Anne-Marie Laulan La sociologie de la communication In: Communication et langag

Anne-Marie Laulan La sociologie de la communication In: Communication et langages. N°41-42, 1er-2ème trimestre 1979. pp. 147-163. Citer ce document / Cite this document : Laulan Anne-Marie. La sociologie de la communication. In: Communication et langages. N°41-42, 1er-2ème trimestre 1979. pp. 147-163. doi : 10.3406/colan.1979.1298 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1979_num_41_1_1298 LA SOCIOLOGIE DE LA COMMUNICATION par Anne-Marie Laulan Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir..., et chacun de nous pratique quotidiennement la communication même s'il n'en connaît guère les lois. Cette référence à Molière est une mise en garde (de l'auteur et des lecteurs) sur les dangers qu'il y aurait à ériger des « lois » absolues, à énoncer des « théories » définitives à délimiter des « champs » dans un domaine aussi vaste et aussi flou que celui de la Communication. Toute vie sociale (y compris chez les animaux), toute conquête de l'espace physique (voies de communication), toute exploration des civi lisations disparues, toute planification de notre monde, demain, tout cela constitue des faits de communication. La quasi-totalité des disciplines scientifiques est concernée mais, de plus, les enjeux politiques, économiques et techniques sont eux aussi considérables. D'où la difficulté de cerner avec précision pareil sujet, d'où le risque de toute étude historique... Cependant, le point de vue du sociologue demeure spécifique, ce qui facilitera ma tâche : je retiendrai, du champ si vaste des recherches en Communication, uniquement ce qui débouche sur des systèmes sociaux. Les études purement théoriques, à caractère mathématique, ou tout au moins formalisé, les études de prospectives économique ou technique, les applications d'ordre interpersonnel, pédagogiques, les perspectives politiques ou idéologiques en tant que telles, voilà autant de branches de la Communication que je n'évoquerai pas ici. Le. seuil, pour moi, c'est l'activité des nommes, le comportement social des utilisa teurs, des usagers, des consommateurs de communication. REPERES SUR LA RECHERCHE EN SOCIOLOGIE DE LA COMMUNICATION Les activités de recherche en Sociologie, toujours subordonnées à des contrats ou à des subventions, paraissent un bon indica teur des « besoins en communication » l, à condition bien enten- 1. Il faut distinguer le « besoin », qui renvoie aux considérations sociales, de la « demande », formulée en termes commerciaux par des experts écono miques. Un rapport de Patrice Flichy (Institut National de l' Audio- Visuel) étudie concrètement le décalage entre les demandes évaluées par les tech nocrates et l'usage effectif, en fonction des besoins réels, des nouveaux media dans différents types de sociétés humaines. La sociologie de la communication du d'y inclure les recherches sur les mouvements marginaux, la contre-culture, l'appropriation ou le rejet de certaines tech niques. Le cas de la vidéo légère nous paraît exemplaire : inven tée pendant la guerre par les Japonais, à des fins militaires, puis utilisée, surtout au Canada, dans l'espoir de créer une « télévi sion communautaire » durant les années 70, elle est actuell ement dégradée en instrument de contrôle (industrie), de surveil lance (grands magasins, grands immeubles) ou d'enregistrement (télévision domestique). Le sort de cette « nouvelle » technique confirme, s'il en était besoin, qu'en Sociologie de la Communication, seule compte la légitimation par les mouvements sociaux, ce qui suppose un certain délai. Sans chercher le moins du monde à être exhaustif, il faut pourtant se rattacher à des courants ou à des manifestations de recherche internationale. La Sociologie* de la Communication n'est pas une spécialité française, hélas ; l'étude de Marie-Thérèse Basse2 sur les formes et les systèmes de pensées collectives, dresse un inventaire des publications et des programmes de recherche. Elle constate que les Etats, les partis, les Eglises, les industriels, certains syndicats, s'int éressent à la Communication, publient de nombreux articles dans les revues de praticiens et tentent d'utiliser à leur profit les nou veaux media, mais que, dans le même temps, en notre pays, « paradoxalement, les recherches scientifiques (...) sont relat ivement rares ». Il existe par contre d'importantes équipes de recherches en Grande-Bretagne, Suisse, Allemagne, Italie, Fin lande, également en Europe de l'Est, Hongrie, Yougoslavie, par exemple. Le Conseil de l'Europe (Département Education et Culture) finance d'intéressantes recherches comparatives et diffuse des rapports témoignant de l'ouverture d'esprit de cet organisme pour ce qui touche à la Communication. Il est donc difficile de retracer l'évolution de la Sociologie de la Communication durant la dernière décennie à partir des. recherches françaises en ce domaine, mais des publications internationales, avec la participation de spécialistes français, ^ permettent de repérer les nouvelles tendances et d'enregistrer 5 le caractère périmé de certains thèmes de recherche autrefois S florissants. | LES CLASSIQUES "^ Les noms de W. Schramm, P. Lazarsfeld et E. Katz sont connus 50 de tous les spécialistes en Communication. Pourtant, de ce côté- .| ci de l'Atlantique, on a quelque peu tendance à oublier que 2 Personal Influence fut publié en 1955 et The People'Choice en 1 g 2. La Recherche en Sciences Humaines en 1976 et 1977, Section B : la Commu- E nication de masse, C.N.R.S., 1978, 224 p. (pp. 79 à 84). o O Réflexions 149 EN FRANCE Les travaux de Jean Cazeneuve 3 font autorité tant par le nombre de ses publications que par le souci des nuances et de la dimension humaine qu'il apporte en ce domaine. Il fut l'un des premiers à s'interroger sur les pouvoirs réels de la Télévision, à souligner l'évolution de la conception du public, la diversité des attitudes des usagers. Sociologue et ethnolo gue de formation, il n'est jamais tombé dans les pièges de l'utopie techniciste, importée du continent américain, ni dans la condamnation sommaire au nom de principes moraux, des effets fâcheux qu'engendreraient automatiquement les tech niques de diffusion collective. Sa réflexion, on le sait, s'appuie et se nourrit désormais de responsabilités professionnelles au plus haut niveau. Il convient de mentionner également les travaux de l'Institut Français de Presse que dirige Francis Balle. Cet institut, rattaché à l'Université Paris II, principalement axée sur les sciences juridique et économique, offre un cycle, complet d'études dans le domaine de l'Information : licence, maîtrise, diplôme d'études spécialisées, diplôme d'études approfond ies, thèses. Les recherches concernent principalement, parmi les moyens d'information, la presse, ainsi que les aspects juridiques des institutions, surtout dans les démocraties de type occidental. La Sociologie de la Communication, rigoureuse et quantitat ive, porte sur les audiences, la crédibilité des media. Depuis peu, en collaboration avec l'Université Paris I, cet Institut publie la Revue Française de Communication, diffusée par abonnement. C.E.E.P.T., 38 rue de Bassano. Le Centre d'Etudes des Communications de masse (équipe de recherche du C.N.R.S.) qui publie la célèbre revue Communi cations, a changé de nom et d'objectif depuis 1973. Délaissant la Communication de masse, les chercheurs du C.E.T.S.A.S. mettent désormais l'accent sur une démarche épistémologique interdisciplinaire. 3. Voir bibliographie à la fin. La sociologie de la communication I 03 o O Fin 1975, le C.N.R.S. a créé le S.E.R.D.D.A.V. (Service d'Etude, de Réalisation et de Diffusion de Documents Audio-Visuels). Ce service n'a pas vocation de recherche, mais il peut servir de relais et de banc d'essai pour certains travaux à caractère instrumental ; il organise des Rencontres Internationales de l'Audio-Visuel Scientifique, manifestations annuelles d'où la Sociologie de la Communication n'est jamais absente. Sur le plan universitaire existent trois filières de Communic ation (Bordeaux, Villetaneuse, Grenoble) et plusieurs dépar tements, ou sections, où s'élaborent des thèses de troisième cycle. Cependant, aucun centre4 (Universitaire ou C.N.R.S.) ne se consacre, actuellement, à la Sociologie de la Commun ication en tant que telle. On annonce la création par le C.N.R.S. d'un Laboratoire associé des Sciences de l'Informa tion et de la Communication (LA SIC) qui regroupe à Bordeaux I'I.L.T.A.M., le Centre d'Etudes de Presse, le Centre d'Etudes du Théâtre. Ce Laboratoire n'est pas rattaché aux Sciences humaines. La Revue Communication et Langages, totalement indépen dante des instances universitaires, offre entre autres le grand mérite de réserver l'une de ses rubriques à la Sociologie de la Communication et de permettre ainsi à de jeunes cher cheurs de faire connaître leurs résultats, dans un éclectisme tout à l'honneur de la rédaction. 4. La plupart des enseignants en Communication appartiennent à la 52e sec tion du Comité Consultatif des Universités et sont membres de la Société des Sciences de l'Information et de la Communication, fondée par Robert Escarpit, actuellement présidée par Jean Meyriat ; siège : Maison des Sciences de l'Homme, 54, bd Raspail à Paris. Réflexions 151 1948 ! C'est dire que, dès la fin de la guerre, l'hypothèse des effets directs et pour ainsi dire mécaniques de la communication « de masse » s'est révélée être une fausse piste. On sait que les techniques de diffusion collective sont de piètres outils pour qui veut les utiliser à des fins persuasives, principalement pour deux raisons : 1. La correction que permettrait le feedback (le retour, l'action émise par le destinataire) n'est guère possible : la presse, la télévision, l'affiche publicitaire sont des systèmes de commun ication à voie unique ; le courrier des lecteurs n'est pas repré sentatif de l'ensemble, les mesures d'audience restent quanti tatives et souvent uploads/Management/ la-sociologie-de-la-communication.pdf

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  • Publié le Sep 29, 2022
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