1 LES INDICATEURS NON FINANCIERS DANS LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE DU CONTRÔLE D

1 LES INDICATEURS NON FINANCIERS DANS LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE DU CONTRÔLE DE GESTION : UN BILAN Jean-François Tremblay, professeur, École des Sciences de la Gestion de l’Université du Québec à Montréal, tremblay.jean-francois.2@uqam.ca Résumé : Cette étude vise à mettre en évidence les caractéristiques des recherches portant sur les indicateurs non financiers dans la littérature scientifique du contrôle de gestion. L’analyse est basée sur les résultats bibliographiques obtenus à l’aide d’outil de recherche académique au 28 octobre 2011. La méthodologie ainsi que les résultats de onze articles sont examinés. Les constats communs des indicateurs non financiers en tant qu’outils nécessaires et outils de complexité sont soulignés. Mots clés : indicateurs, non financiers, contrôle de gestion, bilan. Abstract : The aim of this study is to highlight the characteristics of research on non-financial indicators in the management control scientific literature. The analysis was based on bibliographic notices from an academic search utility on October 28th, 2011. The methodology and the results of eleven articles are examined. Shared constatation of non-financial indicators as necessary tools and tools of complexity are underlined. Key words : indicators, non-financial, management control, assessment. 1 Introduction Les problématiques économiques actuelles renforcent l’importance pour les gestionnaires d’accorder l’attention nécessaire aux indicateurs de performance appropriés, c’est-à-dire générateurs de valeur pour l’organisation. Les mesures financières tentent d’encadrer et de définir le plus clairement possible la composition des bilans et des résultats des entreprises, mais elles ne peuvent en même temps incarner la réponse aux besoins opérationnels qui gèrent l’ambiguïté et l’incertitude au quotidien (McKinnon & Bruns, 1992). La définition de performance organisationnelle évolue ainsi vers une perspective qui inclut l’analyse des indicateurs non financiers. Le contrôle de gestion, à la croisée des chemins entre la vision stratégique de l’organisation et son opérationnalisation (Anthony, 1965), est directement concerné par les mesures qui permettent d’améliorer le contrôle et la performance de l’organisation (Bouquin, 2010). De nombreux articles ont synthétisé l’état des connaissances scientifiques concernant les mesures de performance. Le travail de Neely et al. (1995) offre une perspective issue de la 2 gestion des processus manufacturiers. Ils classifient les mesures de performance par rapport à quatre dimensions; le coût, bien entendu, mais aussi la qualité, le temps et la flexibilité. Ces trois dernières dimensions sont ancrées dans la réalité non financière de l’analyse de performance. Dix années plus tard, Neely (2005) poursuit son travail d’analyse des écrits et constate qu’une des avenues de recherche future concerne la mesure des actifs intangibles, autant pour les usages internes qu’externes à l’organisation. Récemment, Taticchi et al. (2010) ont repris le cadre d’analyse de Neely et soulignent une spécialisation des problématiques. Des champs d’études plus pointus comme les mesures de performance dans le contexte de la gestion de projet ou l’analyse des mesures utilisées en gestion de risque ont fait surface. Taticchi et son équipe signalent aussi le peu d’études réalisées en contexte de PME. Neely et Taticchi partagent le même cadre d’analyse des écrits qui exclut notamment les articles portant sur la perspective du contrôle de gestion. Ces revues systématiques de la littérature n’avaient pas non plus pour objectif d’identifier spécifiquement le rôle des indicateurs non financiers dans les systèmes d’évaluation de la performance. L’attention renouvelée concernant les indicateurs non financiers se situe dans les années 90 qui voient l’émergence du modèle de tableau de bord promu par Kaplan et Norton (1992). Otley et al. (1995) en soulignent la naissance et l’impact significatif sur les concepts d’indicateurs dans leur revue du développement du domaine du contrôle de gestion. L’inclusion de mesures non financières dans les tableaux de bord est limitée à une approche provenant du haut de la hiérarchie organisationnelle (top-down management approach), comme le soulignent Berry et al. (2009) quelques années plus tard. Ils remarquent aussi une faiblesse concernant l’attention superficielle accordée aux contrôles informels et au contexte organisationnel. Berry et al. (2009) constatent aussi l’importance limitée des contrôles informels dans la vision de Simons (1995). Otley en 1995 et Berry en 2009 se situent dans un perspective de contrôle de gestion, mais n’étudient pas la littérature portant spécifiquement sur les indicateurs non financiers. Quant à Ittner et Larcker (1998b), ils consacrent une section de leur analyse des tendances innovatrices sur les mesures de performance aux problématiques qui concernent les instruments non financiers. D’abord, le lien entre la mesure et les bénéfices économiques attendus les préoccupent. Ensuite, ils s’intéressent aux possibilités de concentration et de contrôle de l’attention des intervenants ainsi qu’aux circonstances qui permettent de constater une amélioration des performances d’une entreprise. Cet objectif idéalisé doit s’arrimer à une réalité d’infrastructure qui permet de capter l’information, mais comme Franco-Santos et Bourne (2005) le démontrent dans leur recensement des écrits, nous manquons d’études sur ce sujet. Au niveau de la stratégie de l’entreprise, Langfield-Smith (1997) recense les écrits portant spécifiquement sur les liens entre systèmes de mesure de performance et stratégie. L’importance des mesures de performance non financières a été soulignée entre autres par Ittner et Larcker (1998a) et Banker et al. (2000). Cette importance s’accompagne de difficultés d’utilisation particulières et plusieurs recensements de littérature ont réalisé l’analyse des écrits concernant les mesures de performance. Cependant, ils incluent les indicateurs non financiers parmi un ensemble d’indicateurs de mesure et n’adoptent pas toujours la perspective du contrôle de gestion. Cette étude vise à répondre à la question suivante : quelles sont les caractéristiques de la littérature scientifique réalisée sur les indicateurs non financiers dans une perspective de 3 contrôle de gestion? Nous disposerons ainsi d’une image plus précise des perspectives étudiées et des méthodes employées, ce qui permettra de mieux faire ressortir les voies de recherche qui auraient avantage à être empruntées. Les chercheurs du domaine du contrôle de gestion qui utilisent le concept d’indicateur non financier disposeront d’un bilan aussi précis que possible des articles portant sur le sujet. Dans cette communication, je préciserai les notions de contrôle de gestion et d’indicateurs non financiers avant de décrire le cadre méthodologique qui m’a permis d’identifier les articles pertinents dans le cadre de cette étude. Les résultats et l’analyse systématique des articles seront présentés. Finalement, la discussion sera suivie de pistes de recherches futures. 2 Le contrôle de gestion et les indicateurs non financiers Bouquin (2010) définit le contrôle de gestion comme un ensemble de dispositifs qui utilisent les systèmes d’information afin d’assurer la cohérence des actions des cadres. Il indique que le contrôle de gestion offre des outils au gestionnaire pour réaliser deux missions ambivalentes : aide à la performance et surveillance. Pour réaliser ces deux missions, l’évaluation de la performance utilise les processus de contrôle financier, mais aussi les diverses mesures opérationnelles incluant les indicateurs non financiers. Ces outils sont explicités par Cunningham (1992) qui définit les systèmes de contrôle de gestion (Management Control Systems, MCS) comme les techniques et mécanismes utilisés par les entreprises pour atteindre leurs objectifs et réussir la réalisation de leurs stratégies. Selon Merchant et Van der Stede (2012), l’aide à la performance et la surveillance sont traditionnellement comprises comme l’analyse des données financières de l’organisation. La comptabilité financière est issue de normes largement répandues. Ces normes sont perçues comme relativement précises et objectives, en plus d’avoir l’avantage d’être disponibles à des intervalles réguliers dans le temps. Les règles comptables permettent d’espérer que des individus différents pourront mesurer des éléments financiers et obtenir un chiffre final comparable. Autre avantage, le système de vérification externe renforce les perceptions d’objectivité et de conformité. Les mesures financières sont acceptées en tant que langage de gestion et font partie de la formation des gestionnaires depuis maintenant plusieurs générations. Elles présentent cependant de nombreux problèmes, certaines bien identifiées par Merchant et Van der Stede (2012). Les mesures financières évaluent difficilement les actifs intangibles de l’entreprise que sont les ressources humaines, l’investissement en recherche et développement ainsi que les systèmes d’information. Les mesures financières, qui sont essentiellement centrées sur le passé, ignorent le risque et les changements reliés au risque qui influencent les résultats futurs. Malgré les perceptions d’objectivité dont elles bénéficient, les mesures financières ne sont clairement pas à l’abri de la subjectivité à travers les nombreux choix de méthode de calcul disponibles. En somme, les mesures financières se centrent sur l’optimisation des décisions de gestion à court terme et délaissent l’amélioration de la performance à long terme (Kaplan & Norton, 1996). Pour pallier les limitations des mesures de performance financières, les gestionnaires responsables des opérations en entreprise ont utilisé des mesures d’évaluation qui sortent du 4 cadre strict des mesures comptables (Merchant & Van der Stede, 2012). La discussion sur ces mesures flexibles et leur lien avec l’amélioration de la performance financière (Ittner & Larcker, 1998b; Kaplan & Norton, 1992) ont gagné en popularité ces dernières années, portées entre autres par le succès du concept du Balanced Scorecard (Kaplan & Norton, 1992). Les tableaux de bord mélangent cependant les indicateurs financiers et non financiers, même s’ils ont des attributs fondamentalement différents (Banker & Mashruwala, 2007). La définition d’indicateur fourni par Lorino (1997) implique une définition de la mesure, autant descriptive que technique, liée à sa uploads/Management/indicateurs-non-financiers 1 .pdf

  • 21
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Fev 21, 2022
  • Catégorie Management
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.5578MB