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Courrier du Savoir – N°16, Octobre 2013, pp.55-63 Université Mohamed Khider – B

Courrier du Savoir – N°16, Octobre 2013, pp.55-63 Université Mohamed Khider – Biskra, Algérie, 2013 INTELLIGENCE URBAINE, AU-DELÀ D'UNE PLANIFICATION E. BEREZOWSKA-AZZAG Laboratoire Ville, Urbanisme et Développement Durable VUDD Ecole Polytechnique d'Architecture et d'Urbanisme EPAU, BP.177, Route de Beaulieu, El Harrach, Alger, Algérie RÉSUMÉ La ville a évolué dans le temps, en passant par plusieurs stades de développement selon les vocations qui lui ont été assignées par les différentes périodes historiques. En accompagnant cette évolution, la conception de maîtrise de l'espace urbain a changé, pour intégrer désormais une approche stratégique qui implique un nouveau regard sur la dimension spatiale de la ville, rendu possible par le développement des sciences et des technologies numériques. De plus en plus réactive, dynamique, flexible et adaptable, la ville ne peut plus se satisfaire d'une planification spatiale figée et inerte. Se profile alors la nouvelle vision de l'intelligence urbaine, qui va bien au-delà d'une planification classique, aussi complète ou complexe soit-elle, parce que le concept de l'espace urbain a également changé. Les moyens et outils de maîtrise de développement urbain s'avérant obsolètes au fil du temps, la compréhension de la notion de l'espace a en effet évolué, pour intégrer aujourd'hui celle de l'écosystème urbain considéré comme un corps urbain, organisme vivant doté d'une intelligence. Dans cette approche, l'espace n'est plus un support planimétrique des fonctions urbaines, ni une enveloppe physique de la forme urbaine - il se dématérialise, devient multidimensionnel et développe une intelligence territoriale, économique et patrimoniale de plus en plus remarquable, face aux menaces qui guettent la ville de demain. Les changements climatiques d'une part, avec leur cortège des risques qui compromettent la sécurité hydrique, alimentaire et physique, la progression fulgurante d'urbanisation d'autre part, confrontée à des crises énergétique et économique d'une rare intensité et d'une ampleur mondiale, nécessitent en effet une grande intelligence d'action dans laquelle l'espace joue un rôle fondamental, celui de fournisseur des ressources, de protecteur d'activités vitales et de récepteur des rejets. Ce n'est donc plus son occupation ou son usage qui sont prioritaires, mais ses capacités de résilience. Sur la base de quelques exemples étrangers d'approche de cette nouvelle exigence de maîtrise de l'espace, où l'évolution des concepts, l'innovation urbaine et le management territorial marquent le pas, l'article vise à montrer que la planification urbaine doit changer de paradigme et que la possibilité de traiter l'espace autrement, en termes des réseaux systémiques intégrés, des liens logiques ou du métabolisme urbain, ouvre des perspectives nouvelles sur une planification urbaine intelligente de demain. MOTS CLES: Intelligence urbaine, planification urbaine, écosystème urbain, réticulation conceptuelle, réseaux urbains intégrés ABSTRACT The urban space evolution process was always associated to its role, according to different periods of the town development history. From the static approach, its' understanding passed to the strategic, dynamic, flexible and reactive one, which is no longer possible to integrate into the old spatial planning tools. The urban space takes today the new connotation of the urban ecosystem first, and in the second time of the organic unit, the real living body with its special needs, endowed with morphology, physiology and territorial intelligence. Facing all the stakes which are threatening our future, like the climate change, the hydrous and food stress, the major risks recrudescence, the world energy and financial crisis and, in the same time, the urban population and urbanisation rate rapid growing, the space we need must be at one and the same time a resources supplier, our vital activities protector and a waste receptor. Thus, this paper try to show that there is no more its occupation or use, but rather its capacity of resilience which becomes the most important aspect or parameter to treat by the space planning process today. Some examples of this new comprehension are exposed, included the urban metabolism, integrated network systems or critical logic links approaches, which open the new perspectives for the intelligent spatial planning for the city of tomorrow. KEYWORDS: Urban intelligence, town planning, urban ecosystem, conceptual reticulation, integrated urban networks E.BEREZOWSKA-AZZAG 56 1 INTRODUCTION La maîtrise de l'espace urbain a toujours été associée au rôle que devait jouer la ville dans les différentes périodes de son développement. Tantôt fermée et organisée pour protéger ses habitants des agressions (ville fortifiée), tantôt ouverte sur les flux d'échanges commerciaux et culturels (ville marchande, ville festive), puis dispersée pour accueillir des fonctions de production (ville industrielle), puis recentrée sur les activités de service polarisantes (ville tertiaire), enfin renouvelée face aux enjeux de l'environnement (ville écologique) et requalifiée dans l'esprit partagé et partenarial (ville durable) - la ville, son espace et sa forme urbaine se sont toujours adaptés aux évolutions des exigences fonctionnelles qui ont laissé leur empreinte dans la structure urbaine. L'approche de la notion de maîtrise spatiale a évolué en parallèle, en passant d'une simple gestion, vers la planification volontariste centralisée ou décentralisée, puis vers le management de développement, comme si la ville était une entreprise, pour aboutir aujourd'hui à la reconnaissance de la nécessité de gouvernance partagée, intégrée à la démarche de développement durable. Avec l'irruption des démarches participatives et partenariales, le management s'est donc transformé en gouvernance. Mais on ne peut pas gouverner de manière responsable, efficace, stratégique et prospective, sans l'apport de l'innovation et d'une ingénierie d'accompagnement. C'est ainsi que l'agrégation des modes de maîtrise de l'espace aboutit en fin de compte à la construction d'une vision nouvelle, celle de l'intelligence urbaine – à ne surtout pas confondre avec la ville numérique (ville intelligente), qui n'est que l'espace d'accueil et d'application de l'exercice de l'intelligence urbaine qui s'intéresse, elle, plutôt aux méthodes et outils de maîtrise holistique de développement. Figure 1: Agrégation des modes de maîtrise de l'espace, Berezowska-Azzag, 2012, 221 [1]. En considérant l'espace urbain dans ses différentes dimensions, nous allons tenter ici de montrer comment, en passant d'un espace support des activités humaines vers l'espace acteur de développement, d'un espace passif vers un espace actif, on peut passer vers la notion de l'espace intelligent, en le considérant comme élément constitutif intégral d'un système urbain qui peut être analysé, en fin de compte, comme un corps urbain, un organisme vivant doté d'une intelligence. Seule l'intelligence urbaine permet de mieux réagir face aux enjeux du moment, parce qu'elle est capable de se munir des outils nécessaires et de découpler ses capacités de résilience. 2 ESPACE ET INTELLIGENCE URBAINE, QUEL LIEN LOGIQUE ? 2.1 Espace comme support des activités humaines L'urbanisme moderne n'est plus aujourd'hui celui de plan, mais plutôt celui de projet, dont les trois dimensions fondamentales intègrent simultanément les préoccupations de l'équité sociale, de l'efficacité économique et de l'efficience environnementale. Cependant, quelque soit son échelle, le projet reste toujours tributaire de l'espace qui le supporte, qui lui fournit ses ressources (sol, eau, énergie, aliments, oxygène) et qui absorbe ses rejets. Figure 2: Empreinte écologique, d'après M. Wackernagel & W.E.Rees, 2010 [2]. C'est pourquoi la capacité de perception et de définition de l'espace vital nécessaire à supporter le développement est déjà une manifestation de l'intelligence urbaine. L'approche de planification par emprises consiste alors à évaluer, de manière prospective, à la fois l'empreinte écologique ciblée, le rayon d'approvisionnement en ressources, l'étendue des bassins fonctionnels (d'emploi, d'alimentation, de récréation et de loisirs, bassin universitaire, touristique, etc.), du bassin de vie, l'empreinte d'occupation limite au sol, etc. Il ne s'agit pas seulement d'identifier la dimension de l'espace Intelligence urbaine, au-delà d'une planification 57 d'emprise et de l'espace vital de la ville, mais aussi d'évaluer les limites de croissance physique de la ville en termes de seuils. (Berezowska-Azzag 2005) [3]. De nouveaux concepts intègrent ainsi la planification urbaine et lui confèrent une signification bien au-delà de celle d'occupation et d'usage d'un contenant, qui ignore souvent le contenu ou le subit seulement. Des recherches s'attèlent à expliquer les capacités de charge de ce périmètre, comme dans l'exemple ci-dessous d'un essai d'approche de planification par emprises, qui montre une recherche théorique d'optimisation d'usage de l'espace basée sur la théorie fractale, qui prend comme base la relation entre l'espace bâti et l'espace de biodiversité que l'on voudrait absolument maintenir en équilibre dans les milieux urbains dans une vision stratégique de durabilité (Bignier 2012) [4], et qui aboutit à la formulation des termes de référence de l'occupation au sol dans un milieu urbain donné. Figure 3: Exemple de planification par emprises. Recherche d'équilibre biodynamiques entre espace bâti et espace de biodiversité, (Chauvin R. & Clément G. in Bignier 2012: 80-81) [4]. 2.2 Espace comme élément d'un écosystème relationnel Comprendre l'espace comme un contenant n'est pas suffisant pour la logique de développement durable, qui préfère d'envisager l'espace comme élément intégral d'un système relationnel contenant/contenu. La complexité de cette relation résulte du fait que la démarche de développement durable urbain ajoute plusieurs dimensions à l'espace, qui devient du coup un capital économique à valeur ajoutée, acquiert une identité spécifique et possède une valeur patrimoniale. Figure 4: Espace comme élément d'un écosystème urbain, Berezowska-Azzag 2012:19 [5]. Nous avons alors affaire à un système de trois champs majeurs: champ socio-organisationnel qui vise la performance et développe une intelligence territoriale, champ éthique qui uploads/Management/ 7-azzag.pdf