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HAL Id: halshs-00746527 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00746527 Submitted on 29 Oct 2012 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Une société sous contrôle ? Philippe Sabot To cite this version: Philippe Sabot. Une société sous contrôle ?. Methodos : savoirs et textes, Savoirs textes langage - UMR 8163, 2012, pp.1-12. ￿halshs-00746527￿ 1 Une société sous contrôle ? A propos d’Olivier Razac, Histoire politique du barbelé (2000 ; rééd. Champs-Flammarion, 2009) Avec Foucault, après Foucault. Disséquer la société de contrôle (L’Harmattan, 2008) Olivier Razac a publié depuis une dizaine d’années des ouvrages apparemment très divers, aux titres parfois énigmatiques ou provocateurs : Histoire politique du barbelé (2000, rééd. Champs-Flammarion, 2009) ; L’écran et le zoo. Spectacle et domestication, des expositions coloniales à Loft Story (Denoël, 2002) ; La Grande santé (Climats, 2006) ou encore, plus récemment, Avec Foucault, après Foucault. Disséquer la société de contrôle (L’Harmattan, 2008). L’un des fils rouges de ces recherches consiste à aborder la question sociale à partir de la question carcérale (donc de l’enfermement des délinquants et des criminels) et de la question pénale (donc de la rationalité juridico-politique et des modalités d’administration et de gestion des peines)1. Il ne s’agit donc pas d’envisager purement et simplement, et de manière très spéculative, et comme on pu le faire dire à Foucault, la société comme une prison, comme un espace qui serait livré de part en part à l’exercice (contraignant et productif) des technologies disciplinaires. Il s’agit plutôt de trouver dans une analyse attentive des dispositifs carcéraux et des pratiques juridiques et pénales qui les soutiennent un éclairage original sur les formes les plus contemporaines de la gouvernementalité, de la gestion des populations dans un espace donné – donc aussi, mais pas seulement, dans l’espace social. Cette démarche se déploie manifestement dans deux directions complémentaires : la première touche à une clarification quant à la nature même de nos sociétés contemporaines (comme sociétés de contrôle) ; la seconde concerne l’analyse microphysique des technologies de pouvoir, étudiées à la fois du point de vue de leur ancrage objectif (et objectal) et du point de vue des formes de subjectivation qu’elles produisent. La « société de contrôle » : après et avec Foucault. D’abord, pour caractériser la démarche entreprise par Olivier Razac dans la plupart des ouvrages mentionnés, on dira qu’elle se situe clairement dans la lignée méthodologique et thématique des travaux de Foucault sur le pouvoir en tant que ces travaux se sont moins attachés à définir le pouvoir, à dire ce que c’est que le pouvoir (« Le pouvoir, ça n’existe 1 Olivier Razac est enseignant-chercheur au Centre interdisciplinaire de recherche appliquée au champ pénitentiaire (rattaché à l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire d’Agen). 2 pas »), qu’à étudier et à décrire, à « disséquer » les relations de pouvoir, et même plus précisément des types d’exercices du pouvoir dont les institutions comme la prison, l’asile - mais aussi des dispositifs plus concrets comme le zoo, le camp, les grandes surfaces, etc. - constituent à la fois la matrice et la pointe visible et exemplaire. O. Razac travaille et pense donc bien « avec » Foucault, donc d’une certaine façon d’après lui, au sens d’une fidélité à un programme de recherche (sur les prisons ou plus généralement sur les lieux d’enfermement et les espaces alternatifs où s’exercent aujourd’hui le suivi de certaines peines) ou à une méthode d’analyse (la généalogie historique). Pourtant, il situe aussi son entreprise « après » Foucault, donc dans cette distance qui sépare notre présent de celui de Foucault et qui invite par conséquent à réfléchir à de nouveaux objets (tels qu’ils apparaissent ou sont apparus dans notre expérience quotidienne, par exemple le GPS ou le GSM) aussi bien qu’à de nouvelles délimitations de l’espace (avec le réagencement des frontières sur le plan géopolitique, ou encore l’apparition et la généralisation de la notion de « milieu ouvert »), et finalement aux concepts propres à identifier et à problématiser les nouvelles formes d’exercice du pouvoir que ces objets et ces espaces rendent possibles et présupposent à la fois. Nous verrons plus loin que l’un de ces concepts émergents est celui de « virtualisation ». Pour caractériser plus précisément cette orientation résolument contemporaine de la réflexion qui est proposée par Olivier Razac, il est possible de faire intervenir la référence à la « société de contrôle » qui figure en sous-titre de son dernier ouvrage. Faire référence à la « société de contrôle », cela revient en effet à penser l’articulation de nouveaux dispositifs de pouvoir, définis par contraste avec les dispositifs de type disciplinaire tels que Foucault en a décrits l’émergence notamment dans Surveiller et punir. Deleuze a proposé, dans un entretien avec Toni Negri (« Contrôle et devenir ») et dans le fameux « Post-scriptum aux sociétés de contrôle » (tous deux datés de 1990 et repris dans le dernier chapitre de Pourparlers), l’hypothèse selon laquelle « nous entrons dans des sociétés de « contrôle » qui ne sont plus exactement disciplinaires […], qui fonctionnent non plus par enfermement mais par contrôle continu et communication instantanée » (Pourparlers, Minuit, 1990, p.236). Les sociétés de contrôle dont parle ici Deleuze correspondent donc à la mise en place de mécanismes de régulation et de sécurisation du champ social qui investissent tous les domaines de la vie humaine : le travail, la santé, l’éducation, les loisirs, etc. et dont l’efficacité tient à ce qu’ils se fondent dans le décor, qu’ils passent inaperçus et sont parfaitement intégrés à la vie quotidienne des individus qui en forment les relais efficaces et souvent bienveillants. L’un des enjeux du travail d’Olivier Razac consiste alors précisément à « disséquer la société de 3 contrôle » dans laquelle nous vivons. Ce qui revient non seulement, dans une perspective foucaldienne, à procéder à l’analyse des nouveaux mécanismes de pouvoir propres aux sociétés contemporaines ; mais aussi, et d’abord, à se demander si ce que Deleuze envisage comme un type de société post-disciplinaire, qui aurait substitué l’ouvert au fermé (sans que cette ouverture ne corresponde autrement que de manière illusoire et insidieuse à un gain de liberté des agents), ne s’éclaire pas aussi à partir de l’intrication des différents types d’exercice du pouvoir analysés par Foucault au cours de ses recherches : la souveraineté, le disciplinaire et le sécuritaire. Sur ce point, il est utile de se reporter au cours de Foucault au Collège de France et en particulier au cours de 1977-1978 consacré à Sécurité, territoire, population (ce cours est présenté dans l’article « La gouvernementalité », in Avec, après Foucault). Dans ce cours consacré à l’étude de la genèse de la gouvernementalité moderne, et dans lequel Foucault a pu exposer sa dernière pensée du pouvoir, celui-ci met notamment l’accent sur l’émergence, à la fin du 18e siècle, de mécanismes de sécurité qui se fondent non plus sur la réglementation juridique des activités humaines (sur fond de disciplinarisation des conduites) mais sur la gestion des variables qui guident le comportement général d’une population en vue d’en réguler les différents mouvements aussi bien que les actions (production, circulation, consommation) assimilés à des phénomènes « naturels ». Désormais, selon Foucault, « il va falloir manipuler, il va falloir susciter, il va falloir faciliter, il va falloir laisser faire, il va falloir, autrement dit, gérer et non plus réglementer. Cette gestion aura essentiellement pour objectif, non pas seulement d’empêcher les choses, mais de faire en sorte que les régulations nécessaires et naturelles jouent, ou encore de faire des régulations qui permettront les régulations naturelles. […] Les mécanismes de sécurité ou l’intervention, disons, de l’Etat ayant essentiellement pour fonction d’assurer la sécurité de ces phénomènes naturels qui sont les processus économiques ou qui sont les processus intrinsèques à la population, c’est cela qui va être l’objectif fondamental de la gouvernementalité» (Foucault, Sécurité, territoire, population, Gallimard/Seuil, « Hautes Etudes », 2004, p.360-361). Selon Foucault, cette gestion « sécuritaire » des populations et des processus économiques (et des processus économiques en tant qu’ils impliquent des populations) définit donc une nouvelle « économie » du pouvoir, fondée avant tout sur l’analyse statistique et scientifique des phénomènes et des comportements sociaux en vue d’en identifier la dynamique propre et les règles de fonctionnement, et d’en réguler le cours. 4 La question qui se pose alors est de savoir si les technologies de contrôle dont Foucault décrit l’émergence à la fin du 18e siècle prennent effectivement le relais et se séparent des deux autres mécanismes de pouvoir décrits dans Surveiller et punir : le pouvoir de souveraineté, adossé à l’énoncé et à l’application de la loi et le pouvoir disciplinaire, qui distribue les effets uploads/Management/ une-societe-sous-controle.pdf

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  • Publié le Oct 27, 2021
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