L'ACQUISITION DU LANGAGE: ETAPES ET THEORIES Josie Bernicot Université de Poiti
L'ACQUISITION DU LANGAGE: ETAPES ET THEORIES Josie Bernicot Université de Poitiers, Département de Psychologie Laboratoire PsyDé, Université de Paris 5 – CNRS Pré-Print Bernicot, J. (1998b). L’acquisition du langage : Etapes et théories. In R. Ghiglione & J.F. Richard (Eds.), Développement et intégration des fonctions cognitives. Cours de Psychologie. Vol. 3 (pp. 420-439). Paris : Dunod. (2e édition, 1ere édition, 1994). Table des matières 1. INTRODUCTION............................... 2 2. LES ETAPES DE L'ACQUISITION DU LANGAGE................... 2 2.1. La période prélinguistique............... 2 2.2. Les énoncés d'un seul mot................ 4 2.3. Les énoncés de deux mots................. 5 2.4. La phrase................................ 6 3. LES THEORIES DE L'ACQUISITION DU LANGAGE...................... 8 3.1. La situation de communication: un objet inexistant........................... 9 3.2. La situation de communication: un objet embarassant.......................... 11 3.3. La situation de communication: un objet intéressant.......................... 13 4. CONCLUSION................................. 17 2 1. INTRODUCTION Il s'agit de présenter ici les étapes de l'acquisition du langage et les théories qui tentent d'expliquer son évolution avec l'âge. Le tableau que nous dressons ne pouvant être exhaustif, nous nous sommes limitées à une présentation de la production du langage oral; le problème de la compréhension est cependant évoqué pour quelques points qui nous paraissent particulièrement importants. De plus, précisons que les résultats rapportés concernent le plus souvent les niveaux d'analyse syntaxique et sémantique, et dans une moindre mesure le niveau pragmatique. Il existe un nombre important de théories concernant l'acquisition du langage. Nous ne pouvons ici en présenter qu'un nombre restreint que nous avons choisi parmi les plus importantes. Leur présentation est centrée sur un aspect particulier: la place faite à la situation de communication, par ces théories, lors de l'acquisition du langage par l'enfant. Il est important de situer les données concernant l'acquisition du langage oral par l'enfant (cf par exemple Berko-Gleason, 1997) parmi des domaines de recherches proches du point de vue du contenu et des interfaces théoriques. On peut en particulier citer le domaine de la pathologie du développement du langage et de la communication (Bernicot et Chaigneau; 1996; Linfoot, 1994; McTear et Conti-Ramsen, 1992; Tager- Flusberg, 1994) et celui de l'acquisition d'une langue seconde par l'enfant et l'adulte (Hamer et Blanc, 1989; Perdue, 1995). On peut y ajouter le domaine de l'acquisition de la lecture et de l'écriture (Garton et Pratt, 1989; Fayol et al. 1992; Fayol; 1997), et celui de la communication et du langage chez les personnes âgées (Bideaud, Houdé, Pédinielli, 1993; Dixon et al., 1984; Simon, 1982). 2. LES ETAPES DE L'ACQUISITION DU LANGAGE Nous distinguons quatre grandes étapes: la période prélinguistique, celle des énoncés d'un seul mot, celle des énoncés de deux mots, et enfin la période de la phrase avec son évolution longue et complexe qui se poursuit jusqu'à l'âge adulte et parfois au- delà. Les âges indiqués pour chaque étape correspondent bien sûr plus à des repères qu'à des normes absolues d'évolution. 2.1. La période prélinguistique (0-1 an) 3 Ces dernières années un nombre important de recherches se sont concentrées sur cette période aussi bien dans le domaine de la production que dans celui de la réception. Ces recherches ont changé l'image que l'on avait du bébé. Sur le plan de la production, les comportements communicatifs, vocaux et gestuels, du jeune enfant par certains aspects obéissent aux mêmes règles que ses comportements communicatifs linguistiques ultérieurs. Sur le plan de la réception des productions linguistiques de son entourage, le bébé dès la naissance possède des mécanismes perceptifs lui permettant de distinguer les sons de la parole. Il existe donc une spécialisation des acquisitions, et certaines conduites apparaissent de façon beaucoup plus précoces qu'on ne le croyait dans les années 1960 et 1970. 2.1.1. La production L'activité vocale évolue considérablement au cours de la première année depuis les cris et les pleurs du nouveau né jusqu'au début de contrôle articulatoire (5-6 mois) observable dans le babillage de l'enfant qui s'apprête à prononcer ses premiers mots. En français cette activité vocale est désignée par une terminologie variée: gazouillis, babil, vocalises ou lallations; dans les recherches les plus récentes on utilise surtout les termes de babillage et de vocalisations. Jusqu'à 6 mois l'enfant émet une gamme très étendue de phonèmes (unités de sons) qui dépasse largement celle de sa langue maternelle. A partir de cet âge ses productions sonores commencent à se rapprocher des phonèmes de sa langue maternelle (Boysson-Bardies, 1996). Pendant cette période, l'enfant passe progressivement d'une forme globale de communication mettant en jeu le corps tout entier à une forme plus différenciée qui fait appel à l'activité vocale et à un début de compréhension verbale. Outre l'apprentissage de sons de sa langue maternelle, un aspect important de cette phase, est l'entrée de l'enfant dans les mécanismes de base de la communication (Bruner, 1983; 1991). Par exemple, certaines règles liées à la référence dans le dialogue ou à l'action conjointe (coopération) sont acquises entre 9 et 18 mois. De plus, à la fin de cette période prélinguistique, l'enfant adapte ses messages non verbaux à l'interlocuteur et à la situation de communication selon des règles analogues à celles utilisées pendant la période linguistique (Bernicot et Marcos, 1992). Deleau (1990) s'intéresse aussi au lien entre communication prélinguistique et linguistique. 2.1.2. La réception 4 L'enfant nouveau-né n'est plus considéré comme un être totalement dépourvu de capacités spécifiques d'adaptation, il semble posséder certaines dispositions lui permettant d'entreprendre très précocement une relation active avec son environnement visuel ou sonore. L'enfant montre une habileté surprenante sur le plan de la réception linguistique. Dès l'âge de 1 mois, il se montre capable de distinguer la voix humaine des autres sons et avant d'atteindre deux mois, il répond différemment selon qu'il s'agit de la voix de sa mère ou d'une étrangère (Melher, 1978). Plus étonnant encore les bébés âgés de quelques jours peuvent être entraînés à répondre de manière différente à la présentation de l'un des deux stimulus artificiel tel que "ba" et "ga". Ces expériences utilisent la réponse dite de succion non nutritive. Le principe consiste à habituer le bébé à une stimulation auditive répétitive (une même syllabe, par exemple "pa"). Le bébé est installé avec une tétine relié à un dispositif électronique qui permet de compter le nombre de succion grâce à la variation de la pression de l'air dans le tuyau. Le rythme de succion est un indice de l'état général du bébé. Quand il est habitué à son environnement (c'est à dire au son "pa") ce rythme se stabilise. On change alors brusquement le son en présentant "ga". On considère que si l'enfant réagit au nouveau son en suçant plus énergiquement sa tétine cela signifie qu'il est capable de le distinguer du précédent. D'un point de vue théorique, cela suppose qu'à l'état initial l'enfant ait un système perceptif lui permettant de distinguer les sons de la parole sur la plupart des dimensions phonétiques. 2.2. Les énoncés d'un seul mot (1 an) A partir de l'âge de 1 an (entre 9 et 18 mois) l'enfant commence à produire ses premiers mots. La caractéristique de cette phase est la production de mots isolés, c'est-à- dire d'énoncés ne comportant qu'un seul mot: par exemple "papa", "mama", "a'voir" (pour au revoir), "pati" (pour parti). Depuis le début du siècle de nombreux auteurs se sont penchés sur les énoncés à un seul mot des très jeunes enfants. Pour certains, l'enfant commence par nommer des objet concrets animés ou inanimés. Cependant, d'après les observations de Bloom (1973), les noms concrets joueraient un rôle relativement mineur dans une première phase. A 16 mois ce sont plutôt des prépositions, négations, adverbes et verbes qui sont employés. Si l'on en croit Nelson (1973), les enfants ne parleraient pas tous pour dire la même chose. Chez certains enfants, les énoncés sont plutôt référentiels c'est-à-dire orientés vers les objets. Chez d'autres, au contraire ces premiers énoncés sont plutôt expressifs c'est-à-dire orientés vers la communication: demande, refus, appel, etc... 5 Bloom (1973) a aussi étudié l'usage des noms de personne. Dans un premier temps, les enfants les utilisent pour nommer quelqu'un qui entre en scène, pour saluer quelqu'un, et pour l'appeler. Puis il les utilise pour désigner des objets appartenant à la personne nommée. Enfin, on note l'utilisation des noms de personne pour nommer l'agent d'une action prévue et imminente. D'une façon générale, ces mots isolés produits sont interprétés par son entourage familial comme ayant des significations relativement complexes comparables à celles d'une phrase. Théoriquement les mots produits par les enfants ont une signification indéterminée ou ambiguë: en effet, en produisant "papa" l'enfant peut vouloir dire: "voilà papa", "papa, viens m'aider", papa a un nouveau pull", etc... Dans la pratique, ces énoncés sont interprétés sans problème à partir de la situation de communication et permettent des interactions satisfaisantes entre l'enfant et son entourage. Les mots de l'enfant ne prennent donc une signification et parfois une signification complexe que par l'interprétation qu'en font les adultes. L'existence même de ces mots ayant valeur de phrases est le témoin de l'importance de l'interprétation par l'adulte du langage de l'enfant dans le processus du fonctionnement du langage mais aussi certainement dans uploads/Management/ l-x27-acquisition-du-langage.pdf
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- Publié le Mar 31, 2022
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