Christine Hardy, Laurence Schifrine, Saverio Tomasella Habiter son corps La mét
Christine Hardy, Laurence Schifrine, Saverio Tomasella Habiter son corps La méthode Alexander © Groupe Eyrolles, 2006 ISBN : 2-7081-3473-6 9 © Groupe Eyrolles Chapitre 1 1 1 1 Qu’est-ce que la méthode Frederick Matthias Alexander ? « Une conscience s’élargissant permet de plus en plus des accomplissements heureux… Elle souligne un processus continu qui amène plaisir et intérêt dans les actes de la vie les plus simples. Les processus psychophysiques fondamentaux conscients n’ont pas de fin ; ils sont continus et connotent donc une évolution et un développement continus. » (F. M. Alexander.) Un enseignement fondé sur le mouvement Comment devenir soi-même, bien vivre dans son corps, s’ouvrir aux autres ? Comment mener une existence qui nous ressemble ? Nous nous posons tous de telles questions et cherchons à y répondre… La méthode Alexander propose une aide importante pour mieux se connaître et évoluer vers une libération. De ce fait, elle partage avec la H A B I T E R S O N C O R P S 10 © Groupe Eyrolles psychanalyse de très nombreux points communs. Ainsi, l’une et l’autre sont non seulement tout à fait compatibles, mais également complé- mentaires. Nous allons comprendre pour quelles raisons et de quelles façons… « La psychanalyse se situe en ce lieu où deux aires de jeu se chevauchent, celle du patient et celle du thérapeute : en psychothérapie, à qui a-t-on affaire ? À deux per- sonnes en train de jouer ensemble. Le corollaire serait que là où le jeu est possible, le travail du thérapeute vise à amener le patient d’un état où il n’est pas capable de jouer à un état où il est capable de le faire1. » Transposée en méthode Alexander, cette idée se traduit ainsi : le travail Alexander se situe en ce lieu où deux aires de mouvement se chevau- chent, celle de l’élève et celle du professeur. En Alexander, à qui a-t-on affaire ? À deux personnes en train de se mouvoir ensemble. Le corollaire serait que lorsque le mouvement est possible, le travail du professeur vise à amener l’élève d’un état où il n’est pas en mouvement à un état où il est capable de l’être. La méthode Alexander est l’objet d’un enseignement sur le mouvement, sur le mouvement global de la personne entière. C’est plus par l’expé- rience que par les mots que l’on en trouve le sens. Cet enseignement repose sur une démarche très concrète. L’idée est simple : le travail est fondé sur une relation dynamique entre la tête et la colonne vertébrale, sur le fonctionnement de la musculature profonde, appelée musculature de l’être. La mise en pratique est plus complexe puisqu’elle concerne l’être dans sa globalité. 1. WINNICOTT D., Jeu et réalité, l’espace potentiel, Gallimard, Paris, 1975. Q U ’ E S T - C E Q U E L A M É T H O D E F R E D E R I C K M A T T H I A S A L E X A N D E R ? 11 © Groupe Eyrolles Au cours de l’échange que représente une leçon Alexander, l’élève va se percevoir d’une manière nouvelle. L’équilibre, la justesse de l’attitude, la souplesse et la liberté des gestes vont être développés. Ce travail favorise une meilleure coordination de la personne et un recentrage de ses mouvements. Nous présentons ici les principes fondamentaux du travail Alexander : le contrôle premier ou mouvement premier, la reconnaissance des habitudes, l’inhibi- tion et le non-faire, les directions, et la non-fiabilité des sensations. Nous reviendrons sur ces concepts par la suite. Le contrôle premier : cette relation essentielle entre la tête et la colonne vertébrale Frederick Matthias Alexander (1869-1955) est né en Tasmanie. Acteur shakespearien, il a découvert et mis au point sa méthode pour répondre à un problème d’aphonie. Aucun médecin ni professeur de chant n’ayant réussi à l’aider, il décida de trouver lui-même la solution. Contemporain de Sigmund Freud, il pratiqua d’abord à Melbourne, puis à Sydney, pour s’installer finalement en Angleterre en 1904. Au cours de sa longue et patiente recherche – neuf ans –, il découvrit l’existence d’un mouvement intérieur naturel qu’il appela tout d’abord premier mouvement avant tout acte, puis contrôle premier. Il s’agit de cette relation vivante et dynamique entre la tête et la colonne vertébrale, qui permet une mobilité plus équilibrée et plus harmonieuse de toute la personne. « Il existe un contrôle premier de l’usage de soi gouvernant le fonctionnement de tous les mécanismes et rendant ainsi le contrôle si complexe de l’organisme humain rela- tivement simple1. » 1. ALEXANDER F. M., The Use of the Self, Orion, 2002. H A B I T E R S O N C O R P S 12 © Groupe Eyrolles 1. ALEXANDER F. M., The Universal Constant in Living, Mouritz, Londres, 2000. Ce premier mouvement est plus ou moins encombré et empêché chez chacun de nous, parce que nous avons tendance à en « faire trop ». C’est par ce trop que nous interférons dans ce mouvement et que nous l’arrêtons. L’un des buts de la méthode Alexander est donc de défaire ce qui est en trop, d’apprendre à se laisser tranquille. Nous pourrions considérer qu’il devrait être naturel de fonctionner au mieux. Pourtant, nos habitudes, les principes et les idées toutes faites transmises de générations en géné- rations, ainsi que les difficultés que nous rencontrons, perturbent ce fonc- tionnement naturel. La reconnaissance des habitudes Pour tenter de « faire moins », nous devons d’abord identifier ces habi- tudes et ces automatismes. « J’utilise le mot “habitude” dans son sens le plus large, comme l’incarnation de toutes réactions humaines instinctives ou autres, observables dans notre manière de nous utiliser et déterminées par elle comme une influence constante opérant pour ou contre nous dans des circonstances données et à un moment donné1. » « Amener le non-conscient au conscient », proposait F. M. Alexander : ne plus vivre dans les automatismes et les habitudes. Les habitudes de pensée font partie des habitudes de mouvement. En faisant l’effort de prendre conscience de nos schémas de tensions et de nos comportements répétitifs habituels, nous développons notre présence, ce qui nous évite de nous précipiter dans une réponse « habituelle ». En nous donnant ce temps, cet espace, nous nous offrons la possibilité de choisir notre réponse à telle ou telle sollicitation. « Revenant à ma définition du subconscient, on verra que je le considère comme une manifestation de l’essence vitale partiellement consciente, fonctionnant de temps en Q U ’ E S T - C E Q U E L A M É T H O D E F R E D E R I C K M A T T H I A S A L E X A N D E R ? 13 © Groupe Eyrolles 1. ALEXANDER F. M., Man Supreme Inheritance, Kessinger Publishing, Whitefish, 2005. 2. ALEXANDER F. M., The Universal Constant in Living, op. cit. temps de façon très vivante mais dans l’ensemble de façon incomplète. On peut donc en déduire que nous devrions donner un sens à nos comportements pour amé- liorer la conscience de cette essence vitale1. » L’inhibition Après avoir identifié nos habitudes et nos automatismes, nous pouvons, en nous servant du « principe d’inhibition », choisir d’être attentifs aux « moyens par lesquels » nous allons réaliser l’action désirée, de façon à laisser actif le mouvement premier. L’inhibition préconisée par F. M. Alexander est différente de l’inhibition chez Freud. Elle n’est pas une contrainte ou un frein inconscient. Au contraire, elle permet la libre circulation de l’énergie, pour que celle-ci ne soit pas détournée ou entachée par la volonté. C’est une non-interférence, c’est un souffle, un temps, un espace vivant que la personne s’accorde pour choisir sa réponse à la sollicitation de l’instant. C’est un moyen de ne pas tomber dans ses automatismes. « L’inhibition est une potentialité de la plus haute valeur dans toute tentative de chan- gements chez l’être humain et mon expérience m’a convaincu que c’est la potentia- lité qui a le plus grand besoin d’être développée2… » Les directions Les directions en Alexander sont des « souhaits », des messages envoyés consciemment au cerveau pour l’exécution d’un acte. Pour reprendre une expression propre à F. M. Alexander, elles désignent les « moyens par lesquels » telle ou telle action peut être exécutée de la meilleure façon possible. Les directions ne sont pas de l’ordre du « faire », mais plutôt du « non-faire » et du « laisser-faire ». H A B I T E R S O N C O R P S 14 © Groupe Eyrolles Les premières directions d’Alexander correspondent au mouvement premier. Elles se formulent ainsi : laisser le cou tranquille pour permettre à la tête d’aller vers l’avant et vers le haut, et au dos de s’allonger et de s’élargir… Les directions sont difficiles à comprendre et à aborder. Au début, elles donnent l’impression de rendre tout très compliqué et d’empêcher la uploads/Management/ habiter-son-corps-chap1-hardy.pdf
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- Publié le Dec 09, 2022
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