L’APPROCHE COMPORTEMENTALE DE L’EVALUATION DES SYSTEMES D’INFORMATION : THEORIE
L’APPROCHE COMPORTEMENTALE DE L’EVALUATION DES SYSTEMES D’INFORMATION : THEORIES ET TAXONOMIE DES MODELES DE RECHERCHE Serge BAILE Professeur agrégé en sciences de gestion à l’Université de Toulouse 1. Professeur à l’ESC Toulouse. Président de l’Association Information & Management. Résumé L’approche comportementale de l’évaluation des Systèmes d’Information (SI) est mise en oeuvre, depuis trois décennies et avec de nombreux modèles d’analyse, dans un cadre déterministe de prédiction du succès de l’utilisation des technologies de l’information. Elle mobilise des théories, dont l’origine se trouve en SI, en psychologie et en sociologie, ayant trait au comportement des utilisateurs en relation avec l’utilisation, l’intention et la stratégie d’adoption des TI. Ce papier fait état des contributions successives des théories couramment utilisées dans ces trois grands domaines et formule, pour conclure, un cadre général de recherche destiné à leur utilisation et à leur unification. Mots-Clés : Système d’Information (SI), Technologies de l’Information (TI), Modèle Comportemental, Présence Sociale, Richesse de Médias, Interactionnisme, Symbolique, Influence Sociale, Intention d’Utilisation, Modèle d’Acceptation de la Technologie (MAT), Théorie de l’Action Raisonnée (TAR), Théorie du Comportement Planifié (TCP), Théorie de la Diffusion de l’Innovation (TDI), Théorie Socio-Cognitive (TSC), Théorie de l’Alignement Tâche-Technologie (TATT). Abstract Behavioral approach of Information System (IS) is implemented, since three decades by many models, in a deterministic prediction success framework of the Information Technologies (IT) use. It mobilizes many theories with roots in IS, psychology and sociology, which concern the three areas of the IT user’s behavior, relating to the use, the intention and adoption strategy. This paper present the successive contributions of the theories usually used in these fields, and formulates, to conclude, a general design aiming to their use and their unification. Key-Words : Information System (IS), Information Technology (IT), Behavior Model, Social Presence, Media Richness, Symbolic Interaction, Social Influence, Usage Intention, Technology Acceptance Model (TAM), Theory of Reasoned Action (TRA), Theory of Planned Behavior (TPB), Innovation Diffusion Theory (IDT), Social Cognitive Theory (SCT), Task-Technology Alignment Theory (TTAT). 1 Introduction : La place de l’approche comportementale pour évaluer les Systèmes d’information L’approche comportementale de l’évaluation des SI s’inscrit, depuis trois décennies, dans une perspective de recherche déterministe destinée à mieux comprendre comment le comportement humain est associé au succès ou à l’échec de l’utilisation des TI. Plus précisément les nombreux travaux, qu’elle supporte, s’intéressent au fait que les sciences dites du comportement permettraient de saisir certains mécanismes et facteurs humains essentiels qui facilitent l’interaction des individus avec les technologies de l’information et conditionnent, de la sorte, la performance du système d’information. De très nombreuses recherches empiriques ont ainsi permis, depuis les tous premiers travaux de l’Ecole du Minnesota (Lucas, 1973, 1978 ; Dickson et al, 1977 ; Swanson, 1982,1988 ; Bailey et Pearson, 1983) de développer des modèles taxonomiques et de prédiction capables d’isoler les facteurs organisationnels (structure organisationnelle, transformation de processus, qualité du management, culture technologique,…), fonctionnels ou de groupe (valeur et culture professionnelle, satisfaction des usagers, …), individuels (attitudes, motivation, satisfaction, implication, participation,…), et environnementaux (politiques, économiques, technologiques, sociaux et culturels) pouvant aider à isoler les obstacles et expliquer le comportement des utilisateurs finals. Les perspectives théoriques d’évaluation se sont multipliées, d’abord avec une vue socio-cognitive de l’interaction homme/machine, mettant l’accent sur les différences individuelles et les technologies décisionnelles, puis avec une vision organisationnelle et stratégique (Banker et Kauffman, 2004) du développement des SI étendu à l’organisationnel, aux processus d’affaires et à la stratégie de l’entreprise. Ces perspectives n’ont pas abouti, cependant, à la construction d’un véritable méta-modèle utilisable pour expliquer l’utilisation des TI. L’image qui émerge aujourd’hui de ces travaux est celle d’un nœud complexe de facteurs contributifs dans un contexte théorique riche permettant d’utiliser des cadres théoriques différenciés, selon la stratégie d’intervention nécessitée pour promouvoir l’usage d’une TI (Kukafka et al, 2003). Ce constat est actuellement à l’origine d’une interrogation sur l’apport des théories jusqu’ici mobilisées, sur leur réelle contribution à l’étude des phénomènes sous-jacents à la valorisation des SI dans une optique d’efficience organisationnelle et, par voie de conséquence, sur la meilleure utilisation des capacités offertes par les TI, tant au niveau individuel (poste de travail ou utilisateur final) que collectif (projet ou groupe de tâche). Cette interrogation est importante autant pour le chercheur qui se trouve confronté à des choix théoriques, lors de la définition de sa problématique de recherche, que pour les praticiens et consultants qui développent souvent des outils d’enquête et des métriques d’évaluation souffrant d’une absence manifeste de référentiels conceptuels. Ainsi, dans le contexte de « l’audit social », l’approche comportementale de l’évaluation des SI répond à cette double exigence, dans une organisation sociale de l’entreprise basée la place de plus en plus importante des SI et sur un usage sans cesse croissant des TI destinées aux utilisateurs, d’une part, de vaincre les difficultés de mesure (inhérentes à la multitude d’impacts des SI/TI sur le développement des organisations) et, d’autre part, de tenter de concevoir, à terme, un schème théorique d’évaluation de l’impact des SI/TI (destiné à créer un environnement de travail pour l’heure inexistant). Cette approche comportementale de l’évaluation des SI est, à la différence de l’approche économique répondant à ces principes de gouvernance technologique (Baile, 2005), d’une richesse théorique sans aucune mesure, de par son évolution historique et la variété des concepts qu’elle manipule. Elle a fermenté, dans le contexte anglo-saxon de l’OB (Organizational Behavior) et des MIS (Management Information System), de très nombreux 2 travaux visant, d’une part, à expliciter, décrire et expliquer l’utilisation, par les managers, de nouveaux outils de traitement de l’information et de communication et, d’autre part, de préconiser et mettre en œuvre de bonnes pratiques de management nécessitant de nouvelles méthodes et règles de travail. Cette approche se réfère largement aux concepts fondamentaux de la sociologie des organisations, de la psychologie cognitive ou sociale et de la stratégie. Elle se décline, dans ce papier, selon les trois objets de recherche courants en management des systèmes d’information, relatifs, d’une part, au «processus de communication humain mettant en œuvre des TI », d’autre part, à «l’intention de les utiliser dans les tâches de management », enfin, à « leur adoption en tant que nouvelles technologies support à innovation dans les processus intra~inter organisationnels ». Cette taxonomie des théories et modèles vise à contribuer à l’étude des modalités et des principes, par nature différents mais quelquefois complémentaires, utilisées par les chercheurs pour traiter les problématiques (1) d’adaptation des individus à toute modification d’environnement de leur travail occasionnée par l’usage de TI, (2) de transformation organisationnelle entraînée par l’obligation de concevoir un nouveau modèle d’organisation basé sur le SI, et (3) de conduite du changement eu égard des objectifs organisationnels nouveaux (d’amélioration des relations d’affaires, de facilitation des échanges interpersonnels, …) et des perspectives de travail plus participatives et coopératives. Elle constitue un cadre original de travail pour appréhender les fondements conceptuels qui justifient positivement à recommander (1) une démarche d’audit visant à identifier certaines pratiques d’une évaluation plus sociale et humaine que technologique et financière des SI, (2) une mesure du succès de la mise en œuvre des TI professionnelles dans le respect des règles d’amélioration des conditions de travail, et de satisfaction personnelle, et (3) un guide de bonne conduite pour l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, à la coordination des SI, dans les entreprises ayant fait un choix d’aligner leur stratégie de développement à celles de leur ressources en SI. 1. Les théories relatives à l’utilisation des technologies de la communication Les théories relatives à l’utilisation des TIC peuvent se classer en deux catégories, en rapport, d’une part, avec la composante rationnelle, et, d’autre part, avec la composante sociale du choix d’un média technologique. Généralement, le débat sur les déterminants du choix des moyens de traitement de communication concerne le pouvoir explicatif de diverses théories et se focalise en particulier sur la théorie de la richesse des médias (TRM) et sur le modèle de l’influence sociale (MIS) (Fulk et Boyd, 1991 ; Markus, 1994 ; Webster et Trevino, 1995). La théorie de la richesse des média (Daft et Lengel, 1984, 1986) a longtemps dominé ; elle suppose que le choix des moyens de communication est un processus rationnel résultant de l’adéquation entre les caractéristiques des moyens de communication et le contenu du message. Le modèle de l’influence sociale, plus récent, focalise son attention sur les déterminants sociaux du choix des moyens de communication (Fulk, Schmitz et Steinfield, 1990). Très souvent, ces théories sont opposées les unes aux autres, et rarement considérées comme des approches complémentaires. Rice et al. (1994) proposent que la dichotomie entre les influences rationnelles et sociales est artificielle et n’est peut-être pas nécessaire. Beaucoup d’études, cependant, n’examinent qu’un faible nombre d’influences, généralement issues de l’une ou l’autre approche (Rice, 1992 ; Sitkin et al., 1992). Les études associant les deux approches sont beaucoup plus rares (Webster et Trevino, 1995). L’environnement théorique s’appuie donc sur quatre théories issues des deux courants. Les 3 deux premières, la théorie de la présence sociale et la théorie de la richesse des moyens de communication, sont relatives aux déterminants rationnels du choix et uploads/Management/ ue23-actes-2005-lille.pdf
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- Publié le Mai 18, 2022
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