84 Application de la théorie de l’autodétermination à l’enseignement du FLE : c
84 Application de la théorie de l’autodétermination à l’enseignement du FLE : corrélation entre le degré d’autodétermination et la performance. HORI Shinya Résumé L’objet de cette étude est d’examiner s’il est possible d’appliquer la théorie de l’autodétermi nation, qui est une théorie majeure de la motivation, au domaine du FLE en université. Nous examinons la relation entre le sentiment d’initiative des étudiants pour l’apprentissage du français, l’accomplissement effectif de l’action et la performance, pour ensuite examiner la consistance avec la théorie. La théorie de l’autodétermination suppose trois types de motivation (motivation intrinsèque, mo- tivation extrinsèque, et amotivation) et propose un continuum de motivation en fonction du degré d’auto-détermination. De plus, elle suppose que l’individu peut être motivé plus intrinsèquement, c’est-à-dire que le degré d’autodétermination peut être augmenté, si trois besoins psychologiques fondamentaux sont satisfaits. Dans d’autres domaines que celui de l’enseignement des langues étrangères, la corrélation entre le degré d’autodétermination et la performance est avérée. Dans cette étude, dont les sujets sont des apprenants japonais d’université, on recherche les corréla- tions entre les facteurs étudiés (la motivation, la satisfaction des trois besoins psy- chologiques fondamentaux, l’accomplissement effectif de l’action, et la performance) et on analyse les différences entre un groupe performant et un autre groupe dont la performance est inférieure. Mots clefs Théorie de l’autodétermination, degré d’auto-détermination, motivation intrinsèque, be- soins psychologiques fondamentaux. 1 1 Introduction La motivation est un concept vague et il y a désaccord sur sa nature pré- cise, mais beaucoup de chercheurs arrivent à un accord en ce qui concerne la direction et la magnitude de son effet, c’est-à-dire le choix d’une action 付記. 本研究成果の一部は、科学研究費補助金基盤研究 (B) (課題番号20320079)の 助成によるものである。 ©Revue japonaise de didactique du français, Vol. 3, n. 1, Études didactiques - octobre 2008 HORI Shinya 85 particulière, la durée et l’effort dépensé. Autrement dit, la motivation expli- que pourquoi l’individu décide de faire quelque chose, combien de temps il soutient son action, et l’ardeur avec laquelle il la poursuit (Pintrich et Shunck, 1996 ; Dörnyei, 2001). Dans le domaine de l’enseignementd’une langue étrangère ou seconde, comme dans d’autres domaines, la motivation est considérée comme un fac- teur majeur déterminant de l’accomplissement d’une action. Par exemple, Dörnyei (1998) affirme qu’elle a été largement acceptée par les enseignants et les chercheurs comme étant le facteur-clef qui influence le succès de l’appren- tissage d’une langue étrangère ou seconde. Elle représente la première impul- sion pour initier l’apprentissage et ensuite la force de propulsion pour sou- tenir un long processus d’apprentissage ; tous les autres facteurs qui entrent en jeu dans l’acquisition d’une langue étrangère ou seconde présupposent la motivation dans une certaine mesure. L’étude de la motivation a fait l’objet de nombreux travaux. Il y a deux approches de base : l’approche socio-psycholo- gique et l’approche cognitive. La première a été initiée vers 1960 au Canada et s’est épanouie jusqu’aux années 1990. Robert Gardner et ses collègues y ont joué un rôle central. Le paradigme de la motivation d’apprentissage des langues étrangères qu’ils ont proposé, c’est-à-dire la motivation (ou orientation) intégrative / instrumentale (e.g. Gardner et Lambert, 1959 ; 1972) a profondément influencé les études qui suivent de cette approche. La deuxième approche est une conséquence de la révolution qui a lieu dans le domaine de la recherche cognitive depuis les années 1970. Plusieurs modèles ayant trait à la motivation ont été proposés et mis immédiatement en application par des chercheurs en pédagogie des langues étrangères ou se- condes. La théorie de l’autodétermination est l’un d’eux. La différence la plus importante avec l’approche socio-psychologique est la façon de considérer la motivation. Si l’approche socio-psychologique la considère comme un élé- ment statique basé sur, par exemple, l’attitude de la communauté vis-à-vis de la langue enseignée, l’approche cognitive la considère comme quelque chose de dynamique qui varie en fonction de multiples facteurs. Le but de cette étude est de vérifier s’il est possible d’appliquer la théorie de l’autodétermination au domaine du FLE. Pour ce faire, nous examinons Application de la théorie de l’autodétermination à l’enseignement du FLE 86 statistiquement la relation entre ses concepts-clés : les éléments composants de la motivation, l’accomplissement effectif de l’action et la performance. 2. Enjeux de cette étude Cette étude a deux enjeux fondamentaux. Le premier est d’apporter une justification théorique aux efforts entrepris pour faciliter l’apprentis- sage « autonome » (techniques multimédia par exemple) dans le domaine de l’enseignement des langues étrangères. Le second est d’étayer la proposition selon laquelle les résultats de recherche dans d’autres domaines, qui tendent à montrer que l’auto-détermination influe positivement sur la performance, s’appliquent aussi à l’enseignement des langues étrangères. Dans le domaine de l’enseignement des langues étrangères, l’influence de l’autonomie des apprenants sur la motivation est notée par beaucoup de cher- cheurs. Selon Dickinson (1995), par exemple, le succès de l’apprentissage et la force de la motivation sont conditionnés par le fait que les apprenants pren- nent ou non la responsabilité de leur apprentissage, et par leur perception du fait que le succès ou l’échec de leur apprentissage dépend de leurs efforts et de leur stratégie plutôt que de facteurs hors de leur contrôle. Le concept d’autonomie, en général, est, pour certains, défini comme la capacité d’agir et d’apprendre en prenant en charge les décisions concernant son apprentissage. L’apprenant autonome a des capacités de réflexion critique et de décision, qui lui permettent de construire et de réaliser un programme d’apprentissage auto-dirigé (Little, 1991). Or, le concept d’autodétermination, dans la théorie de l’autodétermination, est identique à cette conception de l’autonomie. Selon Deci et Ryan (1985), l’autodétermination est la capacité de l’acteur à choisir plutôt qu’à être déterminé par des circonstances extérieures. Autrement dit, les deux conceptions font référence à la capacité ou la compé- tence de l’acteur à déterminer l’objectif de son action et à la poursuivre par lui-même. La théorie de l’autodétermination propose un processus par lequel l’individu augmente son degré d’autodétermination pour satisfaire ses besoins psychologiques fondamentaux que la théorie suppose être des besoins innés, donc si la justesse de cette théorie est démontrée, on peut y trouver une jus- tification théorique des efforts entrepris actuellement pour développer l’ap- prentissage auto-dirigé dans le cadre du FLE. C’est le premier enjeu de cette HORI Shinya 87 étude. Le second enjeu concerne la relation entre la motivation et le résultat de l’apprentissage. Les recherches ayant pour cadre la théorie de l’autodétermi- nation sont nombreuses dans des domaines extérieurs à l’enseignement des langues étrangères, tels que l’éducation générale, le secteur de la santé, etc. Dans ces domaines, une corrélation entre le degré d’autodétermination et les résultats recherchés a été mise en évidence : les acteurs ayant un degré d’autodétermination plus élevé obtiennent de meilleurs résultats. Nous vou- drions contribuer à montrer que cette conclusion s’applique aussi à l’ensei- gnement des langues étrangères. 3 Théorie de l’autodétermination La théorie de l’autodétermination proposée par Deci et Ryan (e.g. 1985, 2000) a deux caractéristiques de base : (1) plutôt que de traiter la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque comme un concept binaire, celles-ci sont intégrées dans un système continu en fonction du degré d’auto-détermination dans lequel la motivation intrin- sèque est plus auto-déterminée que la motivation extrinsèque ; de plus, il y a quelques étapes d’autodétermination dans la motivation extrinsèque ; (2) une manière concrète d’augmenter le degré d’autodétermination suscep- tible dans cette théorie de motiver plus intrinsèquement ou d’entretenir la motivation intrinsèque est proposée en s’appuyant sur trois besoins psycholo- giques fondamentaux (besoin de compétence, besoin d’autonomie et besoins d’affiliation sociale) : en satisfaisant ces besoins fondamentaux, l’individu augmente son degré d’autodétermination. 3.1 Continuum de motivation en fonction du degré d’autodétermination Tout d’abord, examinons les principaux composants, c’est-à-dire la mo- tivation intrinsèque et la motivation extrinsèque. La motivation intrinsèque est celle qui existe quand l’acteur est motivé par sa curiosité ou un intérêt personnel. La motivation extrinsèque est celle qui est basée sur le devoir, la contrainte ou la récompense. Pour l’individu motivé extrinsèquement, l’action devient un moyen d’atteindre un but extérieur. Bien entendu, il est probable que l’individu motivé intrinsèquement est aussi plus ou moins motivé extrin- sèquement et vice-versa. Du point de vue de la théorie de l’autodétermination, Application de la théorie de l’autodétermination à l’enseignement du FLE 88 donc, quand l’individu motivé extrinsèquement est également motivé intrin- sèquement ou augmente son degré d’autodétermination, il n’abandonne pas nécessairement la motivation extrinsèque. Dans les autres théories de la motivation, la motivation intrinsèque et la motivation extrinsèque sont traitées de façon binaire, mais pour les théori- ciens de l’autodétermination, cette conceptualisation empêche de prendre en compte la motivation dans toute sa complexité, car il se trouve que la motiva- tion extrinsèque a aussi des caractères sembables à la motivation intrinsèque. Ils proposent donc quatre étapes d’autodétermination dans la motivation ex- trinsèque : la régulation externe, la régulation introjectée, la régulation identi- fiée et la régulation intégrée. Deci et Ryan (2002) les définissent comme suit : - La régulation externe est la forme la moins auto-déterminée de la moti- vation extrinsèque et inclut la volonté de recevoir une rétribution et d’échap- per à uploads/Management/ 06-hori 1 .pdf
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- Publié le Apv 19, 2022
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