1 Utilisation des critères non financiers pour évaluer ou piloter la performanc
1 Utilisation des critères non financiers pour évaluer ou piloter la performance : analyse théorique Evelyne Poincelot∗, Maître de conférences en Sciences de Gestion, HDR, IAE de Dijon / LEG Grégory Wegmann, Maître de conférences en Sciences de Gestion, IAE de Dijon / LEG Septembre 2004 Cahiers du Fargo : n° 1040902 ∗ Correspondance : Institut d’Administration des Entreprises, Pôle d’Economie et de Gestion - BP 26611 - 21066 Dijon Cedex evelyne.poincelot@u-bourgogne.fr. Résumé : Les déterminants justifiant l'utilisation des critères non financiers pour évaluer ou piloter la performance renvoient à des explications théoriques en liaison avec les approches contractuelles et cognitives. L'objectif de notre article est de proposer pour ces deux approches une analyse théorique. Pour l'approche contractuelle, nous dressons une typologie des explications du choix des critères non financiers avancées dans les travaux existants. Nous montrons également que d’autres théories auraient pu être mobilisées. Pour l'approche cognitive, nous précisons les travaux qui établissent explicitement un lien entre une lecture théorique et les critères non financiers ainsi que d’autres travaux pour lesquels nous établissons ce lien. Nous précisons enfin le référentiel théorique auquel peuvent se rattacher des outils présentant de nombreux critères non financiers comme le Balanced Scorecard ou le Capital Intellectuel. Mots clés : Critères non financiers - Théories contractuelles - Théories cognitives – Contrôle - Performance. Abstract: The Use of Non-financial Measures to Evaluate or Manage the Performance: A Theoretical Analysis The determinants which explain the use of non-financial measures in order to evaluate or drive the performance belong to disciplinary (contractual) and knowledge-based approaches. The aim of this paper is to propose a theoretical analysis of these explanations. For the disciplinary view, we realize a typology of the existing literature. We show that others theories explain the choice of non-financial measures too. For the knowledge-based view, we propose a synthesis of the existing literature in which the link between non-financial and theoretical explanations exists or in which we highlight it. Finally, we explain why the Balanced Scorecard can be associated to the disciplinary view and the Intellectual Capital to the knowledge-based view. Keywords: Non-financial measures - Disciplinary theories - Knowledge-based theories – Control - Performance 2 Introduction Les déterminants justifiant l'utilisation des critères non financiers1 pour évaluer ou piloter la performance sont multiples et renvoient à des explications théoriques diverses. L'intérêt que nous portons à ces critères se justifie dans un contexte actuel (scandales financiers, volatilité accrue des marchés…) montrant les limites de l'information comptable et financière comme vecteur de communication de la performance. En parallèle, des mesures financières ont rencontré un regain d’intérêt à travers par exemple la valeur ajoutée économique (traduction de l'EVA) et des mesures non financières ont été introduites dans des outils comme par exemple, le Balanced Scorecard. Quelles sont en définitive les justifications à mettre en place des indicateurs non financiers ? Ne sont- ils par exemple qu’un vecteur de communication interne ou externe ? Nous tenterons d’apporter des éléments de réponse à ces questions en nous focalisant sur les explications supposant que les critères non financiers sont utilisés dans le but de créer de la valeur2. Pour les théories contractuelles, la clé de la performance est liée à la structuration du système de contrôle et à l'allocation des droits de propriété (Charreaux, 2002 a, p.30). Par exemple, selon la théorie de l'agence (Jensen et Meckling, 1976), les fonctions de propriété comprennent une fonction décisionnelle (du ressort des managers) et une fonction de contrôle qui renferme les systèmes d’incitation et de contrôle mis en place par les actionnaires. Les conflits d’intérêts entre actionnaires et dirigeants proviennent d’une délégation du pouvoir décisionnel des actionnaires aux dirigeants. La recherche de la minimisation des coûts liés à ces conflits d’intérêts résultant du démembrement de ces droits est fondamentale et la source de l'efficience est essentiellement disciplinaire. Dans la théorie de l'architecture organisationnelle (Jensen et Meckling, 1992), la fonction décisionnelle est partagée entre les dirigeants et leurs subordonnés et les conflits d’intérêts entre eux naissent de cette 3 délégation. Les dirigeants sont amenés à mettre en place des systèmes d’incitation et de contrôle pour discipliner les salariés. Dans ce cadre, les critères non financiers s’insèrent dans les mécanismes incitatifs et de contrôle afin d’éviter que le dirigeant gaspille de la valeur potentielle. Ils permettent de réduire les conflits et ceci davantage que les critères financiers, car ils sont aussi des moyens plus adaptés pour évaluer la performance. Ils s’insèrent également dans les mécanismes incitatifs et de contrôle des salariés afin d’éviter un gaspillage de la valeur potentielle. Pour les théories cognitives (théories fondées sur la connaissance), la performance est liée au fait pour une organisation de savoir s’adapter à son environnement et aussi de savoir développer un stock de connaissances susceptible de créer de la valeur (Charreaux, 2002 a). Les critères non financiers n’ont alors plus comme but ultime de limiter les conflits, mais plutôt d’éclairer le management sur la façon d’atteindre ce double objectif : s’adapter et apprendre. Celui-ci renvoie à des dimensions à la fois sociologiques et psychologiques du pilotage des performances. C’est pourquoi ces critères reflètent une diversité des points de vue et le caractère équivoque de la prise de décision en management. Cette conception a de fortes incidences sur la façon d’appréhender les outils de pilotage des organisations dans lesquels s’insèrent les critères non financiers; non plus des outils formels qui véhiculent des analyses exhaustives et orientent les décisions dans des directions précises, mais des dispositifs flous, non exhaustifs (logique de pilotage par les priorités), mêlant aspects formels et informels, non exhaustifs et qui laissent la place aux ajustements cognitifs. L'objectif de notre article est de proposer pour chaque approche retenue (contractuelle et cognitive), une analyse théorique. Pour l'approche contractuelle, nous dressons une typologie des explications du choix des critères non financiers avancées dans les travaux existants. Nous montrons également que d’autres théories auraient pu être mobilisées. Pour l'approche cognitive, nous précisons les travaux qui établissent explicitement un lien entre lecture théorique et critères non financiers ainsi que d’autres travaux pour lesquels nous établissons ce lien. Nous précisons également le référentiel théorique auquel peuvent se rattacher des outils présentant de nombreux critères non financiers 4 comme le Balanced Scorecard ou le Capital Intellectuel. Nous concluons ensuite en évoquant les divergences constatées entre les approches contractuelle et cognitive et nous présentons des pistes d’approfondissement. 1. Approches contractuelles : analyse théorique Taxonomie des théories contractuelles et explications justifiant l'utilisation des critères non financiers pour apprécier la performance d’une organisation En réalisant une synthèse des approches contractuelles, nous constatons que les critères non financiers atténuent les conflits d’intérêts entre dirigeants et salariés ou entre actionnaires et dirigeants en améliorant la connaissance des efforts accomplis ou des résultats obtenus par les agents dans la réalisation de leurs contrats. Par théories contractuelles, nous entendons un ensemble de grilles de lectures dérivées de la théorie économique néoclassique. Ces théories ont pour caractéristique majeure de considérer des variables disciplinaires comme les déterminants fondamentaux de la création de valeur dans une organisation. Parmi ces théories contractuelles nous pouvons citer, entre autres, la théorie de l’agence et de l'architecture organisationnelle. Dans une approche contractuelle, les différents systèmes de mesure des performances, en particulier en introduisant des critères non financiers, ont pour fonctions de faire correspondre la stratégie à l’allocation des droits décisionnels d’une organisation, d’assurer la cohérence interne de cette organisation, de jouer un rôle informationnel et ainsi, en évitant de détruire de la valeur, de réduire les conflits d’intérêts. 1.1. Les critères non financiers d’évaluation des performances facilitent la cohérence entre la stratégie et l'allocation des droits décisionnels 5 Les différents systèmes de mesure des performances, en particulier les critères non financiers, aident en premier lieu les managers à assurer la cohérence entre la stratégie et l'allocation des droits décisionnels. De nombreuses recherches s’inscrivant dans le courant conventionnel de la stratégie3 expliquent le recours à des critères non financiers sur cette base. La figure 1 (Brikley et al., 1997), qui prend appui sur une lecture stratégique, montre l’articulation qui existe entre des variables stratégiques et la structure organisationnelle (définie par l'allocation des droits décisionnels, les systèmes d’incitation, de contrôle et d’évaluation de la performance). 6 Schéma 1. Stratégie, allocation des droits décisionnels et critères non financiers (Brikley et al. (1997 p.179)) Critères définissant le caractère fluctuant de l'environnement de l'entreprise Environnement « technologique » (affectant les produits, les méthodes de production et les systèmes d’information) État du marché Concurrence Client Fournisseur Environnement légal Impôts Loi anti-trust Droit international Stratégie de l'entreprise Nature des produits et des services Type de la clientèle Nature des avantages comparatifs (stratégie fondée sur les coûts ou fondée sur la différenciation) Degré d’intégration verticale Architecture organisationnelle Cohérence entre l'allocation des droits décisionnels et les systèmes de contrôle (dont le système d’évaluation de la performance) Valeur de la firme 7 Cette recherche de cohérence est un rôle qui a traditionnellement été dévolu aux dispositifs de contrôle de gestion (Anthony, 1965). Mais ces dispositifs reposaient pour l’essentiel sur des critères de mesures financières, qu’il s’agisse de dispositifs de uploads/Management/ indicateur-non-financier-revue-de-la-litterature.pdf
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- Publié le Sep 05, 2022
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