1 AUTONOMIE À lire la plupart des projets d'écoles ou des projets d'établisseme

1 AUTONOMIE À lire la plupart des projets d'écoles ou des projets d'établissements, à consulter les instructions ministérielles, à entendre les parents et les enseignants, on découvre que l'"autonomie" est au centre de tous les discours. On veut former des élèves autonomes, des enfants autonomes, former à l' "autonomie requise pour l'exercice d'une citoyenneté responsable", etc. Or, à regarder de près les pratiques scolaires et les comportements des élèves, on découvre que, en réalité, ce n'est pas l'autonomie qui est développée mais bien plutôt quelque chose comme la débrouillardise. En fait, ce qui est vraiment formé à l'école c'est la capacité à s'en tirer le mieux possible avec le moins d'efforts possible, à faire semblant d'écouter plutôt que d'être vraiment attentif, à interpréter ce que le maître veut qu'on dise plutôt qu'à comprendre réellement ce qu'il dit, à échapper à la punition quand on n'a pas fait son travail, à ne pas se faire interroger quand on n'a pas appris sa leçon, etc. Ainsi se construisent d'étranges mais efficaces attitudes qui permettent d'apparaître bon élève plutôt que l'être vraiment et de se débrouiller dans l'imbroglio des propositions scolaires... Une fois acquises, ces attitudes permettront de choisir correctement ses langues et ses sections, de calculer au mieux les investissements minima pour parvenir à ses fins personnelles. Certes, l'Ecole n'est pas, à elle seule, responsable de cette confusion entre l'autonomie et la débrouillardise : il existe une multitude de pratiques sociales qui invitent à aller dans ce sens. Mais peut-être, précisément, l'Ecole a-t-elle, ici, un devoir de résistance et ne doit-elle pas hésiter à travailler à contre-courant ? Peut-être doit-elle former à une autonomie véritable qui soit, en même temps, interrogation sur l'efficacité et sur la valeur de ses actes ? Peut-être ne doit-elle pas systématiquement favoriser ceux qui connaissent déjà, en raison d'une sorte de complicité culturelle et sociale, les règles du jeu ? Peut-être doit-elle apprendre à tous les élèves à voir les conséquences à long terme de ce qu'ils font au lieu de s'en tenir à une rentabilité immédiate ? Car la véritable autonomie, en tant qu'elle est "apprentissage à la capacité de se conduire soi-même", met en jeu, de manière étroitement liée, trois dimensions : la définition d'un champ de compétences précises pour l'éducateur, une option sur des valeurs que l'on cherche à promouvoir et une appréciation du niveau de développement de la personne. La définition d'un champ de compétences d'abord : tout le monde peut se former à l'autonomie mais n'importe qui n'est pas capable de promouvoir cette autonomie dans tous les domaines. Une assistante sociale visera l'autonomie des familles dans la gestion de leur budget par la lutte contre le surendettement. Une infirmière pourra former à l'autonomie dans le domaine de la santé en apprenant aux personnes à gérer intelligemment leur armoire à pharmacie. Un animateur de MJC voudra amener les habitants de son quartier à une autonomie dans la manière d'utiliser leur temps de loisir en profitant des infrastructures socioculturelles mises à leur disposition. L'enseignant a, quant à lui, la responsabilité de former ses élèves à l'autonomie dans la gestion de leur travail scolaire: c'est à lui à leur apprendre à s'organiser, à trouver les méthodes les plus efficaces pour apprendre leur leçon ou réviser leur contrôle, à évaluer les résultats qu'ils atteignent, à chercher les remédiations requises, etc.: c'est là une tâche qui lui revient de droit en tant qu'il est un spécialiste des apprentissages scolaires; il ne doit en aucun cas laisser cette tâche aux parents qui ne sont ni formés, ni bien placés pour cela... Chaque parent sait bien, en effet, - même s'il est enseignant - qu'il n'est jamais le mieux placé pour "faire travailler" ses enfants; chacun a fait l'expérience de cette "surchauffe affective" qui menace quand, dans un sursaut de "conscience parentale", il s'entête à remplacer un instituteur sans disposer de la distance affective nécessaire; le chantage affectif est toujours là, latent, en dépit de toutes les bonnes intentions: "si tu m'aimais vraiment, tu saurais faire cette division"! Cela ne veut pas dire, bien sûr, que les parents n'ont aucune responsabilité en matière de formation à l'autonomie: mais il vaut mieux profiter des occasions offertes par la vie familiale pour cela... l'organisation d'un voyage ou d'un goûter, la participation à des L'autonomie d'élève est un grand sujet dans la société 2 travaux de bricolage, la réflexion sur l'usage de la télévision par une lecture collective des programmes et un choix raisonné des émissions, tout cela fournit d'excellentes occasions de réfléchir à ce qu'est une attitude autonome dans laquelle on se laisse pas dicter ses choix. Et les parents sont bien plus efficaces là, en faisant leur métier de parent, qu'en jouant aux instituteurs du soir ! La formation à l'autonomie suppose, ensuite, une option lucide sur les valeurs que l'on cherche à promouvoir : car, il n'est aucune manière de se comporter qui n'engage pas une certaine conception de l'humanité et de la socialité. Et, ces valeurs, bien souvent, sont implicites... quand elles ne sont pas ouvertement en contradiction avec les intentions affichées. Qui ne connait pas ces situations où l'on parle sans cesse de la solidarité quand, par ailleurs, l'on invite à réussir en écrasant ou humiliant le voisin? Or, être autonome c'est accéder progressivement aux enjeux de ses propres actes et non agir en fonction des seuls intérêts du moment sans apercevoir le type de société qui se profilerait si ces comportements étaient systématisés. Et, dans ce domaine, les enseignants ont une responsabilité toute particulière: c'est à eux d'assurer, à travers les apprentissages scolaires, la formation à certaines valeurs fondatrices de l'humanité. C'est à eux d'amener, en particulier, les élèves à surseoir à la violence immédiate dans leurs actes et leurs paroles et à réfléchir avant d'agir... des dispositifs comme "le conseil" ou "la boite aux lettres", mais aussi des attitudes quotidiennes dans le dialogue en classe sont ici déterminants. Certes, les enseignants ne sont pas les seuls à devoir former de telles attitudes, mais ils ont à y contribuer, à travers leur spécificité. Enfin, la formation à l'autonomie suppose une appréciation du niveau de développement atteint par un sujet : en effet, en matière d'autonomie, on connaît trop bien ces sortes de convulsions pédagogiques dont sont pris, parfois, les enseignants que nous sommes... Nous annonçons aux élèves que nous voulons les former à l'autonomie et nous mettons en place des situations trop difficiles à gérer pour eux: comme nous observons, alors, qu'ils "en profitent pour chahuter ou ne pas travailler", nous revenons à des situations traditionnelles, sous les yeux ravis des spécialistes du "je vous l'avais bien dit" et nous annonçons péremptoirement aux élèves qui n'y comprennent pas grand chose: "c'est tout ce que vous méritez!" C'est que nous avons mal évalué le niveau du développement des élèves et n'avons pas su doser correctement les apprentissages que nous leur avons proposés. Car tout se joue, en effet, dans le rapport entre le développement et l'apprentissage. Pour faire simple, disons qu'il y a toujours eu, sur ce sujet, deux thèses antagonistes: d'une part, il y a ceux qui, croyant être fidèles à Piaget, considèrent que le développement précède l'apprentissage ; pour eux, si un enfant ne parvient pas à apprendre, c'est qu'"il n'est pas assez mur" ou qu' "il n'a pas atteint le bon stade"; il convient donc d'attendre patiemment que l'enfant se développe pour lui proposer les apprentissages correspondants. D'autre part, il y a ceux qui, croyant témoigner par là de leur confiance absolue dans la "nature humaine", pensent que l'on peut faire apprendre n'importe quoi à n'importe qui n'importe quand et que le développement se réduit à la somme des apprentissages. Les premiers pratiquent une pédagogie attentiste, les autres une pédagogie volontariste... les uns et les autres risquent de basculer dans de dangereuses dérives: l'abstention pédagogique pour les premiers, le dressage pour les seconds. Or un psychologue russe mort en 1937, Vygotsky, nous donne les moyens de dépasser cette alternative: il montre qu'il existe bien une logique du développement (on ne peut pas apprendre n'importe quoi n'importe quand) mais que les apprentissages précèdent et ne suivent pas le développement : on peut apprendre des éléments nouveaux et acquérir des fonctions psychiques qui sont légèrement supérieures au niveau de développement atteint par le sujet à condition de lui fournir les aides didactiques requises. Dans cette perspective, la fonction du pédagogue est d'estimer - avec une marge d'appréciation qui est nécessairement un peu approximative - le niveau de développement atteint et de proposer des acquisitions accessibles mais nettement supérieures à ce qu'il sait déjà : dans un premier temps, le sujet ne pourra fonctionner "au dessus de ses possibilités" qu'avec tout un dispositif d'étayage, dans un second temps, il parviendra à l'autonomie dans l'exercice et l'usage de ces fonctions nouvelles si on prend la peine de procéder à un désétayage progressif. 3 Plus concrètement, il s'agit d'abord de construire des situations de formation tant dans leur dimension socio- relationnelle que dans leur dimension cognitive : assurer la uploads/Management/ autonomie.pdf

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  • Publié le Oct 28, 2022
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