COMPETENCES METHODOLOGIQUES Anne-Marie Drouin Une recherche actuellement en cou

COMPETENCES METHODOLOGIQUES Anne-Marie Drouin Une recherche actuellement en cours dans l'équipe de didactique des sciences expérimentales de l'INRP étudie les "compétences méthodologiques'' suscepti- bles d'être prises en compte et développées en sciences expérimentales. Cet article ne vise pas à présenter des résultats - ceux-ci seront publiés ultérieu- rement - mais à prendre comme objet de reßexion l'expression "compétences méthodologiques" en elle-même, en tant qu'elle est révélatrice de présupposés et de projets didactiques qu'il est intéressant de mettre à jour. On est ainsi invité à entrer progressivement dans la problématique de cette recherche en s'attardant tout d'abord sur une analyse de type sémantique qui, par une déconstruction de l'expression "compétences méthodologiques" tente de cerner comment les termes qui la composent se modifient mutuelle- ment dès qu'ils sont associés. Dans un second temps, le sens de cette expres- sion est envisagé à l'intérieur du champ de la didactique des sciences expérimentales et débouche sur l'idée d'une nécessaire prise de recul sur les démarches intellectuelles elles-mêmes, que l'on désigne sous le terme de "mé- tacognition". Et dans un troisième temps, le lien entre compétences méthodo- logiques et métacognition est alustré à travers la présentation d'une simulation avec des adultes, où la métacognition porte sur les critères implicites par les- quels on peut être amené à juger de la scientificité d'un texte. l'Intérêt pour la notion de "compé- tences méthodo- logiques's'lnscrlt dans un projet pédagogique... ...repose sur une conception didac- tique... La prise en compte de "compétences méthodologiques" en di- dactique des sciences expérimentales repose sur un pari, naît d'une association et offre un paradoxe : 1) le pari est qu'en mettant l'éclairage aussi sur ce qui n'est pas le contenu même du savoir, l'acquisition de celui-ci y ga- gnera en solidité. C'est le sens de cette volonté de mettre l'ac- cent, dans l'apprentissage des sciences expérimentales, sur la nécessaire acquisition de techniques et de savoirs qui sont généralement supposés connus par les élèves et qui ne font pas l'objet d'un apprentissage : lire et interpréter un schéma, savoir rédiger un compte-rendu, se repérer dans un manuel, mettre en place une expérience, séparer et choisir des varia- bles... 2) l'association de l'idée de "compétence" à celle de "méthode", c'est-à-dire d'une qualité individuelle à un comportement ob- jectivable, fait apparaître l'acquisition du savoir comme une synthèse entre le développement d'aptitudes personnelles et de procédés associés à un type de connaissances particulier ; ASTER. ÌT6. 1988. Les élèves et Véaiture en sciences. INRP. 29 nie dTJlm. 75230. Paris Cedex 05. 2 ...et exprime un paradoxe pourtant en tant que telle elle n'apparaît pas comme "entrée" dans les fichiers bibliographiques. Il y a là de quoi justifier une réflexion qui vise à démêler quel- ques aspects contradictoires d'une expression qui pourrait pa- raître, illusoirement, claire. 1. A LA RECHERCHE DES SENS DES MOTS déconstruire une expression pour en cerner le sens Si l'on prend globalement l'expression "compétences méthodo- logiques", son sens est sans doute approximativement assez bien compris comme l'ensemble des savoirs et savoir-faire qu'il faut mettre en oeuvre dans une certaine activité. Pourtant les termes qui la composent, pris isolément, pourraient paraître contradictoires, ou au moins étrangers l'un à l'autre. Une dé- construction de cette expression peut alors permettre de voir comment les mots ont des sens, et comment leur association fait surgir du nouveau et des nuances dont la rechesse peut être surprenante. On n'évitera pas ici le recours - traditionnel en philosophie - à l'étymologie, sans prétendre, précisons-le, faire oeuvre de philologie, ni reconstituer un historique com- plet des évolutions sémantiques. L'objectif est simplement de retrouver, à travers une prise en compte de divers "glissements de sens", une bonne part des implicites véhiculés par le choix de cette expression. de l'origine Juridi- que de la compé- tence... 1.1. De la compétence aux compétences Le verbe latin petere d'où est tiré "compétence" signifie "cher- cher à atteindre" ou "chercher à obtenir*' quelque chose : et competere (cum, "avec") c'est "se rencontrer au même point", "s'accorder avec", "revenir à". Etre compétent c'est en quelque sorte convenir à une fonction donnée, être en accord avec cette fonction. C'est en ce sens que l'on peut comprendre comment la "com- pétence" est à l'origine un terme juridique : c'est l'attribution, le pouvoir d'un tribunal. Et par extension, cela devient, au sens figuré une habileté dans certains domaines, qui donne un droit de décider. La personne compétente est celle qui sait, ou qui sait faire, qui peut se prononcer, qui peut juger. C'est aussi celle qui est publiquement reconnue comme ayant ce pouvoir ou cette aptitude, mais cette reconnaissance, mêlée parfois d'admiration, ne tient pas lieu d'explication sur l'origine de cette compétence, sur ses fondements ou sa justification. La compétence reste en ce sens un pouvoir, une habileté u n peu mystérieuse, de laquelle on peut volontiers se sentir exclu. Par contre, parler de "compétences", au pluriel, évoque non pas tant l'aptitude elle-même, que ce qui la rend possible, l'en- 3 ...au sens psycho- logique semble de ce qui est requis pour pouvoir agir de façon compé- tente. Il y a dans les compétences une certaine mise à plat de ce qui restait auparavant mystérieux, une publicité de ce qui était intime et caché, une objecüvaüon de ce qui demeurait subjectif. les compétences sont du côté du sujet apprenant De sorte que le cheminement qui va du sens Juridique du terme au sens figuré, puis de la compétence singulière aux compé- tences multiples, ressemble à un va-et- vient quelque peu trou- blant entre l'idée d'un pouvoir officiellement donné, publiquement attribué (la compétence juridique) et celle d'une aptitude personnalisée, un peu mystérieuse quant â son ori- gine (la compétence comme caractéristique individuelle), puis à nouveau un retour à une dimension objective (les compé- tences rendant possible la compétence). Mais cette dimension objective, présente dans le pluriel des compétences, se rat- tache néanmoins à la composante psychologique, elle est du côté de l'individu apprenant. la méthode est d'abord un che- min à parcourir, elle est du côté de l'objet rappel des quatre préceptes carté- siens 1.2. Méthodes à suivre Par opposition à cela, la méthode serait plutôt du côté de l'ob- jet à apprendre. La méthode (du grec meta, "vers" et hodos. "le chemin") est le chemin à suivre pour arriver à un but. Elle peut être définie comme une suite ordonnée d'opérations à ef- fectuer, sous forme de règles. La méthode a la froideur de l'ob- jectivité, la raideur de la règle, mais aussi le côté rassurant du chemin balisé dont l'aboutissement est certain. Pour parvenir à un discours vrai, par exemple. Descartes avait énoncé ses quatre préceptes à propos desquels il disait pren- dre "une ferme et constante résolution de ne manquer pas une seule fois à les observer" {Discours de la méthode, seconde par- tie. 1637) : "Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire d'évi- ter soigneusement la précipitation et la prévention : et de ne com- prendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n'eusse aucune occasion de le mettre en doute. Le second de diviser chacune des difficultés que j'examinerais, en autant de parcelles qui se pourrait et qu'û serait requis pour les mieux résoudre. Le troisième de conduire par ordre mes pensées, en commen- çant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaî- tre, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusqu'à la connaissance des plus composés : et supposant même de l'or- dre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. Et le dernier défaire partout des dénombrements si entiers, et 4 des revues si générales, quejefijsse assuré de ne rien omet- tre". On reconnaît dans ce passage célèbre les principes généraux de la démarche méthodique : la volonté de s'en tenir dans les jugements à ce qui se présente clairement et distinctement ; l'analyse ensuite, en autant d'éléments qu'il sera possible ; l'or- dre hiérarchisé qui va du simple au complexe : et enfin la vé- rification qui consiste à passer en revue l'ensemble des données d'un problème. Cette méthode générale est sous-jacente dans les méthodes particulières qui, pour une activité ou un savoir donnés, pro- posent des démarches hiérarchisées et ordonnées souvent en étapes linéaires, conçues comme formées d'éléments simples, accessibles, et permettant, grâce à un ordre savamment choi- si, de reconstituer peu à peu la complexité de cette activité ou de ce savoir, qu'il s'agisse de la méthode pour apprendre la guitare classique, de la méthode "assimil", ou de la méthode pour reconnaître les champignons. Autrement dit, ce qui est présent derrière l'idée de méthode, c'est l'idée d'une décomposition en éléments simples, de re- constitution ordonnée de ces éléments dans un cheminement linéaire et exhaustif. 1.3. Méthodique ou méthodologique ? Sur le substantif méthode se sont formés l'adjectif méthodi- que et le substantif méthodologie, qui à son tour a donné mé- thodologique. De ces deux uploads/Management/ ra006 2 .pdf

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  • Publié le Fev 02, 2021
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