BANQUE DES MEMOIRES Master de droit pénal et sciences pénales Dirigé par Yves M

BANQUE DES MEMOIRES Master de droit pénal et sciences pénales Dirigé par Yves Mayaud 2010 L’erreur du juge pénal Morgane Ruellan Sous la direction d’Yves Mayaud UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS, PARIS II Master 2 Droit pénal et Sciences pénales Année universitaire 2009-2010 L’ERREUR DU JUGE PENAL Mémoire réalisé sous la direction de Monsieur le Professeur Yves MAYAUD RUELLAN Morgane Remerciements Je remercie Monsieur le Professeur Yves MAYAUD pour ses encouragements constants, sa grande disponibilité et son aide précieuse tout au long de l’élaboration de ce mémoire. Je remercie Monsieur Denis SEZNEC de m’avoir reçue et d’avoir partagé avec moi l’histoire de son combat. Cette rencontre a été déterminante pour mon travail et d’un grand enrichissement, non seulement sur le plan de la réflexion mais aussi et surtout d’un point de vue humain. 1 SOMMAIRE PARTIE I : L’ERREUR SUBIE Chapitre I : L’erreur sur le droit Chapitre II : L’erreur sur les faits PARTIE II : L’ERREUR STRATEGIQUE Chapitre I : La stratégie de la qualification Chapitre II : La stratégie de l’intimidation 2 Liste des principales abréviations Bull. crim : Bulletin criminel de la Cour de cassation CA : Cour d’Appel C.cass : Cour de cassation Cass.crim : Chambre criminelle de la Cour de cassation CEDH : Cour Européenne des Droits de l’Homme Ch. réunies : Chambres réunies Comm. eur. dr. h : Commission européenne des Droits de l’homme Cons. Const : Conseil Constitutionnel Convention EDH : Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales CP : Code Pénal CPP : Code de Procédure Pénale CRD pén : Cour de Révision des Décisions pénales CSM : Conseil Supérieur de la Magistrature D : Dalloz JCP : Jurisclasseur périodique JO : Journal Officiel JORF : Journal Officiel de la République Française 3 « Comme vous jugez, vous serez jugés » Evangile de Mathieu. 4 5 INTRODUCTION « On n’attend plus du juge qu’il pondère des intérêts mais qu’il se place du point de vue des « honnêtes gens » dont il doit garantir la sécurité. Quitte à oublier que l’objectif du risque- zéro est contradictoire avec la justice comme il l’est avec la médecine ou la pédagogie, toutes ces activités devant, elles aussi, pondérer des intérêts à la fois contradictoires et solidaires ». Antoine Garapon et Denis Salas Rendre justice, lourde tâche que celle-ci pour les hommes et les femmes qui l’ont acceptée. Autrefois divine, la mission s’est désacralisée pour devenir humaine. Humaine dans toutes ses dimensions car dès lors, elle ne peut plus rejeter ses erreurs comme des inconnues relevant de l’impossible mais doit les assumer en ce qu’elles relèvent des errements de ses représentants. Définir l’erreur n’est pas simple, et les multiples sens que lui attache le droit, accréditent l’idée de sa diversité. Ainsi, l’erreur est d’abord « l’action d’errer ça et là », pauvre en précision, cette affirmation fait du juge qui la commet une sorte de vagabond dans le rassemblement de ses idées, un esprit indécis, pris entre une pensée et une autre. La deuxième proposition est déjà plus intéressante puisque l’erreur s’entend maintenant de « l’action d’errer moralement ou intellectuellement, état d’un esprit qui se trompe ». L’erreur est à ce stade enrichie de qualificatifs qui suggèrent pour l’un, une donnée personnelle et subjective, pour l’autre une donnée abstraite et objective. En effet, la morale est bien trop relative pour en faire un dogme commun, la réflexion intellectuelle une opération de l’esprit difficile à appréhender. Comment alors cerner cet « esprit qui se trompe » ? « Fausse doctrine, fausse opinion » ou encore « dérèglement dans les mœurs », les deux assertions suivantes ne sont pas beaucoup plus efficaces à la délimitation de cette notion, en ce qu’elles se rapportent à des concepts fluctuants. La cinquième voie est quant à elle d’un certain secours puisqu’elle parle d’une « faute », d’une « méprise », puis donne des exemples : « erreur de rédaction, erreur de calcul, faute commise dans une supputation ». Dès lors les contours se font plus précis, l’erreur prend forme dans sa dimension matérielle et dans sa dimension intellectuelle. 6 Mais c’est la dernière définition qui s’avère être la plus complète et la plus proche de la dimension sensible prise par l’erreur dans la pratique. L’erreur est ici « une opinion contraire à la vérité sur le fait ou sur le droit, qui détermine à agir ». Le magistrat peut donc se tromper non seulement sur les faits qui lui sont soumis mais aussi, sur les règles juridiques qui encadrent sa fonction. L’erreur, d’abord perçue comme indépendante de sa volonté, donc subie et par le juge lui- même et par le justiciable concerné, est la marque tolérable d’une justice pénale humaine (section première). L’erreur, utilisée comme l’arme d’une stratégie inacceptable, est la manifestation d’une justice devenue inhumaine (section seconde). SECTION 1 : LA MARQUE TOLERABLE D’UNE JUSTICE PENALE HUMAINE L’erreur est un risque accepté par toute société qui renonce à l’association de l’Eglise et de l’Etat pour diriger ses principales institutions. Cette laïcisation des instances gouvernantes, lorsqu’elle touche la justice, implique sa remise entre les mains des hommes et non plus des idoles. L’être humain est faillible, l’être humain est fragile, il n’est pas la puissance supérieure synonyme de perfection. Chaque jour et dans la plupart des professions, des personnes prennent une mauvaise décision sans que cette erreur ait des conséquences significatives. Le juge, lui, lorsqu’il se trompe, engage la liberté et la dignité de l’homme. Pourtant, il faut admettre que nos magistrats se trompent parfois et leur permettre de réparer. Car les erreurs, bien qu’elles portent en elles un danger considérable, ne sont pas toujours définitives. Défaut de logique ou simple bévue, l’erreur ne devient une faute répréhensible que lorsqu’elle est niée par son auteur. Effectivement, la défiance du magistrat à l’égard de son erreur et son refus de l’identifier sont bien plus graves. Entérinée, répercutée, elle s’installe et déstabilise l’idéal de justice lorsqu’elle devient irrattrapable. A contrario, lorsque l’erreur est réparée à temps, elle est le signe d’une humilité louable. A la lumière de sa définition, deux types d’erreurs involontaires sont à distinguer, la première portant sur le droit, la seconde sur les faits. Cette division permet une répartition plus évidente des erreurs recensées. Ainsi, il est possible de regrouper dans la première catégorie à la fois les erreurs dites « matérielles » et les erreurs « intellectuelles ». La deuxième catégorie, quant à elle, est la terre d’accueil des erreurs judiciaires. Une gradation est alors observée dans la gravité des fautes commises et de leurs conséquences respectives. 7 Les erreurs matérielles, anodines, sont admises sans trop de mal par la justice française puisqu’elle consent à leur réparation par une procédure directe, simple et efficace. Les erreurs intellectuelles, issues d’un raisonnement erroné, sont des figures plus difficilement reconnues par le droit pénal. Leur preuve est moins évidente, leur rectification moins conciliante. Mais le juge n’est pas fermé à la critique. Des voies de recours sont ouvertes et offrent une chance, indirecte mais solide, de les supprimer. L’erreur judiciaire, bien plus globale, est généralement le fruit d’une multitude d’erreurs qui se croisent et s’entremêlent. Les conséquences en sont généralement dramatiques lorsque l’innocence est voilée d’opacité. En effet, un coupable non reconnu vaut mieux qu’un innocent méconnu lorsque la liberté est en jeu. Un drame d’abord pour celui sur lequel elle s’abat car c’est une véritable tragédie d’être victime d’une telle méprise. La liberté étant l’un des premiers biens que possède l’homme, elle n’a pas de prix et sa violation est toujours un échec pour une démocratie comme la notre. Cependant, jusqu’en 19811, ce n’était pas la liberté qui se jouait et se défaisait entre les mains du juge, mais la vie. L’abolition de la peine capitale il y a bientôt trente ans, au-delà des nombreuses considérations morales et philosophiques qui l’entourent, n’a pas évité que des erreurs soient à nouveau réalisées. Mais elle a probablement préservé la vie d’un certain nombre d’innocents. Car des erreurs judiciaires sont perpétrées régulièrement dans notre pays et il faut seulement espérer qu’elles soient le moins nombreuses possible. La justice est la deuxième victime de cette gigantesque erreur, elle en ressort elle aussi affaiblie, diminuée et méprisée. Car la sévérité du jugement rendu par le magistrat se retourne avec la même force contre l’institution tout entière lorsqu’il est erroné. Le discrédit jeté sur l’autorité judiciaire est d’une telle intensité qu’elle peine chaque fois à s’en remettre. Ces dernières années ont été déterminantes pour l’appareil judiciaire et particulièrement la matière pénale, la dernière grande erreur judiciaire, l’affaire dite d’Outreau, ayant laissé des traces indélébiles. Désormais, la justice n’a pas le choix, soit elle procède à une profonde remise en question de son système et en sort grandie en restaurant la confiance perdue, soit elle se laisse noyer par les erreurs de ses magistrats. Seulement, la lutte ne se fait pas toujours avec le juge, mais parfois contre le juge. 1 Loi n°81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort, JO uploads/Management/ l-x27-erreur-du-juge-penal.pdf

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  • Publié le Jul 25, 2021
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