Jean-Pierre BOISIVON est délégué général de l'Institut de l'entreprise. L'éduca
Jean-Pierre BOISIVON est délégué général de l'Institut de l'entreprise. L'éducation face aux défis du XXIe siècle Dans une économie de la connaissance qui se mondialise, la qualité de l’éducation est devenue un enjeu stratégique : c’est à l’école que se forge la compétitivité des entreprises. Mais l’école a du mal à s’adapter. D’où les propositions qui suivent… Si, de tout temps, le développement économique a été fondé sur les progrès des connaissances scientifiques et techniques, ce qui caractérise de ce point de vue la période actuelle, c'est que la production et la mise en œuvre des innovations ne reposent plus sur un nombre relativement restreint d'individus œuvrant dans des laboratoires et des bureaux d'études, mais proviennent du stock de connaissances accumulées chez un grand nombre de personnes qui ont la capacité de les transférer entre elles. Les attentes des entreprises se sont ainsi profondément transformées sous la pression du rythme croissant des innovations technologiques et organisationnelles. L'entreprise taylorienne des années soixante se satisfaisait relativement bien d'une main-d'œuvre de masse peu qualifiée et peu autonome. L'entreprise du début du XXIe siècle met en œuvre des technologies et des modes d'organisation beaucoup plus exigeants en termes de qualifications, de compétences et de comportements professionnels et sociaux. Une réponse qualitative inadaptée Face à cette profonde transformation du monde, notre système éducatif a eu du mal à s'adapter. Cette difficulté est perceptible à différents niveaux. Le système éducatif français a procédé en dix ans à un ajustement quantitatif d'une ampleur sans précédent. En 1985, moins de 30 % d'une classe d'âge obtenait son bac (29,4 %), dix ans plus tard plus de 60 % d'une génération est titulaire du baccalauréat (61,5 %). Mais à l'examen, on peut faire trois constats. Sous l'effet de la prolongation des études, le niveau d'ensemble de chaque génération a monté, comme l'a mis en évidence l'exploitation des tests des armées. Mais à chaque étape de la scolarité (fin de primaire, CAP, baccalauréat…) les résultats n'ont pas progressé : davantage d'élèves y accèdent, mais ils ne surpassent pas leurs homologues d'hier en termes de connaissances scolaires. Or les coûts par élève, en francs constants, ont progressé, en vingt ans, de 86 % dans le premier degré, et de 65 % dans le secondaire, sous le double impact de la revalorisation des traitements des enseignants et de la forte diminution des effectifs des classes. La permanence d'un noyau dur d'illettrés, estimé à 10 % de chaque classe d'âge, illustre bien l'entropie qui affecte le système. Une pénurie de professionnels La montée de l'accès au baccalauréat s'est faite principalement par les filières générales et technologiques, les bacheliers professionnels représentant moins de 20 % du total des bacheliers. Or les baccalauréats généraux et technologiques conduisent massivement à la poursuite d'études dans le supérieur. Nous avons ainsi en une quinzaine d'années inversé la pyramide des qualifications, en multipliant par quatre les sortants diplômés du supérieur long et en divisant par deux le nombre de ceux qui quittent le système de formation initiale avec un diplôme professionnel de niveau 5, organisant ainsi une pénurie de professionnels et une surabondance de diplômés. Au niveau des études supérieures longues elles-mêmes, la désaffection pour les études scientifiques fondamentales proposées par les universités pose le problème du recrutement des enseignants et du remplacement des chercheurs. L’enseignement professionnel dégradé Notre société est, moins que d'autres, capable de reconnaître la pluralité des excellences. Cette infirmité lui fait perdre beaucoup de talents et elle explique la place, le rôle et le statut diminués que nous avons donnés à l'enseignement professionnel. Le rééquilibrage de notre système de formation passe par une revalorisation de sa composante professionnelle, singulièrement sous sa forme d'apprentissage qui offre un mode de formation particulièrement efficace chaque fois que l'on est en présence d'une formation à finalité directement professionnelle, ce qui est presque toujours le cas dans l'enseignement supérieur. L’Université paupérisée La France est le seul pays développé qui dépense moins pour un étudiant que pour un lycéen. Quand la dépense moyenne par étudiant est de 200 aux États-Unis, elle est de 100 dans les pays de l'OCDE et de 70 en France. Et encore s'agit-il de moyennes qui masquent des différences très importantes entre les disciplines et les institutions éducatives. Faute de moyens, l'Université française n'est plus en situation de donner à ses étudiants une formation de qualité ni d'attirer des étudiants et des chercheurs étrangers de haut niveau ni même, ce qui est plus grave encore, de retenir dans ses laboratoires ses meilleurs doctorants. La formation continue négligée La France incarne ce paradoxe d'être un pays qui a institué il y a trente ans une obligation légale de formation continue et qui y consacre moins de 10 % de sa dépense globale d'éducation. Un salarié anglais bénéficie pendant sa vie active de trois à quatre fois plus de formation continue que son homologue français. La maintenance mal assurée du capital humain conduit à l'exclusion précoce du marché du travail. Que faire ? Ou mieux encore, comment le faire ? De ce point de vue, soyons au moins assurés d'une chose : il n'y aura pas de Grand soir. Tous les ministres, parfois après avoir nourri quelques illusions, ont éprouvé la capacité de résistance du système. Quelques pistes s'ouvrent à nous, certaines pour peu de temps, qu'il faut donc se hâter d'emprunter. Réallouer les ressources à l’intérieur du système La France consacre près de 7,5 % de son PIB à l'éducation et se situe dans le peloton de tête des pays de l'OCDE. Le budget de l'Éducation a doublé en euros constants en vingt ans, quand le PIB progressait de 60 %. Les moyens sont dans le système et pas dans de nouvelles injections d'argent public. Il faut redéployer une partie des moyens du primaire et du secondaire, qui sont surdotés, au profit des universités et de la formation continue. La démographie des élèves et des enseignants en offre l'occasion. La qualité de l'enseignement se joue dans les établissements et dans les classes, c'est-à-dire au niveau des unités de production elles-mêmes. C'est à ce niveau seul que peuvent être prises en charge l'extraordinaire diversité et la très grande hétéro-généité des situations pédagogiques concrètes. Il faut donc donner davantage d'autonomie aux établissements à tous les niveaux : primaire, secondaire, supérieur et une autonomie qui porte sur le cœur du métier, c'est-à-dire l'enseignement lui-même. Mais il n'y a pas d'autonomie s'il n'y a pas évaluation et contrôle externes. La mise en place d'instances externes d'évaluation des résultats et des performances des établissements représente donc un enjeu majeur. Gérer les personnes pour les motiver Quand on cherche à expliquer les différences importantes dans les performances d'établissements qui scolarisent des élèves comparables par leurs origines sociales, on constate que l'essentiel se situe au niveau de l'engagement et de la motivation des enseignants, de l'existence de véritables équipes éducatives, du leadership du chef d'établissement. Or l'Éducation nationale gère des postes et des procédures, elle ne gère pas des personnes et elle est devenue de ce fait une gigantesque machine à dilapider les énergies. Mais rien ne se fera sans la coopération active des personnels. Or, pas plus que les salariés du secteur privé, les professeurs n'aiment le changement. Les salariés du privé sont contraints de l'accepter, car c'est la condition de la survie collective sur un marché concurrentiel. Les enseignants peuvent y échapper durablement. Comment trouver un substitut à la régulation qu'exerce le marché sur les entreprises ? Tant que les ministres n'auront pas répondu à cette question, il est à craindre qu'ils connaîtront plus de défaites que de victoires dans la morne plaine de Grenelle. ImprimerEnvoyer par mailRéagir à l'article A lire / à voir dans Constructif Mobilisons-nous pour les jeunes Embarquons dans l’entreprise du XXIème siècle ! Jean-Francois Fiorina11 octobre 2018Enseignement supérieur, Grandes Ecoles, Management capital immatériel, climat, Compétences, compétences du 21e siècle, entreprise, environnement, loi PACTE, Management, objet social, Responsabilité sociétale, RSE, social, sociétal Le Parlement vient de voter, dans le cadre de la loi PACTE, le nouvel objet de l’entreprise. Il intègre désormais sa dimension sociale et environnementale pour une entreprise qui sert non seulement ses actionnaires mais également ses salariés par une prise de décision élargie et les préoccupations de la société civile comme partie prenante. Une question qui pourrait faire un sujet d’examen pour nos étudiants : « L’entreprise du XXIème siècle, quelles propositions ? », vous avez trois heures… Mes remarques spontanées quant à cette mesure qui va dans le bon sens tout en ajoutant un fort degré de complexité auquel nous devons nous préparer. Et qui reboucle avec mon post « Que faut-il enseigner aujourd’hui ? » publié en 2011. Pour nous business schools, cet article de la loi a bien sûr un impact sur notre recherche académique pour imaginer les modèles économiques et sociaux du monde de demain mais également sur ce que nous devons enseigner. Nous ne sommes qu’au début de cette révolution que nous avons d’ailleurs intégrée dans notre stratégie d’établissement et dans nos programmes, chaires et associations. Le nouvel uploads/Management/ rihab-sami-recent-l-x27-education-au-21-secle.pdf
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- Publié le Aoû 03, 2021
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