Revue Annales du patrimoine - N° 14 / 2014 © Université de Mostaganem, Algérie
Revue Annales du patrimoine - N° 14 / 2014 © Université de Mostaganem, Algérie 2014 Les préceptes religieux dans les recueils poétiques de Djalal ad Din Rumi Dr Mahboubeh Fahimkalam Université Azad Islamique de Téhéran, Iran Résumé : La plupart des auteurs et poètes persans se sont servis des sujets religieux afin d’exprimer leurs croyances et leur convictions religieuses, tout en invitant leur lecteur à la théologie et résignation à la divine Providence. Djalal ad-Din Muhammad Rumi (Molana) est l’un des poètes persans qui a bouleversé de fond en comble non seulement la poésie de sa génération, mais aussi la croyance et la mentalité de ses lecteurs par ses préceptes religieux. Nous allons tenter, dans le cadre de cette recherche, d’étudier la place des réflexions religieuses à travers les poèmes de Molana, tout en étudiant les thèmes tels que la mort et la morale. Mots-clés : poésie persane, Rumi, religion, Molana, mysticisme. *** Djalal ad-Din Muhammad Rumi (Molana), poète persan et mystique réputé est né en 1207 et mort en 1273 ; le temps n’a en rien ébranlé la volonté de ses lecteurs, férus encore de son "Masnavî Maanavî" et de son traité en prose "Fihi-Mâ-Fihi" (Livre du Dedans) et goûtent encore de ses écrits. Sa renommée dépasse largement les frontières nationales, d’autre part l’héritage littéraire, philosophique, religieux et moral qu’il a laissé est toujours une grande source d’inspiration pour les hommes de lettres et intellectuels contemporains ; ses écrits sont passés et repassés en revue de la part des lecteurs et critiques. Mais ce qui comptait pour le poète mystique c’était de divulguer ses réflexions philosophiques et religieuses sous une forme poétique, genre sensationnel et mélodieux, afin d’attirer son public. Dès sa plus tendre enfance il s’est mis à apprendre la loi canonique et le Coran auprès de son père, éminent théologue et maître soufi réputé, surnommé "sultan des savants" (Sultân al- Ulama), tellement respecté des maîtres de son temps. Celui-ci Dr Mahboubeh Fahimkalam - 8 - critiquait ouvertement des méthodes philosophiques alors en vogue. Alors Molana s’est initié, sous l’instigation de son père, dès son plus jeune âge aux arcanes de la théologie, partant se laissant largement influencé par des instructions religieuses. Seyed Borhan Idin Tormozi, comptant parmi les disciples de son père, fut le premier maître qui lui eût révélé les mystères du mysticisme. La rencontre de Shame Tabrizi, constitue un tournant essentiel dans la vie de Molana, jusqu’à lors poète morose et taciturne, se consacrant notamment à la jurisprudence religieuse et aux lettres, préparant le terrain à la rédaction de Masnavî. Il y est essentiellement question des sujets philosophiques, religieux, scientifiques et littéraires. Mais ce qui compte le plus pour lui c’est d’inculquer à ses lecteurs des sens connotatifs, des mystères divins aussi bien que des instructions religieuses à travers son œuvre littéraire. Ces dernières nous exhortent à nous en remettre à la divine Providence, tout en déconseillant la démesure, à nous résigner devant la mort en croyant à l’Au-delà. 1 - Théologie et résignation à la divine Providence : Pour Molana, Dieu est la source éternelle de l’existence et de la vie, Il a tiré toutes les créatures du "Néant" et d’après Sa propre volonté, celles-ci Lui doivent aussi bien l’existence que la survie, et tout est périssable et évanescent, Lui excepté. Ce qui se déduit de l’image coranique du Seigneur, et qui s’attribue une large partie de "Fihi-mâ-Fihi" (Livre du dedans)(1). La conception coranique d’Allah constitue le principal thème abordé à travers l’œuvre poétique et prosaïque de ce mystique persan : Il a promis à l’homme que ses vœux seront exaucés(2), Il a envoyé Ses Prophètes pour instruire et orienter les hommes ; après avoir tiré le monde du néant, Il n’a de cesse de créer de nouvelles choses(3); la conception coranique de Seigneur esquissée par Molana à travers ses écrits, n’est pas la Première Les préceptes religieux dans les recueils poétiques de Rumi - 9 - Cause et le Mobile Immobile qui ne pense qu’à Lui-même de bout en bout(4); mais le monde ne Le préoccupe jamais. Selon Aristote, Dieu se trouve dans son propre empyrée et bien qu’Il se passionne juste pour la création et les hommes, Il les a laissés à eux-mêmes ; ici il ne s’agit nullement pas d’un Dieu créateur des mondes, ni d’un Seigneur Organisateur et Administrateur. Par contre la conception coranique de Seigneur qui parcourt l’ensemble de l’œuvre de Molana fait état d’un Seigneur des mondes et Administrateur. Toujours d’après Molana, le monde est géré par un Ordre généreux et dispensateur mais pas juste ; en tant que Créateur, Dieu ne peut pas ne pas être Généreux ; Il crée des aptitudes et prodigue Ses bienfaits proportionnellement à celles-ci. Devant ce Seigneur dispensateur de biens, le meilleur acte de dévotion est celui qui est accompli par conviction et par amour pour Dieu, et non pas par crainte et cupidité ; Molana présente une image généreuse de Seigneur, et le monde est conçu selon cette image, et Ses Esclaves Lui rendent un culte par pur amour(5). Du moment que Molana voit dans le Créateur de l’existence le détenteur de la sagesse absolue et un Etre Omniscient, il croit tout comme manifestation et expression de l’Etre Suprême ; selon lui, se laisser aller à la divine Providence en Lui obéissant au doigt et à l’œil est la condition sine qua non de la théologie(6): "A l’ouvrage Il joue le rôle du feu et moi de l’œuvre Je prendrai la forme qu’Il me donnera S’il désire me changer en coupe, j’en prendrai la forme Ou en poignard s’Il le désire Ou en source pour donner de l’eau Ou en feu, comme Il le désire". 2 - Acceptation de la mort en tant qu’une réalité de la vie : Tout l’œuvre poétique, voire toute l’existence de Molana, selon bon nombre de critiques, le poète le plus fameux de la Perse du VII siècle de l’hégire est hanté par la mort. Autrement dit, la question de la mort est au cœur du recueil de Molana. Le Dr Mahboubeh Fahimkalam - 10 - lecteur est aussitôt frappé par l’obsession plus qu’évidente de Molana pour le thème de la mort. Son appel, fascinant et fatal comme le chant des sirènes ne cesse à aucun moment de hanter l’homme. Notre principal objectif dans cette recherche est la mise en évidence de la nature de la mort à travers son œuvre poétique. Il va de soi que la mort offre de l’accès dans la conception molavienne à une autre vie ; elle n’est pas en effet la fin de toute vie. Il ne cherche que le repos dans la mort. Selon ses expériences religieuses et en inspirant du Coran(7) le poète exprime ses idées sur la mort : Nous sommes les enfants de la mort. C’est elle qui nous délivre des fourberies de l’existence. En d’autre terme, le monde est comme la prison pour le croyant et le moment ou la mort arrive, il brise les chaines et se délivre joyeusement de cette prison. C’est pourquoi à travers ses poèmes, Molana fait l’éloge de la mort. Certains poèmes de Masnavî Maanavî en sont illustres exemple(8): "Balal devient comme un croissant par la faiblesse et maladie. C’est le moment de la mort. En voyant cette scène, son épouse pleure. Balal lui dit : Non, non, c’est l’heure de la joie. J’étais tourmenté ici-bas grâce à elle, que la mort est douce et c’est l’âme qui se délivre du monde terrestre". La mort est étudiée sous deux aspects dans les poèmes mystiques de Molana : 1 - La mort en tant qu’un évènement épouvantable qui terrifie l’homme : Selon le poète, tout au contraire de mentalité humaine, la mort n’est pas épouvantable. En effet, la peur de la mort est la mort de soi. En d’autre terme ; "la mort de chacun est proportionnée à la façon de sa vie"(9). Il compare la mort à un miroir qui ne reflète que le vrai visage des gens(10): "Sache. La mort de chacun est de sa couleur Chez un ennemi, elle est un ennemi et chez un ami, elle est un Les préceptes religieux dans les recueils poétiques de Rumi - 11 - ami C’est un miroir qui reflète le blanc et le noir comme ils sont O. Tu as peur de la mort et tu t’en fuis Alors ! Sache bien, tu as peur de toi-même". 2 - La mort facultative : Dans cette mentalité, qu’on peut trouver chez les mystiques, la mort n’est qu’un changement d’état. Selon la conception molavienne, ceux qui sont doués de la sagesse et les honnêtes gens n’ont aucune peur de la mort. Ces derniers considèrent la mort comme l’une des étapes de la vie qui transfère l’âme humaine du monde terrestre au monde céleste. La plupart des poésies de Molana reflètent cette vision mystique. Ici, nous citons quelques exemples(11): "Les noix sont écalées Celles qui possèdent des écalots Elles étaient les symboles des gens qui auraient l’âme pure après la mort". 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- Publié le Jul 07, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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