Version 16 avril 2000 Le management est mort, vive le e-management ! Michel Kal
Version 16 avril 2000 Le management est mort, vive le e-management ! Michel Kalika Tous les secteurs, tous les métiers, toutes les fonctions de l’entreprise ont été, sont ou seront bouleversés par Internet. Le développement d’Internet, c’est-à- dire l’apparition et la généralisation d’un support universel de communication de données (textes, son, images) conduit naturellement à s’interroger sur la portée des changements ainsi provoqués sur le management des entreprises et plus généralement sur les Sciences de Gestion. Le management des entreprises doit changer car notre conviction est qu’il y va de la survie des entreprises. Celles-ci vont devoir passer du management1 tel qu’on le connaît aujourd’hui, au e- management. Le e-management, peut se définir par l’intégration dans l’ensemble des processus de management, c’est-à-dire, la finalisation, l’organisation, l’animation, le contrôle2, des impacts et opportunités des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Le e- management recouvre à l’évidence ce que l’on appelle le e-business3, c’est-à- dire les stratégies de commercialisation via Internet, mais aussi, et on l’oublie trop souvent, les implications organisationnelles de ces stratégies en termes de structure, de gestion des ressources humaines, de système d’information et plus généralement de fonctionnement d’entreprise. Le e-management concerne au premier chef les start-up et sociétés modèles de la nouvelle économie, mais aussi toutes les entreprises qui directement ou indirectement vont être affectées par les possibilités et implications d’Internet. L’ensemble des modifications induites par Internet dans les circuits d’information de l’entreprise, engendre des modifications très substantielles 1 Voir : Management, Stratégie et Organisation, Vuibert, 1999. 2 Tabatoni, P. Jarniou, P., Système de gestion, Puf, 1975. 3 Également dénommé e-commerce, utilise Internet comme un canal de distribution générateur de chiffre d’affaires. dans le management et l’on voit apparaître ce que Henri Isaac4 qualifie d’entreprise numérique. Ces modifications, qui s’appliquent tant aux outils de management qu’aux processus, peuvent être examinées, par grandes fonctions ou en reprenant tour à tour les deux composantes essentielles du management, à savoir, la stratégie et l’organisation. Le caractère transversal de la question nous conduit à retenir cette approche. I. Internet et la stratégie Les nouvelles règles économiques et les perspectives de rentabilité de ce que l’on appelle la net-économie induisent des modifications profondes à la fois en termes de marketing stratégique, de processus et de décisions stratégiques. Christophe Benavent développe5 les évolutions imputables aux NTIC en matière d’analyse des marchés et de compétition ; nous analysons celles relevant du processus et des décisions stratégiques. I .1.la remise en cause des processus de décision stratégique. Nous devons observer que plusieurs concepts traditionnels de l’analyse stratégique sont mis à mal par Internet. • La planification : le raccourcissement des horizons temporels et l’incertitude sur les résultats conduisent à s’interroger, de nouveau, sur l’utilité de la planification stratégique en tant que processus de long terme. Un questionnement sur la place du temps dans les décisions s’impose. Quelle place a désormais le temps dans la réflexion stratégique des entreprises ? Les choix stratégiques des entreprises relèvent généralement de processus réfléchis s’inscrivant dans la durée. Comment comprendre l’accélération des prises de décisions stratégiques, la multiplication des stratégies Internet des entreprises ? Quels sont les facteurs 4 Cf. infra p. ? , Henri Isaac. 5 Cf. infra p. ? , Christophe Benavent. 2 déclenchant des nouvelles stratégies ? Quelle est la « rationalité » de ces décisions ? Quelle est la place des phénomènes de mode, d’imitation, voire de myopie collective. • La mission : L’évolution des secteurs économiques conduit certaines entreprises à remettre en cause leur mission et la stabilité du concept est fragilisée. Ainsi, lorsque le groupe Vivendi cède des activités traditionnelles de production d’électricité aux USA pour investir dans les secteurs liés à Internet, cela traduit non seulement une réorientation stratégique, mais plus encore un changement de la mission de l’entreprise. D’aucuns considéreront qu’il s’agit là d’une évolution naturelle d’un groupe réorientant son portefeuille d’activités vers des secteurs plus porteurs. Nous nous interrogeons sur la stabilité du concept de mission d’une entreprise et sur la rapidité de son changement. La nature même de la stratégie des entreprises est ainsi remise en cause. • La segmentation stratégique : En matière de diagnostic stratégique, l’on enseigne traditionnellement que le diagnostic s’effectue sur des domaines d’activités stratégiques (DAS) homogènes entre lesquelles les synergies sont inexistantes. Si l’approche par les compétences transversales fondamentales6 avait déjà affaibli le concept de segmentation stratégique, les NTIC ont donné le coup de grâce à cette approche. Les frontières traditionnelles qui séparaient les DAS volent en éclat du fait des changements liés aux technologies de l’information. Que deviennent les frontières traditionnelles entre télécommunications, informatique, télévision, cinéma, édition ? Si les contours des DAS sont flous, le diagnostic en devient plus délicat et les méthodes traditionnelles deviennent inadaptées. Lorsque UPS, spécialiste de la logistique crée une activité de transfert électronique de données, cela témoigne des changements qui caractérisent les frontières habituelles entre secteurs. 6 Cf. Hamel, G., Prahalad, C.K.. 3 • L’analyse des secteurs : les modèles d’analyse des secteurs reposent sur l’identification des acteurs et sur la définition de caractéristiques dominantes du secteur, telles que l’intensité concurrentielle. Or, l’on observe l’arrivée de nouveaux entrants et la modification des règles du jeu économique. Internet déstabilise de nombreux secteurs en changeant leurs frontières et aussi leurs règles de fonctionnement. A quoi bon effectuer une analyse de secteur quand celui-ci n’existe pas ou évolue au fil des semaines? Ces nouveaux secteurs où les comportements des clients, où l’efficacité des mix-marketing et notamment de la publicité sont ignorés7 sont nombreux tant dans les domaines des technologies de transmission, de la conception de services Internet, de nouveaux intermédiaires, de portails, de moteurs de recherche, que dans ceux des services nouveaux, tels que la vente en ligne de voyages, de services financiers, ventes aux enchères, sites de regroupement ou de centrale d’achat, sites de comparaison de prix etc. . Les pouvoirs de négociation des acteurs sont modifiés dans les secteurs du fait des changements liés à la détention de l’information ou de l’accès à celle-ci. • Les critères de décision stratégique en terme de rentabilité, de retour sur investissement semblent obsolètes. Les valorisations boursières des sociétés de la net-économie n’ont plus rien à voir avec celles habituellement utilisées par les spécialistes et l’on doit s’interroger soit sur la pertinence des indicateurs, soit sur celle des décisions prises. Que signifient des PER de 100, des valorisations d’abonnés (gratuit) à des réseaux Internet supérieures à 10000 Euros8 ? L’instabilité, la volatilité de ces valorisations renforcent cette interrogation. Les modèles de décision des managers, leurs cartes cognitives ont-ils été totalement bouleversés en 7 Bourliataux, Stéphane, Etudes exploratoires de l’efficacité publicitaire de deux types de publicités sur Internet, standard versus personnalisée, Thèse, Dauphine, Crepa, janvier 2000. 8 Cession de Club-Internet par le groupe Lagardère à Deutsche Telekom. 4 quelques mois, voire en quelques semaines ? De nouveaux indicateurs et raisonnements apparaissent : o Les coûts de reproduction de l’information sont très faibles: si les coûts de collecte, d’élaboration, de production sont élevés, notamment en raison des coûts de développements multimédias, les coûts de reproduction et de diffusion sont réduits. Cela signifie en termes de comptabilité analytique, que les coûts fixes sont élevés, mais que les coûts variables sont faibles. o Les effets d’externalités de réseaux9 sont essentiels : la valeur d’un système de diffusion ou de traitement de l’information, d’une application, d’un service proposé sur le net croît avec le nombre d’utilisateurs de ce produit. Les effets de communautés modifient ainsi l’appréciation des coûts et des valeurs. En conséquences les modalités de calcul des coûts et des prix des services Internet sont modifiées profondément10. Le processus de décision stratégique étant modifié, les stratégies elles- mêmes sont remises en cause. I. 2 La remise en cause des décisions stratégiques. • Les stratégies génériques : L’opposition classique qui est faite entre les stratégies de différenciation (par le service, l’image, …etc.) et les stratégies de domination par les coûts est mise à mal par les changements technologiques. Prenons le cas des services financiers distribués en ligne. Les courtiers traditionnels pourront-ils durablement considérer qu’ils apportent un service personnalisé supérieur à celui des discount-brokers qui proposent à des prix très faibles, une 9 Cf. Shapiro, C., Economie de l’information, 1999. 10 Il est révélateur d’observer la création par France Télécom d’une filiale spécialisée dans la commercialisation de logiciels de calcul des prix des biens immatériels (La Tribune, 08/03/2000). 5 réactivité plus forte, une personnalisation importante et la mise à disposition plus large d’informations. Le lancement par la BNP de BNP.net constitue déjà un élément de réponse. La capacité des portails à personnaliser l’offre de produits, de services et de messages publicitaires remet également en cause l’opposition classique entre marketing de masse et « one to one ». L’article de Stéphane Bourliataux11 montre l’ampleur des changements introduits par Internet dans un des aspects du marketing, la publicité. • Les stratégies de concentration : la concentration entre entreprises se traduisait habituellement par des fusions, par des mouvements financiers et un changement des frontières juridiques de groupes. Internet permet des uploads/Management/ le-management-est-mort-vive-le-e-management 1 .pdf
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- Publié le Mai 01, 2022
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