André SAVORET L'INVERSION PSYCHANALYTIQUE Librairie HEUGEL - Éditions "PSYCHÉ"

André SAVORET L'INVERSION PSYCHANALYTIQUE Librairie HEUGEL - Éditions "PSYCHÉ" 7 - Rue Séguier -7 PARIS 6e -1939 Dénoncer les méfaits de la psychanalyse dans une revue comme celle-ci, n'est pas précisément chose aisée. Certaines discussions qui porteraient sur des points fondamentaux et les éclaireraient d'un jour un peu cru ne peuvent malheureusement être abordées qu'avec d'infinies précautions, on devine pourquoi. La responsabilité de celui qui écrit sur de tels sujets est immense. Les yeux qui le liront peut-être un jour « à la sauvette », dans la boîte de quelque bouquiniste, pourraient être ceux d'enfants, dont notre Maître a dit : « Si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui pendît au cou une de ces meules qu'un âne tourne et qu'on le jetât au fond de la mer. » Mais, d'autre part, n'est-il pas nécessaire de mettre en garde contre une science maléfique ses victimes éventuelles et, d'abord, les parents dont les enfants ne doivent pas servir de cobayes médico-pédagogiques à nos modernes apprentis sorciers ? Le sujet qui nous occupe a déjà été envisagé, à d'autres points de vue, (voir Psyché 1933), par M. Jacques Heugel (1), puis par nous (2). Rappelons pour mémoire que la psychanalyse n'est pas, malgré son nom avantageux, une étude des facultés de l'âme, mais une méthode qui fait appel à l'Inconscient ou plutôt à l'Infra- conscient et qui plonge la Psyché humaine dans un ténébreux bourbier. Cette méthode est d'autant plus illogique qu'elle s'applique, en tant que thérapeutique, à des êtres déjà tarés, amoindris ou déséquilibrés, et, en tant qu'elle touche à la pédagogie, à des enfants et des adolescents, pratiquement sans défense. Ajoutons que ses procédés d'investigation louvoient sans cesse entre l'hypnotisme et la suggestion d'une part, la « confession » quasi religieuse (quoiqu'en mode inversif) d'autre part, tandis que le raisonnement, les déductions sur lesquels on s'appuie pour formuler le diagnostic, reposent sur une interprétation systématiquement abjecte des faits, que ce soient les images du rêve ou les manifestations verbales et graphiques de ce qu'on pourrait nommer « rêve éveillé » ou « rêverie lucide » (3). Mais la psychanalyse étend plus loin son empire. Toutes les branches de l'activité humaine, en tout premier lieu les activités supérieures (arts, morale, religions, etc.) sont réputées justiciables de cette méthode inconcevable, qui prétend appliquer au conscient et au supra-conscient les règles (d'ailleurs arbitraires) établies d'après ce qu'on croit connaître de l'Infra-conscient. C'est le jugement du Haut par le Bas, du Supérieur : par l'Inférieur, - c'est Belzébuth explicitant à sa façon les choses du Ciel ! Ici, nous avons quitté le domaine légitime de la science, même matérielle, nous nous débattons en plein cauchemar, « Un cauchemar rempli de choses inconnues, « De fœtus qu'on fait cuire au milieu des sabbats... » Un de ces cauchemars, en somme, que ces Messieurs Psychanalystes excellent à nous traduire en clair, si l'on ose employer ce terme pour un jargon barbare et impressionnant où la « régression névrotique » voisine avec le « complexe du Monsieur qui en a bouché un coin au Sphinx » (à moins que ce ne soit, par vertu d'« ambivalence » le « complexe de castration »), tandis que le profane se perd dans les complications de l'amour « objectal » ou de l'« attitude narcissique » et qu'il ploie douloureusement l'échine sous le poids excessif des « affects » dont on le surbâte... Tout cela sent son pédant - son pédant d'outre-Rhin - et ne brille pas précisément par la netteté des idées. Quant à l'originalité de tout ce bric-à-brac impressionnant, elle réside surtout dans le vocabulaire employé ; psychiatres, théologiens, éducateurs et pédagogues n'ayant pas attendu Freud pour s'apercevoir des luttes qui dédoublent, pour ainsi dire., l'homme et dont tous les auteurs classiques, depuis Sophocle jusqu'à Corneille, depuis Eschyle jusqu'à Shakespeare, ont démonté cent fois le mécanisme ! Seulement - et ici l'unanimité est remarquable - tout le monde s'accordait sur la nécessité de donner la victoire au conscient sur l'inconscient, sauf nécessités d'ordre littéraire et théâtral, auquel cas la surrection de l'inconscient déclenchait la catastrophe finale. Les vieux moralistes n'étaient pas précisément tendres à l'égard des impulsions venues d'En-Bas et, s'ils ne niaient pas sottement l'existence du monde trouble et malsain où se complaît l'imagination parfois délirante des disciples de l'obsédé viennois, si même ils avaient sur lui des notions autrement étendues que nos modernes psychologues, ils savaient pertinemment tout le danger qu'il y a à s'appesantir sur certaines matières et à se pencher sur certains bas-fonds. Enfin, tous s'accordaient encore pour penser que les œuvres les plus hautes de l'esprit humain : poésie, musique, art, requéraient d'autres collaborations, d'autres inspirations, d'autres origines que celles, peu reluisantes, que la psychanalyse cherche à faire passer au premier plan. Pour citer un exemple (que nous édulcorerons de notre mieux), la musique, considérée dans son élément rythmique, est envisagée par un de ces dangereux maniaques comme engendrée par les rythmes du cœur, de la respiration, de la tétée, de la mastication, des contractions stomacales et annexes, et... de tous les rythmes solitaires ou dualistiques, infantiles, prépubériens et autres, grâce auxquels on pose une explication « en profondeur » de l'« origine et du sens de l'art musical » ! À cette « lumière », un Beethoven, un Chopin, un Mozart n'ont plus de secrets pour nos intrépides investigateurs, soucieux d'explorer chez autrui, un génie qui leur est presque offense personnelle, à l'aide de leur matériel d'égoutier. Un psychanalyste notoire, après s'être livré aux exercices usuels pour nous « expliquer » le génie musical de Chopin, nous livre cette clé inédite de l'œuvre du maître : « La musique de Chopin est donc, à double titre, une fantaisie œdipienne. » On s'abstiendra ici de post-poser, à la fantaisie freudienne de l'auteur, le qualificatif qu'elle appellerait... * * * Il en va des plus hautes efflorescences de l'esprit humain comme des fleurs de nos jardins. Le terreau qu'elles sublimisent en leur alchimie merveilleuse n'est que putridité et décomposition. Mais cet élément « infra-végétal », pourrait-on dire, n'est ni la graine, ni la fleur : il en est la pâture ! Les éléments qui montent, par cette dernière, vers le soleil, transformant ainsi leur nauséabondité en parfum, ne sauraient rendre raison de Celle qui les élève vers le ciel ; ils ne l'explicitent en aucune manière ; ils ne nous livreront jamais le secret de sa vie et de sa beauté. On peut en dire autant pour le terreau infrahumain. Rendre raison d'une symphonie en termes de pathologie et d'érotologie, explorer les lavabos d'un grand homme pour y retrouver la « source » de son inspiration, telle est la dangereuse manie (au sens médical du terme) de ces inconscients souilleurs d'âmes. On nous objectera, peut-être, que nous sommes injustes ; que tous les psychanalystes ne sont pas obsédés par la libido, comme l'est le clan des disciples de Freud ; en d'autres termes que nous identifions à tort psychanalyse et freudisme, de telle sorte que nos appréciations sévères, motivées si l'on considère les excès des uns, deviennent gratuitement injurieuses dès qu'on les applique aux autres. Tout en faisant la part de la bonne foi, du désir légitime de soulager des affections particulièrement rebelles aux traitements habituels, de la modération dans les idées et du tact dans les démarches, autant de traits qui honorent nombre de vrais savants pour qui la psychanalyse n'est qu'un instrument de travail, au même titre que les autres, il n'en est pas moins vrai que : 1° - Ces savants ne représentent pas, tant s'en faut, la psychanalyse ; ils constituent plutôt des sectes dissidentes, eu égard à l'orthodoxie freudienne ; 2° - La littérature psychanalytique, en tant qu'elle atteint le grand public, l'atteint justement grâce à ce qu'elle offre de plus « croustillant », de plus malsain, s'adressant on en conviendra, à des êtres dont la majorité n'obéit certainement pas à des curiosités purement scientifiques et désintéressées ; 3° - Comme nous le verrons plus loin, l'ensemble des théories et des méthodes visées relève d'un état d'esprit très spécial, d'autant plus inquiétant qu'il agit simultanément dans d'autres domaines (littérature, musique, poésie, politique, morale pour y engendrer, y entretenir et y porter à son comble la plus parfaite confusion mentale et le détraquement de tous les ressorts internes et externes de l'homme et de la société. Ainsi rattachée à ses causes secrètes et située à la place qui lui revient parmi les éléments de subversion individuels et sociaux, la psychanalyse, restreinte ou généralisée, outrancière ou pondérée, qu'elle s'offre à nous sous les nuances Freud, Jung, Claparède, Laforgue ou Dupont-Durand, la psychanalyse, affirmons-le hautement, constitue un ensemble qui vaut, essentiellement, ce que valent les causes auxquelles nous faisions allusion. Ces causes peuvent se ramener à une seule, fondamentale, à savoir : L'activité protéenne d'un principe dont les manifestations visent à instaurer définitivement, sur cette terre, le Règne de la Bête ! Il s'ensuit nécessairement que les distinguo quant aux personnes, uploads/Management/ l-x27-inversion-psychanalytique.pdf

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  • Publié le Mar 29, 2021
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