Fenouillet, F. & Tomeh, B. (1998) “ La motivation agit-elle sur la mémoire ? ”,
Fenouillet, F. & Tomeh, B. (1998) “ La motivation agit-elle sur la mémoire ? ”, Éducation permanente, 136, 37-45. 1 Fabien Fenouillet Université Rennes II UFR de Psychologie 6, rue Gaston Berger 3500 Rennes Cedex Bachira Tomeh Laboratoire CIVIIC Université de Rouen UFR de Psychologie, Sociologie, Sciences de l’éducation 76821 Mont Aignan Cedex La motivation agit-elle sur la mémoire ? Résumé : Cet article fait une revue de questions sur les études qui traitent de l’impact de la motivation sur la mémoire. Une distinction est opérée entre les travaux qui ont étudié l’influence de la motivation sur la mémoire à court terme et ceux qui l’ont étudiée sur la mémoire à long terme. Les principales conclusions sont que la motivation agit sur la mémoire à court terme au travers de l’attention tandis qu’elle agirait sur la mémoire à long terme par le biais des processus d’organisation. Introduction Il n’est pas rare que certains apprenants soient qualifiés par leurs enseignants d’apprenants « motivés » et que, parallèlement, d’autres soient étiquetés comme « démotivés », « apathiques » ect... Que doit-on entendre par « apprenant motivé » ? Y aurait- il une relation entre motivation et intelligence, motivation et mémoire ? Le sujet est vaste aussi cet article est beaucoup plus modeste puisqu’il va simplement tenter de répondre, à l’aide des données fournies par la psychologie cognitive, à une seule question : La motivation a-t-elle une action sur la mémoire ? Cette simple question est complexe dans la mesure où d’une part le terme de motivation est largement polysémique et d’autre part où il existe de nombreuses conceptions du fonctionnement de la mémoire. Il semble donc indispensable, dans un premier temps, de Fenouillet, F. & Tomeh, B. (1998) “ La motivation agit-elle sur la mémoire ? ”, Éducation permanente, 136, 37-45. 2 clarifier chacun des deux termes séparément afin de mieux mettre en lumière, dans un deuxième temps, l’impact de la motivation sur la mémoire. Définition de la motivation Quand peut-on dire qu’un apprenant est motivé ? Selon Vallerand et Thill (1993) « le concept de motivation représente le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement » (p 18). Si nous utilisons cette définition pour répondre à notre question il est possible de dire qu’un apprenant distrait qui se met à écouter ce que dit l’enseignant est motivé dans la mesure où il déclenche un comportement. De même, un apprenant motivé qui planifie une stratégie d’apprentissage dirige son comportement en fonction de cet apprentissage. L’apprenant qui produit à un moment donné un effort important, ou intense, pour apprendre un cours montre encore une fois qu’il est motivé. Enfin l’apprenant qui produit cet effort d’apprentissage régulièrement se montre persistant et donc motivé. Bien sûr, il ne s’agit là que d’une définition possible du concept de motivation, chacune des nombreuses théories motivationnelles pouvant proposer une définition plus opératoire ou du moins plus spécifique en fonction des postulats théoriques. Approche cognitive de la mémoire En ce qui concerne la mémoire le problème d’une définition générale se pose en fonction de la façon dont le fonctionnement de la mémoire est modélisé. L’angle d’approche choisi dans le cadre de cet article est celui de la psychologie cognitive et des modèles modulaires de la mémoire. En effet, de nombreuses expériences tendent à dire que les informations (mots, images, sons…) peuvent être stockées de différentes manières dans notre mémoire. Le temps est un des facteurs clefs qui permet de distinguer ces différents stockages. Ainsi, les informations sont d’abord stockées en mémoire sensorielle pendant quelques centièmes de seconde, puis en mémoire à court terme pendant quelques secondes et enfin en mémoire à long terme de façon permanente. Avec ce type de modèle on se rend compte que l’on ne peut plus parler de LA mémoire mais DES mémoires. Dans une perspective dynamique, on peut également dire que les informations passent d’une mémoire à l’autre à la manière des vases communicants. Cependant le passage d’une mémoire à l’autre fonctionne Fenouillet, F. & Tomeh, B. (1998) “ La motivation agit-elle sur la mémoire ? ”, Éducation permanente, 136, 37-45. 3 comme un goulet d’étranglement. Seule une petite partie des informations stockées en mémoire sensorielle passe en mémoire à court terme et de même quelques unes des informations présentent en mémoire à court terme sont stockées en mémoire à long terme (cf. Lieury, 1992 pour plus de détails). Cette brève présentation du fonctionnement de la mémoire et de la pluralité des modules de stockage démultiplie d’autant le questionnement : Sur quelles mémoires agit la motivation ? Motivation et mémoire à court terme En 1971, deux auteurs, Atkinson et Wickens, spécialisés dans l’étude de la mémoire se sont interrogés sur les possibilités d’actions de la motivation sur la mémoire. Ces deux auteurs n’étant pas spécialistes de la motivation ne se sont donc pas embarrassés avec les différentes théories motivationnelles de leur époque pour étayer leurs propos. La théorie qu’ils proposent sur l’action de la motivation sur la mémoire repose donc sur des expériences qui utilisent la motivation incitative telle que la récompense monétaire. D’emblée, les auteurs estiment que la motivation ne peut agir directement sur les processus dit automatiques. Ces processus dit automatiques agissent sans que l’individu ait conscience de leur action. De même, la motivation ne peut augmenter le nombre d’informations qu’il est possible de stocker en mémoire à court terme, c’est à dire 7±2. Par contre, ils estiment que la motivation peut agir sur les processus dits contrôlés tel que des stratégies d’apprentissage, c’est à dire sur ceux que l’individu contrôle consciemment. En ce qui concerne les processus contrôlés les auteurs s’orientent vers deux grandes possibilités d’action de la motivation incitative sur la mémoire à court terme. La première possibilité se joue au niveau attentionnel. La motivation va agir sur la mémoire à court terme car les informations motivantes qui reçoivent davantage d’attention, ont davantage de chance d’être stockées en mémoire. La deuxième possibilité se trouve au niveau du processus d’autorépétition. En effet, les informations qui sont les plus répétées sont également celles qui restent le plus longtemps en mémoire à court terme. De nombreuses recherches sur l’interaction entre motivation et mémoire ont cherché à savoir si la motivation a un effet sur la mémoire lorsque, dans une liste, une partie des informations (qui peuvent être des mots ou des trigrammes de lettres) est fortement récompensée alors qu’une autre partie l’est moins. Dans leur expérience, Eysenck et Eysenck (1980) utilisent une liste de 24 mots dont la moitié est récompensée par 10 pences alors que l’autre moitié des items est récompensée par 2 pences. Les items fortement incitatifs sont Fenouillet, F. & Tomeh, B. (1998) “ La motivation agit-elle sur la mémoire ? ”, Éducation permanente, 136, 37-45. 4 imprimés en lettres rouges et ceux faiblement incitatifs sont imprimés en lettres noires. L’expérience utilise 4 listes et durant les deux premières, le sujet a pour instruction de répéter à haute voix les mots qu’il apprend. Les mots fortement rémunérés sont mieux rappelés que les mots faiblement rémunérés. De plus, les mots fortement rémunérés sont plus répétés (24.43 répétitions) que les mots faiblement rémunérés (17.1 répétitions). La récompense peut également être distribuée pour tous les items d’une liste de mots. Or, selon Atkinson et Wickens, il ne devrait apparaître aucune différence entre les listes fortement et faiblement récompensées dans la mesure où, le processus de répétition ne permet pas de stocker davantage d’informations (dans les paradigmes avec récompense différentielle, les items les plus fortement récompensés sont mieux rappelés au détriment des items les plus faiblement récompensés), et la sélection de l’information ne peut jouer. Effectivement, plusieurs auteurs ont montré que, dans ce cas, la récompense ne permet pas un meilleur rappel de l’information. Il reste intéressant cependant de constater que certaines expériences montrent un effet inverse, c’est à dire une action de la motivation dans les mêmes conditions de distribution de la récompense (cf. Fenouillet, 1996, pour plus de détails). La récupération de l’information, c’est à dire le rappel en lui-même, est un des points d’étude de la mémoire qui a suscité un nombre important de recherches et qui a donné lieu à de nombreuses théories telle que celle de la mémoire épisodique (Tulving, 1985). Atkinson et Wickens (1971) estiment également que la motivation permet d’augmenter la récupération. Si l’information concernant la valeur de l’item est stockée en même temps que celui-ci, alors le sujet pourra se servir de cette valeur pour chercher en mémoire où se trouvent les items qui lui sont associés (Eysenck, 1983). Les sujets devraient également consacrer plus de temps et d’effort dans la récupération de l’information fortement récompensée. De nombreuses études se sont intéressées à la question en n’offrant la récompense qu’au moment du rappel, mais généralement cette offre n’a aucun effet (Wasserman, Weiner & Houston, 1968; Weiner, 1966; Wickens & Simpson, 1968; Loftus & Wickens, 1970). Dans un autre champ que celui de la motivations incitative, Graham et Golan (1991) utilisent l’implication uploads/Management/ actionmotivationmemoire-2.pdf
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- Publié le Jul 18, 2022
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