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Digitized by the Internet Archive in 2011 with funding from University of Toronto http://www.archive.org/details/laphilosophiedesOOdupo I I I LA PHILOSOPHIE DE S. AUGUSTIN PAR A. JDXJPOIsrT PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN (Extrait de la Revue catholique de Louvain). LOUVAIN CHARLES PEETERS, LIBRAIRE-ÉDITEUR Rue de Namur, 22 1881 DEC -5 1S33 G54?- LA PHILOSOPHIE DE SAINT AUGUSTIN, Introduction. L'histoire de la philosophie nous présente depuis plusieurs années un phénomène qui ne peut manquer d'exercer une influence décisive sur les destinées de la science. La raison, effrayée des ravages du rationalisme, arrivé aux dernières conséquences de la négation, peu rassurée sur la valeur des théories modernes, appelle de tous ses vœux la restauration d'une philosophie franchement chrétienne. Les esprits i^é- rieux frappés de la stérilité des résultats, obtenus après plu- sieurs années de labeur et d'étude se persuadent de plus en plus qu'on a fait fausse route, et qu'on rend service à la science en la rappelant aux principes de l'Ecole. Ce revire- ment général et significatif ne peut échapper à quiconque suit avec attention le mouvement des idées contemporaines. En Allemagne, en France, en Italie, en Espagne, en Angle- terre, il se manifeste parmi les philosophes catholiques une antipathie très prononcée contre les systèmes modernes, et un retour sincère aux doctrines de l'Ecole; des écrivains distingués travaillent à réhabiliter la scolastique dans ses plus illustres représentants, et à raviver ainsi le goût des fortes études philosophiques. Le pape Léon XIII vient de combler leurs vœux par la publication de l'Encyclique Aeterni Patris, où il consacre et sanctionne de son autorité puissante leur œuvre de restau- ration philosophique. En effet, après avoir esquissé l'his- toire de la philosophie chrétienne et les avantages, qu'elle est destinée à produire pour la religion et la société, le sou- verain Pontife déplore qu'on a brisé avec l'enseignement traditionnel, en renonçant à l'étude de la philosophie sco- lastique. Cette nouvelle méthode due en grande partie à l'in- fluence du protestantisme a favorisé le doute et l'erreur, elle a fait un tort considérable aux écoles catholiques ; elle a créé une science, plus avide de nouveautés que de vérité, et incapable par défaut de base et de direction de lutter effi- cacement contre les attaques de l'erreur et du mensonge. Aussi si l'on cherche un remède aux maux, dont souffre la société actuelle, si l'on désire sauver la raison du naufrage, relever la métaphysique de sa déchéance, donner un ensei- gnement solide à la jeunesse, si l'on veut ramener les esprits égarés à la foi catholique par une apologétique puissante, défendre énergiquement les lois fondamentales de la société, les bases sacrées du droit et du devoir; en un mot si l'on désire que la philosophie produise des résultats utiles à la foi et à la raison, il est absolument nécessaire de reprendre l'étude des doctrines scolastiques, de renouer la chaîne mal- heureusement brisée des traditions chrétiennes. Le souverain Pontife loue hautement les savants qui depuis plusieurs années s'appliquent à cette œuvre salutaire, et il nous invite à les imiter, à contribuer selon la mesure de nos forces à la propagation des doctrines de saint Thomas. « Vos omnes, Venerabiles Fratres, quam enixe hortamur, T ut ad catholicae iîdei tutelam et decus, ad societatis •^ bonum , ad scientiarum omnium incrementum auream " S. Thomae sapientiam restituatis, et quam latissime pro- -» pagetis. w L'encyclique, reçue avec joie et reconnaissance par le monde catholique, ne pouvait rencontrer des objections, que de la part des savants qui s'occupent des sciences naturelles. Ils pouvaient craindre que le retour à la philosophie an- cienne n'enrayât le développement des sciences, en restau- rant des doctrines incompatibles avec les découvertes mo- dernes. Le saint Père a prévu l'objection, et y répond d'une façon péremptoire. Il n'entre pas dans ses intentions de nous im- poser les théories physiques ou astronomiques des anciens ; au contraire, il veut qu'on laisse soigneusement de côté les subtilités exagérées, les imprudences, les inexactitudes, les thèses controuvées par l'expérience, les hypothèses arbi- traires de certains docteurs de l'Ecole. Il ne blâme nulle- ment les savants, qui essaient de contribuer par leurs re- cherches, et par l'application des découvertes récentes, à enrichir le patrimoine de la philosophie traditionnelle. Seu ement, il leur rappelle qu'à côté des sciences naturelles, il existe une science supérieure qui cherche à pénétrer l'essence des corps, inaccessible à l'expérience, à déterminer l'origine des lois qui expliquent leur unité, leur diversité, leur affinité. Or, il est incroyable combien la philosophie scolastique donne de force et de lumière aux savants dans ces recher- ches. D'ailleurs, l'expérience et la raison démontrent que les sciences naturelles se développent et progressent davan- tage, à mesure que la philosophie, dont elles sont tributaires, gagne en profondeur et en clarté. Pour répondre au désir du souverain Pontife, qui est aussi celui de l'Université catholique, nous nous proposons de jeter un coup d'œil sur les doctrines du grand philosophe chrétien, qu'on peut appeler à juste titre le Père de la Scolastique. Cette Etude intéressante par elle-même, puis- qu'elle nous révèle les etforts d'un génie, aux prises avec les problèmes les plus ardus de la science, présente encore l'avantage de nous découvrir les liens étroits qui unissent la philosophie du moyen-âge à celle des saints Pères. La scolastique n'a pas été créée d'emblée, d'un jet ; elle présente le développement normal de la doctrine traditionnelle, la fleur et les fruits des semences, répandues à pleines mains par les Docteurs des premiers siècles, les déductions systéma- tiques de principes anciens, la construction magnifique élevée sur les fondements jetés par les saints Pères. De même donc que les œuvres de saint Thomas fournissent un commentaire précieux des œuvres de saint Augustin, l'étude des doctrines de celui-ci ne peut manquer de jeter une vive lumière sur les œuvres du Docteur Angélique. Nous pourrons encore constater dans cet Essai l'influence heureuse et féconde de la théologie sur la philosophie, et venger ainsi la doctrine cathoUque des attaques insensées du rationalisme. L'exemple de saint Augustin prouve à l'évidence qu'on calomnie l'Eglise lorsqu'on ne cesse de lui reprocher qu'elle asservit la raison, qu'elle tue la science, quelle enraie le progrès de la pensée en l'emprisonnant dans les liens de la foi. Si d'une part la révélation a sauvé saint Augustin des erreurs de la philosophie païenne, aboutissant à la négation complète de toute vérité, de l'autre elle lui a fourni des lu- m 5811 ne — 6 — mières précieuses, sans lesquelles les vérités même natu- relles échappent à l'intelligence la plus vigoureuse. Loin d'affaiblir les forces de son génie, la foi lui a donné un nouvel essor, une impulsion plus puissante, une direction plus sûre, des résultats plus brillants et plus complets. Loin de diminuer ou de mutiler la liberté de saint Au- gustin, la théologie l'a développée et perfectionnée, en l'af- franchissant du joug de l'erreur, de l'esclavage des passions, en lui permettant de déployer sans entrave son activité puissante dans la recherche de la vérité. Qu'on compare les doctrines du Platon chrétien avec celles du Sage de la Grèce, et l'on ne doutera plus de l'action bienfaisante du christianisme sur la philosophie. La comparaison des doctrines de saint Augustin avec celles des scolastiques nous fera comprendre la nature, et les con- ditions du progrès de la philosophie. Ce n'est pas en repous- sant les principes traditionnels, pour j substituer des théo- ries nouvelles, qu'on parvient à construire un système conforme aux nécessités de l'époque. S'il est vrai que les sciences physiques progressent sans cesse, parce que les moyens d'observation se multiplient et se perfectionnent, il n'en est pas de même des sciences métaphysiques, ap- puyées sur l'analyse des idées et le raisonnement. Personne ne contestera aux scolastiques, dans l'étude des questions mé- taphysiques, une pénétration d'esprit, une assiduité de tra- vail, une force de démonstration, un esprit d'analyse qu'on cherchera en vain chez les philosophes modernes. Acceptons donc leurs principes métaphysiques, comme ils ont accepté ceux des saints Pères, et comme eux tâchons de les rendre de plus en plus féconds, en les appliquant aux problèmes nouveaux, que soulève la science contemporaine. Le pro- grès de la philosophie ne demande pas, qu'on renouvelle sans cesse les bases de la science, mais qu'on bâtisse sur les fon- dements solides, que nous a légués l'antiquité chrétienne. Développer les doctrines fondamentales de l'Ecole, démon- trer leur conformité avec les principes de la raison, les ap- pliquer à toutes les branches du savoir humain, faire voir leur harmonie avec les faits indiscutables de l'expérience, les utiliser dans la lutte contre l'erreur et l'incrédulité, voilà la noble tâche du philosophe cathohque, telle que la comprend Léon XIII dans son immortelle Encyclique. Déjà Pie IX qui a commencé l'œuvre de restauration, que continue le nouveau Pontife, avait proclamé la môme doctrine. En lisant dans l'Encyclique la condamnation de cette proposition (prop. XIII) : « La méthode et les prin- » cipes suivis par les scolastiques en théologie ne convien- « nent pas aux nécessités de notre temps et aux progrès des ?» sciences, » nous uploads/Litterature/ dupont-la-philosophie-de-s-augustin-1881-pdf.pdf

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