COMITÉS D'ENTREPRISE ET SYNDICATS, QUELLES RELATIONS ? Christian Dufour, Adelhe

COMITÉS D'ENTREPRISE ET SYNDICATS, QUELLES RELATIONS ? Christian Dufour, Adelheid Hege I.R.E.S. | « La Revue de l'Ires » 2008/4 n° 59 | pages 3 à 40 ISSN 1145-1378 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-de-l-ires-2008-4-page-3.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour I.R.E.S.. © I.R.E.S.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Au cours des années 1990, après cette longue phase de distanciation, les résultats électoraux semblent à nou- veau bénéfi cier aux syndicats. C’est du moins l’interprétation qui est faite de résultats collectés pendant une dizaine d’années qui attribuent une part croissante de voix aux listes syndiquées, au détriment des non-syndiqués. Peut-on en déduire qu’on a affaire à une « resyndicalisation » des comités (DARES, 2000, 2002 ; Jacod, avec Ben Dhaou, 2008) 1 ? Pour répondre à cette question une double investigation a été menée. D’abord, une analyse de résultats électoraux a été effectuée (partie I). Elle conclut que la qualifi cation de « resyndicalisation » repose sur une lec- ture formellement juste mais néanmoins tronquée des résultats. D’autres phénomènes sont à l’œuvre qui font plus que relativiser cette caractérisa- tion. Une investigation plus approfondie révèle aussi que le mode d’analyse de ces élections mériterait d’être adapté aux caractéristiques de ces scrutins pour qu’une interprétation pertinente des résultats puisse être tirée. Ensuite, une enquête qualitative a été réalisée auprès d’acteurs des co- mités d’entreprise : élu(e)s et présidents. Elle montre, outre la diffi culté d’identifi cation précise des résultats électoraux par l’administration, que l’étiquette syndicale n’est pas un indice univoque de la relation des élus aux syndicats. Les délégués ont développé une capacité stratégique à l’égard * IRES 1. Le terme de resyndicalisation se trouve déjà dans un projet d’étude qui côtoie les analyses sur les évolutions électorales des CE (Croisat et al, 1992). © I.R.E.S. | Téléchargé le 08/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.248.196.186) © I.R.E.S. | Téléchargé le 08/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.248.196.186) 4 LA REVUE DE L’IRES N° 59 - 2008/4 de ces derniers comme à l’égard des normes électives. Leurs relations aux syndicats s’organisent selon une typologie complexe, où la proximité avec les salarié(e)s l’emporte sur l’identité syndicale. L’étiquette syndicale n’est pas une garantie de qualité des relations entre les élus et les organisations auxquelles leurs résultats électoraux sont rapportés ; dans cette perspective, la césure entre « syndiqués » et « non-syndiqués » s’estompe. Ces travaux 1, ainsi que d’autres conduits sur ce même thème, soulèvent une série de questions sur la relation des comités et des syndicats (partie III). Elles prennent un relief particulier après la loi du 20 août 2008 « portant ré- novation de la démocratie sociale » qui lie la reconnaissance de représentativité syndicale aux résultats obtenus aux élections des comités d’entreprise. Ces élections se voient désormais reconnaître un statut qui transforme pro- fondément la place relative des comités et des syndicats. On défend ici la thèse que ces relations sont méconnues et surtout qu’on ne saurait – dans une perspective sociologique – se contenter de les caractériser à partir des seules élections organisées pour élire les délégué(e)s aux CE. I. Elections : resyndicalisation en faux-semblant et démographie des CE Pendant la décennie 1980, les listes syndiquées perdent des voix aux élections de comités d’entreprise au profi t des listes non syndiquées. Au contraire, durant la décennie 1990 et au tout début des années 2000, les listes présentées par les syndicats semblent regagner du terrain. Ce chan- gement de comportement peut-il être interprété comme un signe de « re- syndicalisation » des CE ? Nous verrons que cette qualifi cation n’est pas très solidement fondée. L’analyse des résultats sur deux cycles électoraux au tournant du siècle incite en outre à s’interroger sur les spécifi cités des processus électoraux propres aux CE et sur les conséquences qui devraient en être tirées pour leur analyse. I.1. La phase de « désyndicalisation » des comités A la fi n des années 1960, les résultats électoraux sont établis à partir d’un effectif d’environ 3 millions d’inscrits et 2 millions de voix par cycle biennal. Ils montrent une forte domination de la CGT au sein des voix syndiquées. La CFDT, deuxième organisation, ne la suit que de très loin. Les non-syndiqués obtiennent des résultats irréguliers et signifi cativement inférieurs à ceux de la CFDT. Néanmoins, du fait de leur implantation dans des structures plus petites, ils parviennent à obtenir un effectif important d’élus. Ainsi, en 1971, avec 17 % des voix, ils occupent 11 398 sièges, alors que la CGT n’en dispose que de 10 558 avec plus de 40 % des voix. 1. Cette étude est le résultat d’un appel d’offre de la DARES (2002) confi é à l’IRES en 2004. Un rapport sur ces résultats a été remis à la DARES en 2005 (Dufour, Hege, avec Dubas, 2005). © I.R.E.S. | Téléchargé le 08/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.248.196.186) © I.R.E.S. | Téléchargé le 08/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.248.196.186) 5 COMITES D'ENTREPRISE ET SYNDICATS, QUELLES RELATIONS ? Durant cette même période, de nouveaux CE se créent, souvent pour répondre à des exigences législatives (participation, formation profession- nelle…). Ce rajeunissement d’une structure qui avait longtemps stagné nu- mériquement s’accompagne d’une évolution de la situation électorale, dans le contexte de l’après-1968. Tableau 1. Comparaison des résultats globaux (en voix) 1966-1971 1966 1967 1968 1969 1970 1971 CGT 50,8 45,0 47,9 40,9 46,0 43,3 CFDT 19,1 17,7 19,3 18,2 19,6 18,9 CGT FO 8,0 7,5 7,7 7,0 7,3 7,6 CFTC 2,4 2,1 2,9 2,7 2,7 2,1 CGC Autres syndicats 3,5 3,9 5,4 5,9 7,0 9,1 Non-syndiqués 12,0 19,9 11,7 20,4 11,9 17,0 Les comparaisons s’effectuent entre années paires d’une part et années impaires d’autre part pour des élections biennales. Un « cycle électoral » est constitué des résultats de deux années consécutives. Source : Revue Française des Affaires sociales, no 4, octobre-décembre 1972, p. 67 à 85. Tableau 2. Elections aux CE de 1971, voix obtenues suivant l’origine des candidatures pour l’ensemble des collèges Voix obtenues % % corrigé CGT 427 348 43,3 42,1 % CFDT 186 320 18,9 18,4 FO 75 004 7,6 7,4 CFTC 20 477 2,1 2,01 CGC 48 140 4,74 CFT 20 815 2,1 2,05 CGSI 7 800 0,8 0,76 Autres syndicats 61 353 6,2 6,04 Non-syndiqués 167 696 17,0 16,5 Total* 1 014 953 100 * Les deux premières colonnes du tableau reproduisent les données qui fi gurent dans la revue. La co- lonne de droite et le total des voix obtenues relèvent de notre calcul. La colonne des pourcentages pu- bliée dans la revue ne permet pas d’arriver à 100. Les pourcentages attribués à chaque organisation ne correspondent pas à la fraction voix obtenues/total, y compris avec la correction liée au statut de la CGC. Source : Revue Française des Affaires sociales, no 4, octobre-décembre 1972, p. 67 à 85. © I.R.E.S. | Téléchargé le 08/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.248.196.186) © I.R.E.S. | Téléchargé le 08/02/2021 sur www.cairn.info (IP: 41.248.196.186) 6 LA REVUE DE L’IRES N° 59 - 2008/4 Entre la fi n des années 1960 et celle des années 1990 trois phénomè- nes marquent structurellement les CE et leurs élections. D’abord, l’effectif d’inscrits (recensés) est presque multiplié par deux, alors que la crise éco- nomique s’étend mais que de nouveaux CE se créent. Ensuite, les salariés votant pour les différentes listes présentées par des syndicats restent très majoritaires, mais leurs voix sont moins polarisées autour d’une organisa- tion dominante ; les confédérations sont plus concurrentes qu’auparavant. Enfi n, les non-syndiqués gagnent du terrain. Ils prennent lentement un ascendant numérique dans le classement des résultats, puisque le total de leurs voix dépasse celui de la confédération la plus puissante. Ils se trou- vent essentiellement dans les établissements les plus petits, qui sont en phase d’équipement en matière de CE. Au milieu de cette période (1982) interviennent les lois Auroux, qui donnent une place nouvelle à cette struc- ture de représentation. Un seuil symbolique est franchi en 1989-1990 lorsque les non-syndi- qués deviennent, par anti-phrase, le « groupe syndiqué le plus nombreux » (graphique 1). A uploads/Management/comites-d-x27-entreprise-et-syndicats-quelles-relations.pdf

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  • Publié le Oct 27, 2021
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