Les cahiers des leçons inaugurales La gestion du risque fiscal : une pratique d

Les cahiers des leçons inaugurales La gestion du risque fiscal : une pratique de saine gouvernance Suzanne Landry Professeure titulaire Service de l’enseignement des sciences comptables 9 décembre 2011 Suzanne Landry Titulaire d’une maîtrise en fiscalité (Université de Sherbrooke, 1991) et d’un doctorat en administration, option comptabilité (University of Florida, 1998), Suzanne Landry est membre de l’Ordre des comptables agréés du Québec et de l’Ordre des comptables en management accrédités du Québec. Elle détient également la double désignation honorifique de Fellow décernée par ces deux ordres professionnels pour sa contribution au rayonnement de la profession soit les titres de FCA et de FCMA. Elle est aussi associée universitaire du cabinet Raymond Chabot Grant Thornton. Mme Landry est professeure titulaire de comptabilité et fiscalité Roland-Chagnon au Service de l’enseignement des sciences comptables. Ses intérêts de recherche portent principalement sur la fiscalité des entreprises et les réorganisations, sur la fiscalité de l’actionnaire-dirigeant, notamment la transmission d’entreprises familiales et la gouvernance d’entreprises. Promus titulaires, les professeurs de HEC Montréal sont invités à donner un discours inaugural, appelé leçon inaugurale, à l’intention de la communauté universitaire. Dans le cadre de cette leçon, les professeurs font part de leurs réflexions sur leur carrière et sur la pratique de gestion. COPYRIGHT © décembre 2011, Suzanne Landry LA GESTION DU RISQUE FISCAL : UNE PRATIQUE DE SAINE GOUVERNANCE TABLE DES MATIÈRES Introduction ........................................................................................................... 5 I. Le risque fiscal : contexte et définition .................................................... 8 A. Les catégories de risques fiscaux ............................................................. 9 B. Le cas particulier du risque de réputation .............................................. 10 II. Le risque fiscal : pourquoi s’en préoccuper ? ....................................... 12 III. La gestion du risque fiscal : quelles sont les parties prenantes ? ........ 14 A. La direction ............................................................................................ 14 B. Les actionnaires ..................................................................................... 15 C. Le conseil d’administration.................................................................... 16 D. Les gouvernements ................................................................................ 16 IV. La gestion du risque fiscal : une pratique de saine gouvernance ? ..... 17 A. Le modèle traditionnel de référence ...................................................... 17 B. La politique de gestion du risque fiscal : les éléments à considérer ...... 18 C. Quel est le rôle de la direction ? ............................................................. 19 D. Quel est le rôle du conseil d’administration ? ........................................ 21 Mot de la fin ......................................................................................................... 24 Bibliographie ....................................................................................................... 25 Annexe 1 – Le cadre de gestion du risque fiscal ............................................... 29 Annexe 2 – La recherche académique portant sur la composition du conseil d’administration .................................................................................................. 30 5 Introduction L’impôt est une charge importante d’exploitation qui influe sur les résultats et la situation financière d’une entreprise. C’est pourquoi la direction des entreprises tente de minimiser cette charge en faisant appel à une panoplie de stratégies fiscales, incluant celles qui respectent l’esprit de la loi et celles considérées comme « agressives ». L’utilisation de stratégies fiscales agressives1 est susceptible d’augmenter le risque fiscal à un niveau possiblement inacceptable. De telles stratégies sont souvent perçues par le public comme un manquement à l’éthique et une entrave à la responsabilité sociale des entreprises. Afin de pallier cette situation, de nombreux auteurs préconisent d’améliorer la gouvernance d’entreprise et d’accroître la transparence de l’information financière des sociétés. De plus en plus d’investisseurs, d’analystes financiers et de chercheurs examinent les écarts entre le bénéfice avant impôts et le revenu imposable. Un rapport présenté au Congrès américain a remis en cause les pratiques d’affaires de la société Enron qui affichait un revenu imposable nul de 1996 à 1999 alors qu’elle déclarait pour la même période des bénéfices comptables de 2,3 milliards de dollars2. Des analystes financiers aux États-Unis ont aussi blâmé les auditeurs externes de ne pas s’être souciés de l’écart entre le bénéfice avant impôts et le revenu imposable de la société WorldCom3. L’attention grandissante accordée à la responsabilité sociale a nettement contribué à remettre en question la stratégie de minimisation des impôts. De nos jours, l’entreprise se doit d’agir en bon citoyen corporatif en payant sa juste part des impôts. 1Dans ce document, les expressions « stratégie fiscale agressive» et « planification fiscale agressive » englobent les concepts d’« évitement fiscal » et d’« évasion fiscale ». 2Report of Investigation of Enron Corporation and Related Entities Regarding Federal Tax and Compensation Issues, and Policy Recommendations, vol. I-III, US Congress, JCS-3-03, Washington, D.C., février 2003. 3 Fortune, 12 août 2002. 6 Les entreprises devraient être proactives dans le maintien de leur image et de leur réputation. Elles doivent déterminer et évaluer leur risque fiscal. Une étude de KPMG publiée en 2004 révèle que, malgré le fait que les dirigeants aient l’obligation de maximiser la richesse des actionnaires, la minimisation du fardeau fiscal d’une société par le strict respect de la loi n’est plus une pratique acceptable. Un tel comportement pourrait nuire à la réputation de la société et détruire la richesse des actionnaires (Owens, 2005). Le risque fiscal est souvent ignoré parce que la direction estime généralement que la fiscalité est un sujet technique qui présente peu d’intérêt pour les actionnaires, les investisseurs et les autres parties prenantes. Lorsque le risque fiscal est pris en compte, il est souvent considéré comme peu élevé. En conséquence, la direction délègue la gestion de ce risque au service de la fiscalité sans que le conseil d’administration y prenne la moindre part. Ignorer ou minimiser le risque fiscal peut aller à l’encontre de l’objectif de maximiser la richesse des actionnaires. En effet, le cours des actions peut subir l’impact des considérations sociales et éthiques. La fiscalité constitue une dimension de plus en plus importante de la responsabilité sociale des entreprises dans le contexte actuel où les gouvernements tentent par tous les moyens de réduire leur déficit. Le public est peu tolérant et particulièrement critique à l’égard des fraudes fiscales qui font la manchette des journaux. Les gouvernements redoublent d’effort pour contrer les planifications fiscales agressives. Par exemple, en 2004, l’Agence du revenu du Canada identifiait le phénomène des planifications fiscales agressives comme l’un des principaux risques d’inobservation fiscale. Les membres du Forum sur l’administration fiscale de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont rédigé, en 2006, la Déclaration de Séoul : 7 « L’application de nos droits fiscaux respectifs est aujourd’hui plus difficile car la libéralisation du commerce et des capitaux et les progrès technologiques ouvrent à un nombre croissant de contribuables les portes du marché mondial. Cet environnement économique plus ouvert est certes propice aux affaires et à la croissance mondiale, il peut toutefois mener à la mise en place de structures en marge de la réglementation fiscale et de schémas et pratiques, de la part des contribuables tant nationaux qu’étrangers, qui favorisent le non-respect de nos droits fiscaux respectifs4. » La Déclaration de Séoul contient un certain nombre de recommandations visant à freiner l’inobservation fiscale, notamment l’obligation de divulguer les planifications fiscales agressives et le renforcement des systèmes de sanctions. Plusieurs pays comme le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni ont déjà mis en place des règles de divulgation obligatoire. Outre le renforcement des systèmes de sanctions, la Déclaration de Séoul fait la recommandation suivante : « Encourager les dirigeants et les comités d’audit des grandes entreprises (par ex. les PDG et les membres des conseils d’administration) à s’intéresser de plus près et à assumer la responsabilité de leurs stratégies fiscales5. » Cette leçon inaugurale porte sur la gestion du risque fiscal dans le cadre des pratiques de saine gouvernance. 4 OCDE, Déclaration de Séoul, (2006), p.3. 5 Ibid., note 4, p. 5. 8 I. Le risque fiscal : contexte et définition L’impôt est une charge importante d’exploitation d’une entreprise. Même si cette charge fiscale est inévitable, la direction de l’entreprise a la responsabilité de la gérer. À cette fin, la direction peut faire appel à une variété de stratégies fiscales, plus ou moins élaborées, qui lui permettent de minimiser le fardeau fiscal de l’entreprise et, en conséquence, son taux d’imposition effectif6. Traditionnellement, la direction d’une entreprise cherche des moyens pour minimiser les impôts même si ces moyens risquent de contrevenir aux lois fiscales. Cela veut dire que la direction ignore ou sous-estime le risque de non- conformité fiscale (KPMG, 2006). Cette façon de faire satisfait le conseil d’administration et les actionnaires puisque ces derniers jugent que le risque fiscal est généralement peu élevé et considèrent que la conformité fiscale est une préoccupation des autorités fiscales et des tribunaux. Toutefois, les scandales financiers des dernières années et les pressions sociales obligent les parties prenantes des entreprises, notamment la direction et le conseil d’administration, à remettre en question l’évaluation du risque fiscal et sa gestion. On semble admettre qu’une stratégie de minimisation des impôts et de gestion du taux d’imposition effectif pourrait entraîner un niveau de risque fiscal inacceptable. En effet, les économies d’impôts réalisées pourraient être bien inférieures au coût résultant de la détérioration de la réputation de l’entreprise. 6 Il existe plusieurs définitions du taux d’imposition effectif. Parmi ces définitions, il y a le rapport entre la charge d’impôts exigibles et le bénéfice avant impôts ou le ratio du montant d’impôts payés par rapport au bénéfice avant impôts. 9 A. Les catégories de risques fiscaux uploads/Management/ cahier-landry-suzanne-2011-12-09-pdf.pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Apv 04, 2022
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 1.4702MB