ﻣﺠﻠﺔ ﺣﻮﻟﻴﺎت اﻟﺘﺮاث Revue Annales du Patrimoine ISSN 1112-5020 Hawliyyat al-Tura
ﻣﺠﻠﺔ ﺣﻮﻟﻴﺎت اﻟﺘﺮاث Revue Annales du Patrimoine ISSN 1112-5020 Hawliyyat al-Turath, University of Mostaganem, Algeria N° 9, September 2009 Taha Hussein ou l’exemple d’une rencontre culturelle entre l’Egypte et la France Taha Hussein or the example of a cultural encounter between Egypt and France Kania Chettouh Université d'Alger, Algérie kania.chettouh@univ‐alger2.dz Publié le : 15/9/2009 09 2009 Pour citer l'article : Kania Chettouh : Taha Hussein ou l’exemple d’une rencontre culturelle entre l’Egypte et la France, Revue Annales du patrimoine, Université de Mostaganem, N° 9, Septembre 2009, pp. 31-44. http://annales.univ-mosta.dz *** Revue Annales du patrimoine, N° 9, 2009, pp. 31 - 44 ISSN 1112-5020 Publié le : 15/9/2009 kania.chettouh@univ-alger2.dz © Université de Mostaganem, Algérie 2009 Taha Hussein ou l’exemple d’une rencontre culturelle entre l’Egypte et la France Kania Chettouh Université d'Alger, Algérie Résumé : Le parcours intellectuel de Taha Hussein montre à quel point peut être harmonieuse la rencontre entre les civilisations arabe et française. Convaincu de leur fraternité, il mit sa plume au service de leur dialogue. Ainsi, il présenta à son lectorat arabophone des études comparatistes mettant en évidence leurs affinités profondes, traduisit en arabe plusieurs joyaux de littérature et de pensée françaises, écrivit sur l'histoire de ces dernières, convoqua certaines de leurs idées ou méthodes novatrices pour redynamiser ou réformer la littérature et la pensée arabes de son époque. Mots-clés : altérité, Taha Hussein, traduction, littérature, dialogue. o Taha Hussein or the example of a cultural encounter between Egypt and France Kania Chettouh University of Algiers, Algeria Abstract: Taha Hussein's intellectual career shows how harmonious the meeting between Arab and French civilizations can be. Convinced of their fraternity, he put his pen at the service of their dialogue. Thus, he presented to his Arabic-speaking readership comparative studies highlighting their deep affinities, translated into Arabic several gems of French literature and thought, wrote on the history of the latter, called on some of their ideas or innovative methods to revitalize or reform the Arab literature and thought of his time. Keywords: otherness, Taha Hussein, translation, literature, dialogue. o La fascination que l’Egypte avait exercée sur les intellectuels français a inspiré plusieurs travaux de recherche dont chacun s’est intéressé à un aspect ou un siècle particulier(1). Kania Chettouh - 32 - Revue Annales du patrimoine Mais rares sont les études consacrées à l’attrait de la France et son impact sur l’intelligentsia égyptienne(2). Pourtant, la francophilie a bel et bien une tradition très ancrée dans sa culture, révélant une ouverture d’esprit telle qu’il semble opportun d’en donner ne serait-ce qu’un aperçu suggestif à travers l’exemple révélateur de Taha Hussein (1889-1973). Cet écrivain particulièrement attaché à la France attire l’attention à plus d’un titre. Aveugle dès l’âge de trois ans à cause d’une ophtalmie mal soignée, il a mémorisé la totalité du Coran à neuf ans et a pu obtenir deux doctorats dès sa jeunesse(3), après avoir reçu une solide formation arabo-islamique à la célèbre université d’al-Azhar. Il s’est distingué, tout au long de sa vie, par un courage et un dynamisme remarquables : malgré ses lourdes charges professionnelles(4), malgré les problèmes d’ordre privé que son tempérament frondeur et ses écrits réformateurs lui avaient causés, il avait pu publier près de soixante-dix livres dans divers domaines intellectuels tels que le roman, la critique littéraire, l’histoire, l’autobiographie, l’essai..., leur liste ayant été établie par ses amis et disciples en 1967, c’est-à-dire six ans avant sa mort(5). Sa première découverte de la culture française a commencé relativement tard, à l’âge de dix-neuf ans, quand il choisit le français comme langue étrangère et entreprit de suivre avec assiduité les cours que Louis Massignon dispensait à l’Université du Caire. Mais c’est surtout son séjour d’études en France qui inaugura sa fidélité indéfectible à ce pays, à sa civilisation et sa culture. Boursier du gouvernement égyptien, il fut envoyé en novembre 1914 à Montpellier car cette ville était alors épargnée par les affrontements de la première guerre mondiale. Il n’y resta que onze mois puis fut rapatrié avec ses camarades égyptiens à cause de la crise financière que traversait en 1915 l’Université du Caire. Cependant, cela ne l’empêcha pas d’en revenir fort admiratif de la pédagogie de ses professeurs français. Il en parla dans des termes laudatifs auxquels il mêlait une critique acerbe Taha Hussein ou l'exemple d'une rencontre culturelle - 33 - N° 9, Septembre 2009 de l’enseignement universitaire égyptien dont il souhaitait la réforme rapide. Son ex-professeur en ayant pris ombrage, l’affaire eut des suites disproportionnées qui faillirent le priver de la reprise de sa formation en France, mais des hommes de bonne volonté, comme Aloui Pacha, surent intercéder en sa faveur, aussi put-il bénéficier à nouveau d’une bourse égyptienne lui permettant d’étudier cette fois-ci à Paris où il prépara un doctorat sous la direction d’Emile Durkheim(6) et où son destin prit un tournant décisif. En effet, c’est dans cette capitale qu’il découvrit, aima, puis maîtrisa, les langues, littératures et civilisations française, romaine et grecque auxquelles il resta fidèle tout au long de son existence, les considérant même comme d’indispensables éléments de la civilisation méditerranéenne à laquelle il rattachait la civilisation égyptienne. C’est aussi dans cette ville qu’il connut son épouse, Suzanne, qui était la camarade puis l’amie dévouée dont la sollicitude lui fut d’un immense secours depuis leur première rencontre à l’Université jusqu’à la fin de sa vie. Cette Française au grand cœur lui inspira des pages immortelles où l’expression de sa tendresse n’a d’égal que celle de sa reconnaissance et de son respect. En outre, elle le gagna définitivement à la France, où il passait toujours ses vacances d’été et où il avait de solides relations amicales avec de célèbres écrivains et penseurs comme Paul Valéry, André Gide, Louis Massignon, Jean Cocteau, Jean-Paul Sartre... et des artistes comme la peintre Marguerite Bordet, par exemple. C’est donc tout à fait normal que sa disposition si favorable à la France motive l’accueil enthousiaste qu’il réservait à ses intellectuels visitant l’Egypte et marque du sceau de francophilie l’ensemble de son œuvre dont il consacra une partie importante à la diffusion de la culture française. Ainsi, il entreprit de résumer, commenter, et parfois critiquer d’une manière constructive les œuvres françaises, notamment littéraires, dès leur parution, afin que ses lecteurs arabophones soient informés Kania Chettouh - 34 - Revue Annales du patrimoine de l’évolution culturelle en France, pays selon lui indispensable à l’humanité tout entière(7), qu’il soit vainqueur ou vaincu. D’autre part, il s’attela, de 1920 à 1959, à la traduction vers l’arabe d’œuvres littéraires françaises dont il fut particulièrement impressionné(8) et qu’il présenta à ses lecteurs arabophones comme modèles à suivre, après avoir relevé leurs qualités sur le plan du fond et celui de la forme. Notons que plusieurs particularités distinguent ces traductions. Elles concernent le but qu’il vise à travers elles et la méthode qu’il invente pour le réaliser. Généralement, il sélectionne les livres à traduire en fonction de l’équilibre qu’il y trouve entre la satisfaction de la raison du lecteur et celle de ses sentiments ou "entre la philosophie et l’art", comme il le dit en traduisant les œuvres de Paul Hervieu, par exemple. De plus, grâce à son ouverture sur les littératures méditerranéennes, notamment gréco-latine et française, il avait découvert la nécessité de combler les lacunes de la littérature arabe en matière de production théâtrale et parfois même romanesque. En outre, son désir permanent de réformer la société égyptienne, et arabe en général, l’incitait à intégrer dans le choix des œuvres à traduire les critères d’émancipation sociale et/ou politique qu’on pourrait en escompter comme, par exemple, celui de l’égalité entre l’homme et la femme, qu’il avait pris en considération en traduisant "La Loi de l’homme" de Paul Hervieu, celui de la justice sociale, etc. On peut même dire que ses traductions ont une triple finalité : - L’enrichissement de la littérature arabe sur le plan technique et esthétique. - L’engagement pour le progrès social et politique. - Et enfin l’apport idéel, philosophique ou idéologique. Ces buts sont parfois explicitement formulés dans les commentaires ou les notes accompagnant les textes qu’il traduit en arabe comme c’est le cas, par exemple, des "Pièces de Taha Hussein ou l'exemple d'une rencontre culturelle - 35 - N° 9, Septembre 2009 théâtre écrites par des dramaturges français" qu’il avait traduites en arabe et dont il avait commenté et justifié la traduction. Mais parfois, ces objectifs sont tellement manifestes que le lecteur les comprend spontanément ou les déduit par analogie, s’il avait lu auparavant d’autres traductions commentées de Taha Hussein. Quant aux autres traits particuliers qui caractérisent la manière dont il présente ses traductions, ils concernent tantôt une, tantôt plusieurs démarche (s) intellectuelle (s) comme, par exemple : l’analyse minutieuse qu’il fait du sujet principal de l’œuvre traduite, l’avis personnel circonstancié et motivé qu’il donne à son propos, l’étude des personnages les plus importants, la recherche puis la désignation de leurs origines grecques ou latines... car en fait c’est surtout à la littérature et la civilisation françaises qu’il avait consacré le plus gros de ses efforts de traduction. Cette uploads/Litterature/kania-chettouh-taha-hussein-ou-l-x27-exemple-d-x27-une-rencontre-culturelle-entre-l-x27-egypte-et-la-france.pdf
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