REVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE YVES MAINGUY La statistique et la gestion économ
REVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE YVES MAINGUY La statistique et la gestion économique de l’entreprise Revue de statistique appliquée, tome 2, no 2 (1954), p. 91-98 <http://www.numdam.org/item?id=RSA_1954__2_2_91_0> © Société française de statistique, 1954, tous droits réservés. L’accès aux archives de la revue « Revue de statistique appliquée » (http://www. sfds.asso.fr/publicat/rsa.htm) implique l’accord avec les conditions générales d’uti- lisation (http://www.numdam.org/legal.php). Toute utilisation commerciale ou im- pression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou im- pression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright. Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques http://www.numdam.org/ 91 LA STATISTIQUE ET LA GESTION ÉCONOMIQUE DE L’ENTREPRISE par Yves MAINGUY Chef du Service des Statistiques et des Etudes Economiques au Département Commercial du Gaz de France Dans le cadre ditn cycle de conférences, organisé à la demande du Centre de Perfectionnement technique, M. Mainguy - que sa formation et ses travaux ont cond~cit à se ~encher successivement sur les ~roblèmes de l’ingénieur, de l’économiste et du statisticien - a exposé le rôle de la statistique dans la . gestion économique des entreprises. Les études de M. Maingiay, tant à l’Institztt de Science Econon2iqzte A~~li- quée, qu’au Département Commercial dit Gaz de France, lui permettent de donner sur cette liaison un avis Partic~ilière ment autorisé. A côté du rôle de la statistique comme technique ou comme outil, on notera l’importance accordée par l’aicteuy au mode Particul.~er de penser qu’est la statistique, et à la nécessité de la formation du jugement statistique du Chef d’entreprise, formation indispensable ~our qui veut se servir e f ficacement de l’outil. Le choix d’une technique de fabrication, la mise en oeuvre de cette technique, le contrôle de son fonctionnement et la recherche de son amélioration font partie de la gestion d’une entreprise mais sont affaires typiquement techniques. Une technique de fabrication n’est pas nécessairement, en soi, meilleure qu’une autre ; on la juge dans une situation d’ensemble et par référence à un but. La définition du but, par exemple la cadence et la qualité de la production, dépend des espérances de vente, des prévisions d’expansion ou de régression de la vente ; la définition de ce but est d’ordre typiquement économique, ainsi que l’analyse de la situation qui contribue, avec le but à atteindre, à conditionner le choix de la technique. ’ L’état des finances d’une entreprise est, sous réserve qu’on l’examine dans l’éclairage qui convient au régime en vigueur (capitalisme intégral, économie à double secteur, économie privée intégralement planifiée, économie publique intégralement planifiée), un bon indicateur de la pros- périté de l’entreprise, ou, plus généralement, de la manière dont celle-ci tient son rôle dans la collec- tivité. Mais ici encore, tout n’est pas économique : rétablissement d’un bilan ou d’un compte d’exploi- tation pour un exercice écouté est du ressort de l’analyse comptable ; au contraire, l’établissement d’un budget ou d’un compte prévisionnel de recettes et de dépenses, tout en employant, pour sa pré- sentation, les méthodes de la technique comptable, est du ressort de l’analyse économique. Je prendrai un troisième exemple avant de proposer une caractérisation générale de la « ges- tion économique ». Une entreprise est une société d’hommes (qu’on nous épargne les développements sur cette fiction juridique qu’on appelle « société de capitaux » ) et essentiellement une équipe de travail. Le gouvernement de cette équipe est un élément fondamental de la gestion de l’entreprise. Il comporte un aspect juridique qui définit, et un aspect administratif qui fait respecter, les doits et obligations de chacun ; il comporte un aspect de relations humaines, directes, qui n’entre dans aucune catégorie préfabriquée, et par lequel les hommes qui travaillent ensemble se connaissent et tiennent compte les uns des autres ; il comporte un aspect technique, qui est celui de l’organisation du travail. Il comporte aussi un aspect économique. Il n’y a pas de gestion valable d’une entreprise sans une pré- v:sion de nouveaux engagements de co-équipiers à réaliser, soit pour une cause d’extension de l’acti- 92 vité de l’entreprise, soit pour remplacer ceux que l’âge ou toute autre cause éloignera, à échéances d,verses, ou au contraire des contractions à opérer dans l’équipe, soit parce que l’on prévoit une régression d’activité, soit parce que de nouvelles techniques libéreront des travailleurs pour d’autres tâches. Il faut dire sans hésitation ni réserve que cette tâche d’engagements et de licenciements est d’ordre économique et qu’elle est impérative : une activité productrice répond à un besoin de con- sommation et non à une pseudo-nécessité de donner du travail à des hommes. Il reste que ni la collec- tivité n’a le droit de se désintéresser de ce que deviennent ses membres, ni un industriel ne peut sans déchoir abandonner purement et simplement à son sort le travailleur dont il se sépare. Cette obligation de solidarité conditionne la décision de licenciement quand celle-ci intervient, mais c’est pour des motifs économiques qu’elle intervient, au même titre que la décision d’engager de nouveaux collaborateurs. On voit alors se dessiner quelques traits du caractère spécifique de l’acte économique dans la gestion de l’entreprise. Est économique l’acte qui définit le but d’une fabrication, en fonction d’une demande prévue ; est économique la comptabilisation de recettes espérées en regard de dépenses prévues ; est économique la décision d’aller chercher hors de t’entreprise un certain effectif de tra- vailleurs, comme la décision de préparer, à d’autres moments, le départ de l’entreprise et le réemploi, ailleurs, des travailleurs dont la présence n’est plus justfiée par les besoins de la production de l’entreprise. Ainsi apparaît comme acte économique un acte de gestion qui met en cause l’environnement de l’entreprise et qui plonge dans l’avenir. Le technicien, le comptable, le chef du personnel doivent, certes, être ouverts sur l’extérieur et pressentir l’évolution des événements pour en recueillir des enseignements, mais les actes qu’ils posent ont pour objet l’entreprise elle-même dans son moment présent. L’objet des décisions économiques est le monde extérieur et l’avenir, ou plus exactement l’entreprise située dans l’espace et dans le temps. Dès lors s’imposent à l’économiste de l’entreprise deux instruments de travail irremplaçables : l’analyse statistique qui rend compte de l’environnement spatial et des tendances présentes de son évolution, le raisonnement probabiliste qui éclaire la validité des prévisions. Depuis un moment déjà, je me retiens de parler du « chef d’entreprise ». Je ne le ferai pas plus longtemps, car une vue statistique et probabiliste du monde me paraît constituer un attribut, ou un signe, de la culture du chef d’entreprise. Le chef d’entreprise est à la fois technicien, financier, conducteur d’hommes et économiste ; je ne m’attacherai pas à dire, comme tenta de la faire Fayol, dans quelle mesure il doit remplir chacune de ces fonctions. Il me suffit qu’il ait à les remplir toutes, ou du moins à connaîtrede toutes. Peu importe que les entreprises modernes ne soient plus des monar- chies ; peu importe que leur gouvernement et leur gestion soient assurés par des cottèges d’hommes plus ou moins étendus ; peu importe que ce gouvernement et cette gestion soient, en même temps que plus ou moins partagés, plus ou moins décentralisés. Ce que j’ai à dire s’accommode très bien d’un chef d’entreprise multicéphale, car à travers la diversité des fonctions doit se retrouver une unité d’esprit parmi ceux qui ont, diffuse ou nettement délimitée, une responsabilité de gestion d’une entreprise. Le chef d’entreprise porte sans cesse un jugement sur l’événement et son évolution. Ce juge- ment doit être prompt et sûr. Il doit embrasser de grands ensembles complexes ; il ne peut s’attarder sur un détail dépourvu de signification, mais doit être attentif à tout détail significatif. Il fait un choix incessant, parmi des épisodes sans importance, de la tendance qui importe, du signe qui annonce quelque chose. Dire cela, c’est dire que le jugement du chef d’entreprise est un jugement statistique. La statis- tique rassemble en une vue synthétique les observations qu’une analyse traditionnelle s’attachait à isoler les unes des autres. Le Professeur Darmois a rappelé, dans sa conférence d’ouverture de ce cycle, l’apport irremplaçable de l’analyse factorielle qui rend compte globalement des effets de corr.- binaisons de facteurs et libère du « toutes choses égales d’ailleurs» dans l’étude des phénomènes non répétables ou dont la répétition exigerait plus de temps qu’on n’en peut lui consacrer. La statistique fournit l’information efficace. Elle ne donne pas une information complète comme le fait la monographie. Elle est un compromis entre l’information complète et l’information brève, mais elle fournit, à ceux qui savent l’utiliser, l’information sélectionnée. Elle informe d’une manière approchée et vivante, et il importe au chef d’entreprise de dire le degré d’approximation qu’il accepte dans telle ou telle information. La technique statistique lui per- met généralement d’obtenir le degré d’approximation qu’il souhaite ou, plus exactement, de savoir ce que lui coûtera telle approximation et de choisir entre la rigueur et le temps dont il dispose. Mais il n’est pas essentiel que la technique statistique soit systématiquement mise en oeuvre pour toute information du chef d’entreprise : ce qui est essentiel, c’est que te uploads/Management/ la-statistique-et-la-gee.pdf
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- Publié le Jui 12, 2022
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