Situation no 20 Managers séquestrés par une délégation syndicale Durant un confl
Situation no 20 Managers séquestrés par une délégation syndicale Durant un conflit, vous êtes retenu dans une salle de réunion par une déléga- tion syndicale. LA SITUATION: CONTEXTE ET ÉVÉNEMENTS Vous travaillez sur un site soumis à une forte concurrence. Jusqu’à présent, la direction a fait des choix en termes de productivité et d’organisation, qui ont permis la sauvegarde des emplois. Les organisations syndicales ont accepté, pour l’intérêt commun, certaines décisions. Mais les dernières négociations salariales n’ayant pas abouti, une partie des salariés fait grève depuis une semaine. L’ambiance a été bon enfant, sans violence, puis s’est brusquement envenimée : la direction a tenté de forcer les accès, de faire sortir des produits et de contourner le mouvement. Au cours d’une réunion budgétaire à laquelle vous êtes convié, une délégation de grévistes fait soudainement irruption dans la salle et vous annonce qu’elle vous retient ici et ne vous rendra votre liberté de mouvement que lorsque la direction cessera de contourner la grève et reviendra s’asseoir à la table des négociations salariales. Vous êtes donc séquestré en compagnie d’autres managers, dont le directeur financier et la DRH qui vous ont rejoint, alertés par les éclats de voix inhabituels à cet étage des bureaux. LES ACTEURS: ENJEUX ET ÉTAT D’ESPRIT . Pour les grévistes jusqu’au-boutistes. Ils sont minoritaires à vouloir durcir le mouvement qui patine et s’enlise. Les leaders, sans contact avec le directeur pour poursuivre les négociations, s’auto- risent à aller plus loin pour inverser le rapport de force, ce qu’ils n’ont pas obtenu par la grève. Ils ont le sentiment de maîtriser la situation, mais n’ont aucune stratégie, et découvriront qu’ils se sont fourvoyés dans une impasse. MANAGER DES SITUATIONS DE CRISE 121 . Pour le manager. Vous faites partie, par hasard, de l’équipe séquestrée. Pourtant, vous n’êtes pas partie prenante des négociations salariales, et vous avez conservé une stricte neutralité auprès des grévistes et des non-grévistes de votre équipe. Vous constatez que les choses ne vont pas évoluer aussi vite que vous l’aviez imaginé et qu’aucun échange n’est possible. Ces grévistes naviguent à vue et ne présentent aucun front uni dans la manière de mener ce coup de force. L’ambiance est pesante et tout peut arriver. . Pour le reste des grévistes. Chacun espère tirer profit de cette grève, tout en souhaitant ne pas avoir à subir des conséquences financières trop pénalisantes. Aussi sont-ils favorables à une issue rapide du coup de force, et finiront par se désolidariser ouvertement. . Pour la direction. Elle a fait le choix de mettre un terme aux négociations salariales et de ne pas reprendre le dialogue avec les grévistes. Cette réaction, interprétée comme du mépris, concourt à l’exacerbation du mouvement. La DRH, retenue dans la salle, devra, si possible, s’accorder avec le directeur général pour faire retomber la pression. Dans le cas contraire, elle devra piloter le dialogue en étroite concertation avec le directeur financier. LES RISQUES (DE L’INCIDENT AU SCÉNARIO CATASTROPHE) Tout d’abord, il y a bien sûr un risque au niveau personnel, selon la façon dont vous allez vivre cet événement. Ce qui vous déroute le plus est de découvrir certains salariés, y compris des membres de votre équipe, sous un autre jour, négligeant les bonnes manières ou les règles de savoir-vivre en collectivité. Le deuxième risque est d’ordre social : le conflit va en effet peser sur l’ambiance de travail et plus largement sur le collectif de travail, qui peut subir une fracture durable. Ce type de situation fait souvent place à des clans, obérant les relations entre les individus et marquant le site durablement. Par ailleurs, un risque juridique pèse sur les salariés ayant pris part à la séques- tration : « La lutte syndicale ne peut s’exercer que dans le respect de la loi pénale, surtout s’agissant d’atteintes aux personnes, qui sont parmi les plus graves » (Ch. crim., 6 février 2002). La séquestration constitue donc une infraction pénale, qui ne peut être couverte ni par le droit syndical, ni par le droit de grève. « Le fait d’arrêter, d’enlever, de détenir, de séquestrer une personne est puni de 20 ans de réclusion criminelle. Toutefois, si la personne détenue ou séquestrée est libérée volontairement avant le 7e jour accompli depuis celui de sa séquestration, la peine est de cinq ans » (C. pén., art. 224-1). En pratique, le juge délivre des sanctions pouvant aller jusqu’à deux mois de prison avec ou sans sursis (ex. : Cass. crim., 20 décembre 2000). Sur le plan disciplinaire, comme tout délit portant atteinte aux personnes, la séquestration est une faute lourde (Cass. soc., 24 avril 2003) pour le gréviste, qu’il soit MANAGER DES SITUATIONS DE CRISE 122 Situation no 20 salarié ou représentant du personnel. L’employeur doit prouver la part personnelle et prépondérante de l’individu mis en cause dans les agissements d’un groupe de salariés, et démontrer qu’il n’a eu aucun rôle modérateur dans le déroulement des événements. La moindre incertitude bénéficie généralement au délégué syndical pour un motif d’intérêt général (Conseil d’État, 11 février 2005). Certains protocoles de fin de conflit stipulent le retrait des plaintes pénales. Mais un salarié séquestré, victime directe de l’infraction, a la possibilité de porter plainte à titre individuel. À noter : la jurisprudence récente a rappelé que tout engagement pris par un manager ou par un dirigeant sous l’effet d’une contrainte physique n’a aucune valeur juridique et n’engage pas l’entreprise. LES OUTILS D’ANALYSE La séquestration représente la phase de paroxysme dans le déroulement de la situation de crise. Mais une succession de phases composent cette dynamique du conflit : – l’accumulation, durant laquelle les éléments constitutifs de la contestation se mettent en place ; – le déclenchement, à partir d’un fait ou d’une information, qui sert de catalyseur aux revendications, soude les énergies et cimente l’objectif commun ; – l’installation du conflit : les hésitations sont surmontées et les leaders émergent ; – le développement du conflit, avec une contagion à d’autres secteurs, services/ catégories de personnel ou sites géographiques. Le développement dépend de la probabilité d’obtenir gain de cause, de la cohésion du mouvement, de l’ampleur des soutiens (y compris opinion publique et médias), et des éventuelles difficultés rencontrées par la direction dans sa négociation ; – en cas d’échec de la phase précédente : l’enlisement qui annonce l’extinction du conflit ; – l’escalade, qui est susceptible d’accélérer les négociations ; – le reflux : chaque partie mesure l’avantage de mettre un terme au conflit ; – la sortie de crise, qui marque le passage du passionnel à la raison ; – ou la radicalisation sous toutes ses formes, dont la séquestration. Le paroxysme est un moment charnière qui se caractérise par l’incapacité des grévistes à passer de l’émotion à la réflexion, à renoncer aux revendications les plus excessives. Au cours de ce moment charnière, il est important d’éviter tout acte ou parole susceptible de compromettre le retour au calme et l’issue favorable du conflit. MANAGER DES SITUATIONS DE CRISE 123 Situation no 20 CONSEILS POUR AGIR Dans cette situation, évitez... . de vous opposer frontalement aux meneurs. Ces réactions, parfois spontanées, ne feront qu’envenimer le climat et susciter des comportements extrêmes. . de débattre et d’argumenter. Dans cette forme de radicalité, le rationnel et l’ana- lyse ont disparu. Toute tentative d’argumenter serait vaine et risquerait même d’être mal interprétée. . de réagir de façon épidermique ou émotionnelle. . d’accepter tacitement une remise en cause de votre autorité dans l’organisation. Ces moments de paroxysme ont une forte charge symbolique : par exemple, le meneur de la séquestration peut vouloir s’attribuer les symboles du pouvoir en s’asseyant à votre bureau. Vous devez montrer votre autorité – sans provoquer – afin de ne pas perdre par la suite votre légitimité. Cela passe notamment par l’occupation de l’espace. . de faire appel aux forces de l’ordre après une assignation en référé d’expulsion. Généralement les séquestrations ne durent pas longtemps, les meneurs se trou- vant rapidement dos au mur, pris dans une impasse. Face à des menaces de destruction de matériel, de dispersion de matière dangereuse, ce sont les autorités préfectorales ou la gendarmerie qui imposent à l’employeur des mesures coercitives. Dans cette situation, préférez... . adopter une démarche d’écoute sur la façon dont les meneurs envisagent la suite. Établissez ensemble quelques règles incontournables (prévenir les familles, a minima). Faites-les parler et n’attachez pas trop d’importance à l’agressivité de certains. Ils ne s’attaquent pas à vous en tant que personne, mais à ce que vous représentez. . conserver votre positionnement hiérarchique. Dans notre situation, la DRH doit sans doute assumer la responsabilité d’être porte-parole de la direction, et consulter les cadres présents avant de débattre de tel ou tel sujet avec les meneurs. . refuser tout comportement dégradant ou humiliant. Tout en conservant la plus stricte neutralité, vous pouvez signaler aux activistes que vous n’acceptez pas votre privation de liberté et que tout ce qui a été cédé sous la menace n’a aucune valeur juridique. En cas de présence de journalistes, faites usage de votre droit d’opposition à uploads/Management/ pactes-conseil-manager-situations-de-crise-20-managers-sequestres-par-une-delegation-syndicale-pdf.pdf
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- Publié le Mai 12, 2021
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