Henry David THOREAU LA DESOBEISSANCE CIVILE le passager clandestin édition © le

Henry David THOREAU LA DESOBEISSANCE CIVILE le passager clandestin édition © le passager clandestin Edition 26 rue Muller, 75018 Paris www.lepassagerclandestin.fr couverture : Xavier Sebillotte, http://xavier.sebillotte.free.fr logo : Fabrice Diffusion : Pollen www.surlaplagelespaves.fr Présentation par Noël Mamère « A l'Etat, je donne ce conseil : rompre avec les propriétaires d'esclaves sur-le-champ. Il n'y a pas de loi, ni de précédent respectable qui sanctionne le maintien de cette union. Et à tous les habitants du Massachusetts, je conseille de rompre avec l'Etat tant qu'il hésitera à faire son devoir ». « Faire son devoir », toute la philosophie de Thoreau tient en ces quelques mots simples qui sonnent comme une exigence paradoxale quand il s'agit de répondre, d'abord, à ce que nous dicte notre conscience. Si Thoreau avait eu vingt ans en Août 14, quand les grandes puissances ont donné le signal de la première boucherie du vingtième siècle, il aurait sans doute fait partie des insoumis ou des mutins, en obéissant au « devoir » de sa conscience contre le « devoir » d'un Etat qui a envoyé toute une génération au cimetière. S'il avait eu vingt ans au moment de la guerre d'Algérie, il serait devenu objecteur 7 de conscience et aurait sans doute appartenu au réseau Jeanson… Comme il aida en son temps de nombreux esclavages fugitifs à rejoindre le Canada. La conscience contre l'Etat, la désobéissance contre l'injustice. De Gandhi à Havel, de Luther King à Schindler, les grandes figures de la « désobéissance » qui ont traversé le siècle des guerres colonia- les, de la Shoah et du goulag, ont porté une part de l'héritage de Thoreau. C'est en ce sens qu'il reste très moderne et continue d'inspirer de nombreux combats contemporains dont le plus emblématique reste celui que mènent les « faucheurs volon- taires » contre la tentative de main-mise sur l'agriculture mondiale par les fabricants d'OGM. Toute la vie de Thoreau (1817-1861) n'est qu'engagement et poésie, un mélange de romantisme inspiré par l'amour de la nature et d'exigence morale aux racines mystiques. Il est de son temps et, surtout, de son pays : une Amérique en construction, qui massacre les Indiens, organise l'esclavage, engage la guerre contre le Mexique et s'apprête à entrer dans une guerre civile terrible, une Amérique 8 à la fois barbare et puritaine qui se prend déjà pour le phare des libertés ; une Amérique- continent où la nature puissante et sauvage, souvent hostile, s'impose à l'Homme, obligé d'en « rabattre » dans son orgueil prométhéen face à un tel géant. C'est dans ce contexte politique et philo- sophique que Thoreau grandit et construit sa philosophie. Son nom va entrer dans l'Histoire pour un petit texte de quelques pages, intitulé la désobéissance civile, que publie en 1849 une revue éphémère, Aesthetic papers, dirigée par Elisabeth Peabody, la grande « prêtresse » de l'éducation nouvelle que Thoreau enseigne avec son frère John à l'Académie de Concord, depuis 1838. S'il résume bien les fondements de son enga- gement - « je conseille de rompre avec l'Etat tant qu'il hésitera à faire son devoir » - ce texte devenu universel ne représente pourtant qu'une facette de son œuvre et de sa vie beaucoup tournée vers la nature, qu'il écrivait avec un grand " N ", tant sa relation avec elle était fusionnelle et mystique. Ce texte fonda- teur de la " désobéissance " ne peut donc être détaché de l'ensemble de l'œuvre de Thoreau, de sa conception de la relation de l'Homme 9 à la Nature et des rencontres qui ont boule- versé sa vie. Né en 1817 dans la petite ville de Concord, Massachusetts, Thoreau a rarement quitté sa terre natale pour laquelle il éprouvait un amour infini. Dans son Journal, commencé en 1837 et jamais abandonné jusqu'à sa mort en 1861, chaque jour est un motif de célébra- tion de la nature, de ses paysages et de son « peuple » : « Le chant du grillon suggère une sagesse accomplie, une sagesse jamais en retard, car elle est au-dessus de tous les sou- cis temporels … » ou « la Nature, à chaque instant, s'occupe de votre bien-être. Elle n'a pas d'autre fin. Ne lui résistez pas …» Mais il est aussi l'occasion de souligner sa conception d'une Nature qui échapperait à l'Homme et dans laquelle il pourrait être finalement un intrus : « j'aime la Nature en partie parce qu'elle n'est pas l'homme, mais une retraite pour lui échapper. Aucune des institutions humaines ne l'a soumise, ni pervertie. Chez elle, c'est une discipline différente. Je puis être heureux au milieu de la Nature, d'un bonheur parfait… L'homme est contrainte, la Nature est liberté » (Journal, janvier 1853). C'est cette conception de la relation de 10 l'Homme à la nature qui a inspiré l'essentiel des mouvements écologistes américains prô- nant sa sanctuarisation plutôt que sa maîtrise. De grandes ONG, comme le WWF , s'inscri- vent dans la droite ligne de Thoreau et du courant transcendantaliste dont il fut un des adeptes les plus actifs. La « deep ecology », version radicale et dan- gereuse de l'écologie moderne, celle qui a donné naissance aux « eco-warriors », est aussi une héritière de Thoreau et de ses amis transcendantalistes. Le transcendantalisme est le premier mouve- ment écologiste de l'histoire, fondé par le phi- losophe Ralph Waldo Emerson que Thoreau rencontre en 1837 et dont il devient presque aussitôt l'un des plus fervents disciples, au ser- vice de cette philosophie idéaliste, panthéiste et mystique. Emerson est un contestataire qui fait déjà figure de maître pour de nombreux intellectuels américains quand il prononce son fameux discours L'humaniste américain qui prône « une vie transcendantale dans la natu- re » et cherche à démontrer « la nécessité d'être présent au monde, de rejoindre l'être profond des choses et d'y accorder sa cons- cience. » 11 Cette rencontre tombe au bon moment ; Thoreau, alors jeune diplômé d'Harvard, vient lui-même de prononcer un discours qui contient l'essentiel de ce que sera sa vie de désobéissant, rétif aux contraintes et aux contradictions des institutions des hommes. Dans la foulée de cette rencontre décisive pour la suite de sa vie, Thoreau est engagé à l'école publique de Concord… dont il démis- sionne au bout d'une semaine parce qu'il refu- se de battre les élèves ! C'est à la suite de cette démission qu'il va fonder sa propre école avec son frère John, pour appliquer les méthodes d'éducation de Bronson Alcott et Elisabeth Peabody, disciples et compagnons d'Emerson qui prônent la non-violence dans l'éducation des enfants et accordent une large place à leur responsabilité individuelle. Une approche que l'on retrouvera des décennies plus tard dans les écoles Freney et Montesori… C'est d'ailleurs cette même année (1838) qu'Emerson prononce à Harvard, le discours à l'école de théologie, véritable charte philosophique du mouvement trans- cendantaliste, auquel répond Thoreau, quelques mois plus tard, de son école de Concord, avec son discours intitulé La Société. C'est à cette époque qu'apparaît le « chemin de fer souterrain », véritable réseau 12 clandestin qui aide les esclaves à fuir vers le Canada et auquel participe naturellement Thoreau qui sera de tous les combats pour l'a- bolition de l'esclavage. En 1854, on peut lire dans son Journal : « On m'a parlé l'autre jour d'un pauvre diable d'évêque qui approuvait la loi et le décret grâce auxquels l'esclave Burns a été livré à ses maîtres. Avant de m'asseoir à une table, je demanderai désormais s'il y a dans la compagnie quelqu'un qui s'appelle évêque, et il faudra alors que ce soit lui ou moi qui quitte la table… » Quelques années plus tôt, en 1846, Thoreau a passé une nuit en prison pour avoir refusé de payer ses impôts à l'Etat du Massachusetts au motif qu'il admet l'esclavage et fait la guerre au Mexique. Il est déjà installé dans sa cabane en bois (4 juillet 1845) construite avec l'aide d'Emerson, d'Alcott, du docteur Channing et d'autres amis transcendantalistes, au bord de l'étang de Walden, là où il écrit le livre qui le rendra célèbre aux Etats-Unis et qui va devenir la « bible » des écologistes nord- américains : Walden ou la vie dans les bois. Il a vingt-huit ans quand il décide de concrétiser son idéal mystique et panthéiste en vivant au milieu de la forêt, au contact direct de la Nature. L'expérience dure trente six mois et va 13 nourrir nombre de ses conférences et publica- tions à caractère politique et philosophique... dont la désobéissance civile qui connaîtra plus tard le succès que l'on sait et qui fait suite à son discours sur les droits et devoirs de l'in- dividu vis-à-vis du gouvernement, prononcé à Concord en 1848. Jusqu'en 1862, date de sa mort de la tubercu- lose, la vie de Thoreau est faite de combats contre l'esclavage, d'aide aux fuyards, de condamnation des guerres coloniales de la jeune Amérique. Il s'illustre notamment dans la défense de John Brown qui, le 16 octobre 1859, s'était emparé, avec une poignée de partisans, de l'arsenal fédéral uploads/Litterature/h-d-thoreau-la-desobeissance-civile-pdf.pdf

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