Presses universitaires de Namur L’évaluation en classe de français, outil didac
Presses universitaires de Namur L’évaluation en classe de français, outil didactique et politique | Erick Falardeau, Joaquim Dolz, Jean-Louis Dumortier, et al. L’évaluation en classe de français, outil didactique et politique Érick Falardeau, Joaquim Dolz, Jean-Louis Dumortier et Pascale Lefrançois 1 2 p. 11-24 Texte intégral Évaluer, c’est « confronter un ensemble d’informations à un ensemble de critères en vue de prendre une décision » (De Ketele & Roegiers, 1993, p. 42). C’est donc une activité qui n’est pas spécifiquement scolaire. Le médecin et le joueur d’échecs, le politicien et l’amateur de champignons, le juge et l’automobiliste, l’architecte et le cinéphile, entre des centaines d’autres, pratiquent l’évaluation. Quand l’évaluation consiste à confronter des informations ayant trait au fonctionnement d’un système scolaire et des critères relatifs à un fonctionnement (jugé) optimal de celui-ci, elle ne concerne pas spécifiquement ou pas directement le chercheur en didactique, à fortiori le chercheur en didactique du français. Ainsi en va-t-il, notamment, de l’évaluation comparative de l’efficacité1 et de l’efficience2 des institutions scolaires, à l’échelon international. Ainsi en va-t-il également de l’évaluation, influencée par la précédente, d’une de ces institutions au sein d’une entité politique. Ainsi en va-t-il encore de l’évaluation des établissements quant au respect des instructions officielles, etc. Ces sortes d’évaluation permettent de prendre des décisions relevant des politiques scolaires, aujourd’hui orientées par l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE), qui fait prévaloir le principe du retour sur investissement. Financée par la collectivité, l’institution scolaire doit, en principe, former les enfants et les adolescents, sans qu’aucun ne soit laissé pour compte. Elle cherche le développement d’individus épanouis, conscients et contents d’être dotés de compétences, désireux et capables de concourir au progrès de cette collectivité, notamment en participant à la vie civique et économique. 3 4 5 Les conceptions de l’évaluation au service de la progression des apprentissages des élèves sont relativement récentes (Bloom, Hasting & Madaus, 1971). Mottier Lopez (2015) montre comment les fonctions de l’évaluation se spécialisent lors de la deuxième partie du XXe siècle. La distinction entre évaluation sommative et formative est devenue une opposition classique. Mais Cardinet (1983) présente une vision triadique : l’évaluation formative destinée à soutenir les régulations des apprentissages, l’évaluation certificative qui intervient à l’issue de la formation pour garantir les acquis et l’évaluation pronostique dotée de fonctions de prédiction et d’orientation. Allal et Mottier Lopez (2005) montrent comment « entre 1978 et 2002 » se développent des travaux sur l’évaluation. Ils portent sur les cadres théoriques, les instruments et les techniques, les pratiques effectives des enseignants et, plus récemment, sur l’implication relative des apprenants dans l’évaluation formative. Toutes les évaluations qui ont trait à l’enseignement et à l’apprentissage de contenus disciplinaires sont des objets potentiels pour la recherche en didactique du français. Le chercheur peut ainsi s’intéresser aux différentes sortes d’évaluation des acquis disciplinaires, à leurs effets respectifs tant positifs que négatifs. Il peut également se pencher sur les outils d’évaluation ainsi que sur leurs emplois et mettre en question leurs validités respectives : validité de contenu et de construit des épreuves, validité interne ou externe des expériences3. Le chercheur en didactique est très conscient qu’un maitre ne saurait s’abstenir d’évaluer la réalisation des tâches qu’il impose. Il peut, certes, ne pas noter les élèves. Il peut, lorsqu’il s’agit de certifier leurs acquis, ne pas établir une moyenne arithmétique des notes qu’il a attribuées. Il peut ignorer certaines d’entre elles et accorder plus d’importance à certaines autres. Mais il ne peut pas ne pas évaluer. Il ne peut pas ne pas 6 rapporter les performances4 des apprenants à des modèles de performance plus ou moins clairs et détaillés dans son esprit. Lorsqu’il déclare l’énoncé d’un élève correct ou incorrect, acceptable ou inacceptable, recevable par tel aspect, irrecevable par tel autre, il fait état d’une décision résultant de la confrontation de cet énoncé avec un ensemble de critères de qualité. Ainsi, chaque fois qu’il prend la parole ou la plume, l’élève est évalué. Tout au moins il est susceptible de l’être, car, comme peut le constater le chercheur, le nombre des apprenants et le caractère parfois anarchique ou imprévisible de leurs interventions font que tout ce qui serait évalué dans le meilleur des mondes pédagogiques ne l’est pas toujours dans ce qui n’est jamais que le meilleur des mondes pédagogiques possibles. Ce que l’on tente de mettre en lumière, c’est l’omniprésence de l’évaluation dans les interactions disciplinaires. Et, ce faisant, on met en question la distinction que d’aucuns établissent entre les actions relevant de l’étayage des apprentissages et celles qui ressortissent à l’évaluation. Aujourd’hui, les pratiques de l’évaluation articulent des dimensions certificative et formative et ne se limitent pas à la régulation des systèmes éducatifs. L’évaluation à fonction certificative vise à attester l’état de développement des compétences langagières et des connaissances des élèves leur permettant (ou non) de poursuivre leur scolarité avec succès ou de s’insérer dans la vie professionnelle. Cette modalité d’évaluation sommative en français implique un important bagage de gestes professionnels et d’attentes liées à la tradition disciplinaire, dont la création de grilles et de barèmes d’évaluation, l’élaboration d’épreuves, la correction des copies, le décompte des erreurs, le respect des normes liées à des genres d’écrits scolaires plus ou moins cristallisés, la restitution d’un discours sur les œuvres littéraires en conformité avec la tradition, la vérification des 7 connaissances grammaticales, syntaxiques ou lexicales à travers différents types d’examens. Comme nous l’avons signalé, l’évaluation ne peut être appréhendée sous le seul angle de la certification. Lorsqu’elle est dite formative (Allal, Bain & Perrenoud, 1993), elle concerne la régulation des apprentissages et de l’enseignement. Elle permet aux élèves de renforcer leur contrôle (Brookhart, 2010) sur leurs activités de lecture, d’écriture, de communication orale ou sur leurs connaissances grammaticales, littéraires, discursives. Cette forme d’évaluation donne au maitre la possibilité d’adapter l’enseignement aux besoins réels des apprenants. L’évaluation à valeur formative en français a une fonction prospective permettant d’organiser et de réguler les apprentissages. Elle permet de constater les compétences initiales des élèves et d’identifier les dysfonctionnements (Reuter, 2013) les plus caractéristiques dans la réalisation des tâches proposées. Le dysfonctionnement ayant trait à la variété linguistique appropriée à la situation, au vocabulaire ou à la syntaxe caractéristiques de cette variété, à la cohésion textuelle, aux normes et aux conventions d’un genre de discours devient un outil d’apprentissage, parce qu’il aide à mieux comprendre le raisonnement et les stratégies de l’élève. Les principaux gestes professionnels des enseignants associés à l’évaluation formative concernent l’observation et la régulation des apprentissages en lecture et en expression orale et écrite des élèves, l’organisation de l’implication des élèves dans l’autoévaluation et les différentes formes d’intervention et d’accompagnement pour surmonter les obstacles identifiés. L’annotation des textes d’élèves s’inscrit dans cette visée formative dans la mesure où ce geste utilise les dysfonctionnements pour en faire des outils de réflexion. L’évaluation formative repose donc sur une rétroaction explicite (Pressley & Harris, 2006) qui favorise le renforcement des capacités d’autorégulation des élèves (Zimmerman, 2002). 8 9 L’évaluation formative n’empêche pas la notation à titre indicatif, mais, en principe tout au moins, elle est incompatible (où serait le droit à l’erreur alors ?) avec la prise en compte des notes dans l’évaluation à fonction certificative. La forme scolaire de l’enseignement et de l’apprentissage a pour clé de voute l’obligation faite aux enseignants de certifier les acquis des apprenants, aujourd’hui définis en termes de compétences. Ces compétences de communication sont évaluées par le truchement de tâches complexes de compréhension, de production ou, plus souvent encore, de compréhension et de production de discours relevant de genres plus ou moins précisément déterminés, dans des situations dont la détermination est elle-même souvent approximative. Si les dispositifs d’apprentissage sont conçus en vue du développement de compétences de compréhension ou de production de discours, ils comportent généralement des activités de structuration ainsi que des exercices d’entrainement, qui ne laissent pas de poser des problèmes d’évaluation. Des problèmes de prise en compte des résultats de l’évaluation plus précisément. En principe, ni les exercices d’entrainement ni les activités de structuration ne devraient donner lieu à des notes qui servent à la certification. Mais en pratique — parce que les professeurs sont contraints de rendre périodiquement « des points », parce que nombreux sont les élèves et les parents qui en exigent —, il est difficile de ne pas en tenir compte du tout. Le chercheur pourra donc tenter de savoir si l’évaluation des activités de structuration et des exercices d’entrainement, censés préparer à l’exécution des tâches finales d’intégration, est prise en considération dans la certification des acquis. Le chercheur pourra se demander également si l’évaluation formative des performances prépare les élèves à tenir compte des critères d’évaluation dans la réalisation des tâches complexes d’intégration. 10 11 12 13 Sans contester l’utilité d’une distinction entre l’évaluation des résultats de l’apprentissage et l’évaluation (nationale ou internationale) du fonctionnement de l’institution scolaire, il n’est pas inutile d’attirer l’attention sur l’impact que celle-ci peut avoir sur celle-là (Dumortier, 2002). En effet, une partie des évaluations internationales ou nationales porte sur les acquis uploads/Management/ presses-universitaires-de-namur-l-x27-evaluation-en-classe-de-francais-outil-didactique-et-politique.pdf
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- Publié le Mai 09, 2022
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