- vrir. « Faire de la broderie » avec le public, qu’il soit urbain, banlieusard ou rural, diplômé ou ouvrier, jeune ou âgé, selon Macha Makeïeff. Solliciter les associations, les maisons de quartier, les crèches, l’Éducation nationale. Intégrer à ses processus cet outil contemporain qu’est le numérique. Accueillir les créateurs émergents, les compagnies précaires, les jeunes, quitte à « pousser les murs des établisse- ments subventionnés à la recherche de temps et de moyens », revendiquait Dominique Hervieu. L’institution doit se décloisonner et renoncer à ses hégémonies. L’avenir se gagnera par davantage de mixité (des publics, des disciplines, des pra- tiques, des maisons). Pourquoi, suggérait Clément Mao-Takacs, « ne pas imaginer des concerts à la Comédie-Française » ? Pourquoi ne pas en finir avec le règne des vitrines prestigieuses (de l’Opéra de Paris à la Philharmonie) ? Pourquoi ne pas inventer, loin de Paris, une autre capitale artistique pour « ré- veiller l’émulation » ? proposait Macha Makeïeff. Pourquoi ne pas jouer dans les salles des quelque mille trois cents tiers lieux qui peuplent l’hexa- gone ?, concluait Volny Fages. Le moment est venu de rebattre les cartes pour retrouver du souffle. « Nous sommes des utopistes, nous nous disons qu’on va améliorer ce qui existait en considérant que ça va aller de soi. Mais ça ne va pas de soi. Et c’est sur cette nuance que nous devons construire », a pronostiqué Clément Mao-Takacs. Hybridation, mutualisation, partage : la solida- rité doit l’emporter dans un contexte sanitaire où tendre physiquement la main à l’autre est pros- crit. Alors que les politiques les aident matérielle- ment mais les oublient symboliquement, les artistes en appellent à celui dont leur besoin est décuplé : le public. — Joëlle Gayot Fermeture des théâtres, des musées, des cinémas jusqu’à une date indéterminée. Lors de la rencontre organisée le 13 décembre par Télérama, le Théâtre de la Ville et la Scène de recherche de l’ENS Paris- Saclay, l’heure n’était pas à la plainte. Mais au constat navré de l’injustice de cet arrêt imposé aux artistes alors que, soulignait l’auteur-compositeur- interprète Alex Beaupain, « les lieux de culte sont ouverts » et que, renchérissait le pianiste et chef d’orchestre Clément Mao-Takacs, « il y a foule dans les grands magasins. » Alex Beaupin, auteur-compositeur-interprète, Clément Mao-Takacs, chef d’orchestre, Volny Fages, sociologue, chercheur à l’ENS Paris-Saclay, Dominique Hervieu, directrice de la Biennale et de la maison de la Danse à Lyon, Macha Makeïeff, Animé par Emmanuelle Bouchez. Avec Alex Beaupain, Clément Mao-Takacs, Dominique Hervieu, Macha Makeïeff et Volny Fages (de gauche à droite et de haut en bas). 4 Jean-François Robert pour Télérama l’urgence des arts présidente du Centre national du livre et Carine Karachi, neurochirurgienne) n’ont pas tiré de plans sur la comète. L’anticipation est du ressort de la fic- tion. La fabrication d’un livre, une suite de tempo- ralités concrètes. Temps des imaginaires marqués par le confinement : « J’étais partie pour écrire un journal de bord qui finalement est devenu un roman gothique assez sombre », témoignait Jakuta Alikava- zovic. Temps de maturation des récits à venir : « Quelles vont être les retombées de cette affaire dans les arts narratifs ? », s’interrogeait Emmanuel Car- rère. Temps de l’urgence avec l’afflux de textes de spécialistes : « On peut s’attendre, l’année prochaine, à une dégelée d’analyses ou de témoignages d’experts de la pandémie », constatait Manuel Carcassonne. Il y a des raisons de se réjouir : le citoyen s’est mobilisé pour l’ouverture des librairies. « L’engoue- ment pour le livre s’est traduit par une augmentation du temps quotidien de lecture en France », précisait Régine Hatchondo en se félicitant de la baisse minime du chiffre d’affaires des maisons d’édition (entre 5 % et 8 % seulement). « Mais, ajoutait-elle, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. » Or, la forêt, ce sont les petites maisons d’édition qui accusent entre 30 % et 50 % de pertes, les jeunes qui ne lisent pas ou les auteurs menacés s’ils ne vendent pas assez. Comment s’organiser pour que le livre dame le pion aux rivaux que lui préfère la jeune génération : les écrans, les séries, les réseaux sociaux ? « Il fau- drait lancer, au sein de l’Éducation nationale, des concours d’écriture de nouvelles », envisageait Régine Hatchondo, tandis que Manuel Carcassonne fustigeait la raréfaction des émissions littéraires dans l’audiovisuel public. Emmanuel Carrère ne voyait pas pourquoi apprendre à écrire dégraderait l’inspiration : « La formation à l’américaine, type creative writing, n’a pas à être regardée de haut alors que toutes les autres disciplines en passent par l’acqui- sition d’une technique. » Plus pragmatique, Jakuta Alikavazovic imaginait l’affiliation de l’auteur au régime intermittent, histoire d’assurer un revenu à ce travailleur qui, déplorait Régine Hatchondo, ignore trop souvent qu’existe pour lui un arsenal d’aides financières. Tout doit être mis en œuvre pour sauver le futur Marcel Proust. Parce que, témoignait Carine Karachi, la liberté de penser (donc la lecture) est essentielle à l’homme. Cette neurochirurgienne sait de quoi elle parle. « Je soigne des malades atteints de mala- dies du mouvement. Alors qu’ils sont enfermés dans leurs corps, uploads/Litterature/ urgence-des-arts-telerama.pdf
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- Publié le Jul 24, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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