Expériences de mort imminente : la preuve impossible Jean-François Marmion Arti

Expériences de mort imminente : la preuve impossible Jean-François Marmion Article publié le 12/01/2011 http://le-cercle-psy.scienceshumaines.com/ Quitter son corps, voler dans un tunnel, voir sa vie défiler, rencontrer un Etre de Lumière... Les expériences de mort imminente (ou NDE) restent une énigme : simple hallucination ? Quelques scientifiques entendent le vérifier. Comment s'y prennent-ils ? Avec quels résultats ? Nous les avons rencontrés. Une chose est sûre : la NDE est plus traumatisante qu'on ne l'imagine. Même Keith Richards. Dans ses Mémoires (1), le guitariste et compositeur des Rolling Stones explique que durant un accident de voiture, il quitta son corps pour surplomber le carambolage depuis quelques mètres, avec une incroyable sérénité. Puis tout redevint normal. Les mauvaises langues auront beau jeu de souligner que l’intéressé ne fume pas que des cigarettes en chocolat, la sortie hors du corps représente une étape liminaire d’un phénomène bien plus complexe : l’expérience de mort imminente (EMI, ou Near-Death Experience, NDE, selon l’usage le plus fréquent). Le scénario type en est bien conu : l’impression de quitter son corps en toute quiétude, de voler à travers une sorte de tunnel, voir sa vie défiler, rencontrer des proches décédés et surtout un Etre de Lumière qui irradie d'amour… et puis s’entendre dire que l'heure n’est pas venue, et finalement revenir à la case départ, quand bien même une équipe médicale vous avait déclaré cliniquement mort. On peut n’éprouver que certains épisodes, dans un ordre variable selon les sujets, mais l’expérience n'est jamais perçue comme une hallucination, et transforme toujours en profondeur. C’est La Vie après la vie (2), le best-seller surprise d’un psychologue et médecin américain pétri de philosophie, Raymond Moody, qui a déclenché l’intérêt du public en 1975, alors que des moyens inédits de réanimation permettaient la multiplication des témoignages d’« expérienceurs », ou rescapés de la mort. La saga des NDE recèle ses épisodes croustillants, comme quand un cardiologue sceptique, Michael Sabom, crut bon de jouer les trouble-fête à la fin d’une conférence de Moody : « Je travaille depuis 30 ans à l’hôpital, et je n’ai jamais entendu parler de ce truc ! » Un de ses patients, présent dans la salle, leva la main : « Ca m’est arrivé, et dans votre service. Mais vous êtes la dernière personne à qui j’en aurais parlé ! » Sabom décida de mener sa propre enquête en lui conférant la rigueur statistique faisant cruellement défaut à l’ouvrage un rien impressionniste, voire brouillon, de Moody. Et il dut se rendre à l’évidence : un tiers des patients de son service affirmaient avoir vécu une NDE sans oser la lui relater. Quelle belle prise que ce scientifique railleur passé dans le camp de ses adversaires ! Plusieurs chercheurs, à la suite de Kenneth Ring, professeur de psychologie à l'université du Connecticut, ont établi que 10, voire 20 % des personnes frôlant la mort rapportent une NDE, quelle que soit leur culture d’appartenance. Même celles qui n’en avaient jamais entendu parler. Même les enfants. Même les athées… 20 millions de personnes seraient concernées rien qu’en Europe, et 12 millions aux Etats-Unis. Aucun facteur ne semblait les y prédestiner. Aujourd’hui, les mentalités ont évolué au point que le phénomène est non seulement connu, mais admis. On ne nie plus son existence. Quant à s’accorder sur sa nature ou l’interprétation à lui donner, en revanche, on est très loin de tout consensus. Un coup de baguette magique ? C'est dans notre très sceptique France, à Martigues, le 17 juin 2006, que fut paradoxalement organisé le premier colloque international sur le sujet. « Grâce à mon jeune âge, on ne m'a pas prise au sérieux : j'ai pu faire ce que je voulais », plaisante son organisatrice, la journaliste Sonia Barkallah. Bien que n'ayant pas vécu de NDE elle-même, elle nourrit une passion de longue date pour le sujet. Au point de sortir récemment un documentaire qu'elle a mis sept ans à boucler (3). Ce qui caractérise une NDE, pour elle, « c'est surtout la transformation qu'elle induit. Moins de matérialisme, de l'altruisme, le respect de la nature, souvent une réorientation professionnelle... » Et bien sûr, plus aucune peur de la mort. « Les expérienceurs sont fatalistes. Ils prennent la vie comme elle vient. Quoi qu'il arrive, ils l'acceptent avec plus de philosophie, même quand ils perdent un enfant. Dans ce cas ils sont tristes de ne plus le voir, mais ils savent où il est. » Le Dr Jean-Pierre Jourdan, auteur de Deadline – dernière limite (4) et vice-président de Iands-France (International Association for Neath-Death Studies), rapporte ce témoignage d'une amie ayant vécu une NDE : « Un jour, elle m'annonce : « J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La mauvaise nouvelle, c’est qu’on m’a trouvé un cancer du pancréas. La bonne, c’est que je vais retrouver ce que j’ai connu. » C’est-à-dire la joie, la Lumière… « A l'idée de mourir, elle était dans le cas d’une amoureuse qui va retrouver celui qu’elle aime après une longue séparation. Elle parlait de la mort en rigolant. Pour autant, elle a vécu jusqu’au bout, sans chercher à abréger ses jours. Elle a tenu un an, plus que la moyenne. Deux semaines avant sa mort, nous étions encore au restaurant. » Etrangement, « rigoler » de la mort ne donne absolument pas envie de resquiller en se suicidant pour retrouver plus vite l'au-delà. Au premier abord, la NDE semble donc un coup de baguette magique, avec des gens touchés par la grâce en route vers la sagesse, voire la sainteté. Miraculés, débarrassés de l'angoisse de disparaître, jouissant de l'instant présent, généreux, avides de s'instruire... C'est bien l'image la plus répandue, un rien sulpicienne. Sauf qu'à y regarder de plus près, elle est fausse ! Sylvie Déthiollaz, docteure en biologie moléculaire et fondatrice du centre Noêsis, voué à étudier les NDE et accueillir les expérienceurs (5), met en garde : « Un langage stéréotypé s'est mis en place pour parler des NDE. C'est un phénomène de mode très dommageable, car cela donne une idée simpliste de ces expériences qui sont mille fois plus complexes que ce qu'on en a fait dans les médias. » La NDE fabuleuse, où tout devient pour le mieux dans le meilleur des mondes, ne serait tout simplement « pas la norme. Souvent, on peut considérer que cette expérience est un traumatisme. Pour les expérienceurs, la NDE est en soi un cadeau fondamentalement merveilleux, mais qui les met en porte-à-faux dans notre société. Ils sont totalement en décalage par rapport à nos valeurs et notre vision du monde. Leur système de référence antérieur, tout ce qu'ils avaient cru vrai, s'est écroulé. Ils ne savent pas à qui s'adresser, souffrent d'isolement. A ce cadre général s'ajoutent les facteurs individuels : selon la fragilité de la personne, peut-être ses problèmes psychologiques initiaux, l'expérience peut déclencher des problématiques latentes, voire des états dépressifs assez profonds. Ces personnes sont parfois très perturbées par leur expérience, au point d'avoir besoin d'un soutien thérapeutique, ponctuel ou de plus longue durée. » Jean-Pierre Jourdan confirme : « Je refuse les conférences pour le grand public. La seule chose qu’attendent les gens, c’est de savoir si leurs défunts sont encore quelque part, ce qui est bien compréhensible. Le reste, ils s’en fichent complètement. Or, le problème pour les expérienceurs, ce n'est pas la vie après la vie, c'est désormais la vie dans ce monde ! » Une honteuse merveille Loin de faire de vous un élu, voire un ravi de la crèche, la NDE génère des tensions permanentes. D'abord, même si la notion fait son chemin chez l'homme de la rue, la peur d'être pris pour un exalté reste prégnante. « C'est la plus belle expérience de leur vie, mais les expérienceurs doivent la cacher comme quelque chose de honteux », résume Jean-Pierre Jourdan. Ensuite, tous insistent sur les limitations inhérentes à nos concepts et vocabulaire habituels pour relater le phénomène : des perceptions sans corps, un tunnel qui n'en est pas vraiment un, un Etre irradiant une lumière aveuglante mais très douce, l'impression de revoir chaque détail de sa vie en une fraction de seconde, la perte de toute temporalité habituelle... Et parfois, la certitude de tout connaître de l'univers, de ne faire qu'un avec lui, en comprenant que chaque chose, chaque événement a un sens... quitte à tout oublier en réintégrant son corps. Tout cela fait en effet beaucoup à confesser. Sans oublier, le cas échéant, une vision à 360° pendant l’expérience, et des perceptions extrasensorielles au quotidien, après le retour ! Une expérienceuse nous a par exemple expliqué, après nous avoir demandé d’interrompre l’enregistrement, qu’il lui arrivait de percevoir des informations sur les vies antérieures de ses interlocuteurs… Le plus préoccupant peut-être, ce sont d'éventuelles visions catastrophistes de l'avenir. « C'est très courant, expose Sylvie Déthiollaz. A côté de la revue de vie, où chacun revoit son passé en détails, surviennent des visions du futur, que ce soit celui du monde ou de son entourage personnel. » Ces visions se vérifient-elles ? uploads/Management/experiences-de-mort-imminente-la-preuve-impossible 1 .pdf

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  • Publié le Aoû 28, 2021
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