BANQUE DES MEMOIRES Master de droit européen des affaires Dirigé par Louis Voge

BANQUE DES MEMOIRES Master de droit européen des affaires Dirigé par Louis Vogel 2010 Les prix prédateurs Elsa Thauvin Sous la direction de Louis Vogel 1 MEMOIRE SUR LES PRIX PREDATEURS Elsa THAUVIN M2 Professionnel Droit européen des affaires Sous la direction de Monsieur le Professeur Louis Vogel Année universitaire 2009/2010 2 3 Sommaire Résumé p 4 Introduction p 6 I- Pratique de prix bas : le passage d’une approche per se p 9 à une approche par les effets A- Une pratique de prix bas est-elle pro ou anti concurrentielle ? p 10 B- Esquisse d’une méthode pour évaluer les effets d’une pratique p 17 prédatrice II- Le test de coût à retenir et les difficultés tenant à sa mise en œuvre p 23 A- Le test Areeda-Turner et ses évolutions p 24 B- La condition de récupération des pertes p 37 III- La prise en compte des effets dans l’analyse de la prédation p 42 A- L’analyse des effets dans les tests économiques p 42 B- L’analyse des effets en matière jurisprudentielle p 49 IV- Prix prédateur sur un marché non dominé : la difficile preuve de la p 58 construction d’une réputation d’agressivité A- L’analyse du lien entre les marchés p 60 B- La preuve du comportement prédateur p 63 Conclusion p 67 Annexes p 68 Bibliographie p 77 Table des matières p 83 4 Résumé Ces dernières années, les autorités de concurrence ont été amenées à s’interroger sur les effets proconcurrentiels et anticoncurrentiels des pratiques de prix bas en prenant en considération les effets de la pratique et non plus en retenant une approche qui sanctionne per se certains comportement comme la prédation. L’approche par les effets est donc une approche en deux temps. Les autorités de concurrence doivent en premier lieu rechercher le dommage causé par la pratique à court terme mais également à moyen et long terme. Dans un second temps, il faut identifier la stratégie de l’entreprise et voir si elle est rationnelle économiquement et susceptible d’offrir aux consommateurs des gains d’efficience. La recherche d’une stratégie crédible doit donc permettre de départager les politiques de prix bas liées uniquement à une volonté d’exclusion des concurrents, des tarifs découlant des gains d’efficacité et bénéficiant aux consommateurs. La Commission européenne a précisé qu’elle serait amenée à intervenir « lorsqu'il existe des preuves de ce qu'une entreprise dominante adopte un comportement prédateur en supportant des pertes ou en renonçant à des bénéfices à court terme, et ce délibérément (il s’agit donc d’un véritable sacrifice financier), de façon à évincer ou à pouvoir évincer un ou plusieurs de ses concurrents réels ou potentiels en vue de renforcer ou de maintenir son pouvoir de marché, portant de ce fait préjudice aux consommateur ». Ainsi, pour déterminer si l’entreprise en position dominante adopte un comportement prédateur, il convient dans un premier temps d’opérer une comparaison prix/coût. Le test Areeda Turner est très largement appliqué par les autorités de concurrence. Le coût pertinent à prendre en compte a évolué. Tout d’abord il a s’agit du coût variable moyen, mais la Commission européenne fait désormais référence au coût évitable. Enfin, dans certaines hypothèses, lorsque l’entreprise dominante assure à la fois une activité monopolistique et une activité de concurrence, le coût pertinent est le coût incrémental. En matière de prix prédateurs, la jurisprudence Akzo du 3 juillet 1991 fait figure de référence. Deux situations doivent être envisagées. Lorsque les prix pratiqués par l’entreprise en position dominante sont inférieurs à ses coûts variables, il y a une présomption de prédation car une 5 telle politique ne peut s’expliquer que par la volonté de la firme d’évincer ses concurrents. Si les prix sont supérieurs aux coûts variables moyens mais inférieurs au coût total, ils ne seront considérés comme abusifs que s’ils sont fixés dans le cadre d’un plan ayant pour but l’élimination des concurrents. Les autorités de concurrence se sont également interrogées sur le fait de savoir s’il fallait tenir compte de la possibilité pour l’entreprise en cause de récupérer ses pertes pour qualifier son comportement de prédateur. La jurisprudence européenne et américaine diverge sur ce point. Si aux Etats Unis, la condition de récupération des pertes est une condition nécessaire car en l’absence de recoupment la stratégie n’est pas rationnelle, pour la Cour de justice des communautés européennes il s’agit là d’un simple indice de démonstration de la prédation. Au-delà du test de coût, la Commission européenne retient désormais une approche par les effets. Différents tests ont été proposés par les économistes pour apprécier les effets de la prédation et ses chances de succès. Par ailleurs, une analyse de la stratégie des entreprises permet d’identifier quatre types de prédation : la prédation financière, la prédation par construction d’une réputation d’agressivité, la prédation par signal et enfin la prédation par test de marché. Cette approche par les effets a trouvé également une consécration jurisprudentielle. Ainsi une entreprise dominante bien que pratiquant des prix inférieurs à ses coûts fixes pourra justifier son comportement dès lors que ses prix sont supérieurs aux coûts variables. Cette position a été confirmée dans une communication de la Commission européenne, qui exige que soit démontré que l’éviction du ou des concurrents est préjudiciable pour le consommateur et que cette éviction est anticoncurrentielle. L’approche par les effets des pratiques de prix prédateurs permet d’éviter que des entreprises en position dominante soient condamnées alors qu’elles ne mettent en œuvre aucune stratégie d’éviction anticoncurrentielle. Toutefois, il est possible de s’interroger sur le fait de savoir si une telle approche n’est pas trop restrictive empêchant ainsi toute condamnation. Cette question mérite d’être posée à la lecture de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 mars 2009 dans l’affaire GlaxoSmithKline. En l’espèce, la Cour a conclu à l’absence de prix prédateurs, la preuve de la construction d’une réputation d’agressivité alors que l’entreprise n’était pas en position dominante sur le marché en cause, n’ayant pas été rapportée. 6 Introduction John Rockefeller disait « seul un concurrent mort n’est pas dangereux »1. Cette phrase révèle toute l’ambigüité de la question des prix prédateurs. La concurrence entre entreprises peut aboutir à l’éviction d’un ou plusieurs concurrents par une firme plus efficace. Si cette affirmation ne suscite pas de problèmes à première vue, il convient de s’interroger sur les politiques de prix bas. Celles-ci sont-elles nécessairement anticoncurrentielles ? La réponse est négative et il convient d’opérer une distinction entre les stratégies purement anticoncurrentielles et celles qui permettent à une entreprise en position dominante de proposer des produits à un prix inférieur à celui de ses concurrents au terme d’une concurrence par les mérites. Il n’est pas illégal en soi d’occuper une position dominante qui résulte d’une concurrence par les mérites, seule l’exploitation abusive de cette position est illégale. L'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne constitue la base juridique d'une composante essentielle de la politique de concurrence et son application effective permet un meilleur fonctionnement des marchés, au bénéfice des entreprises et des consommateurs2. La protection des consommateurs guide l’application de l’article 102 du Traité. Ceux ci tirent profit de la concurrence par des prix moins élevés, une qualité meilleure et un choix plus vaste de biens et services nouveaux ou plus performants. Plus généralement, l’objectif de la Commission est de préserver le jeu de la concurrence dans le marché intérieur afin que les entreprises détenant une position dominante n'excluent pas leurs concurrents par d'autres moyens qu'une concurrence par la qualité des produits ou des services qu'elles fournissent. Dans ses lignes directrices, la Commission souligne que son action vise à assurer l’exercice d’une « concurrence effective » qui ne saurait être limitée à la simple protection des concurrents. Il ne s’agit donc pas d’assurer la pérennité des concurrents, 1 Citation reprise dans Stratégie de prix-Prix prédateurs : l’enseignement de l’analyse économique, Problèmes économiques n°2683, 11 octobre 2000, Laurent Benzoni. 2 Communication de la Commission- Orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du TCE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes, Communication 2009/C 45/02, JOUE 24/02/2009, C 45/7. 7 car l’exercice d’une politique saine de concurrence peut avoir pour effet de faire disparaître du marché les concurrents moins intéressants pour les consommateurs du point de vue des prix, du choix, de la qualité et de l'innovation. C’est dans ce contexte que doit être abordée la question des prix prédateurs. La Commission européenne a précisé qu’elle serait amenée à intervenir « lorsqu'il existe des preuves de ce qu'une entreprise dominante adopte un comportement prédateur en supportant des pertes ou en renonçant à des bénéfices à court terme, et ce délibérément (il s’agit donc d’un véritable sacrifice financier), de façon à évincer ou à pouvoir évincer un ou plusieurs de ses concurrents réels ou potentiels en vue de renforcer ou de maintenir son pouvoir de marché, portant de ce fait préjudice aux consommateur »3. La sanction des pratiques prédatrices repose sur l’article 102 du Traité de Lisbonne et en droit français sur le fondement de l’article L 420-2 du Code de uploads/Management/ les-prix-predateurs-pdf 1 .pdf

  • 17
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Jul 27, 2022
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.7032MB